Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chine - monde

Guerre commerciale entre la Chine et Bruxelles

L’écart encore irréconciliable entre les positions commerciales.

Dans son éditorial en ligne du 28 mai le journal Le Monde argumentait sur les risques sociaux du dumping chinois – 25 000 emplois menacés en France –, sur les coups portés par la Chine à « une industrie d’avenir », et sur les défis que Pékin posait à la cohésion européenne - « l’exemple donné par Madame Merkel est catastrophique » assénait l’auteur -. Ce dernier rappelait aussi que la décision du Commissaire européen Karel de Gucht ne faisait qu’emboîter le pas des États-Unis qui, « au printemps 2012, avaient appliqué des taxes allant de 35 à 250% sur les panneaux solaires chinois importés. ».

La conclusion appelait au durcissement de l’UE contre la Chine et exprimait un vœu qui, aujourd’hui, paraît encore très utopique : « La bonne stratégie eût été, pour l’ensemble des Européens, de coller publiquement à l’initiative de M. De Gucht pour arriver en position de force à une négociation avec la Chine. Bref, de faire comme les États-Unis, et pas, une fois de plus, comme les Bisounours du commerce international ».

En même temps, et comme pour pointer du doigt à quel point les relations commerciales sont aujourd’hui enchevêtrées et contraignantes, un article des Échos jetait une lumière crue sur la vulnérabilité aux représailles chinoises des viticulteurs du Bordelais. Il rappelait en effet que l’empire du Milieu, qui, avec Hong Kong, « pesait » 27% des exportations des vins de Bordeaux, était aujourd’hui leur premier marché à l’export, avant même le marché anglais et représentait deux fois et demie le marché allemand. Pour le journal La Croix, des sanctions chinoises frappant les vins de Bordeaux seraient « une catastrophe » et menaceraient plusieurs dizaines de milliers d’emplois dans le sud-ouest.

La musique était sensiblement différente à Londres et Berlin. Le 8 juin, le Guardian publiait un article sur la détermination d’Angela Merkel à éviter une guerre commerciale dangereuse et appelant à « d’intenses négociations » avec la Chine, d’autant que la Commission avait lancé une nouvelle piste de menaces contre les opérateurs de télécoms chinois.

Toujours selon le journal anglais, le jeu des attaques et ripostes en cours menaçait de plonger l’Europe et la Chine dans une guerre commerciale au milieu de sévères rivalités européennes, tandis que, facteur aggravant parce que très émotionnel, la France était « outragée » par la rétorsion viticole injustifiée de Pékin. Dans le même temps, le ministre allemand de l’économie, Philipp Rösler, qualifiait de « grave erreur » la décision de la Commission européenne de taxer provisoirement les importations de panneaux solaires chinois, et appelait au dialogue.

Quant aux journaux chinois, ils expriment à la suite de Li Keqiang en visite en Allemagne fin mai, un mélange d’inquiétude à quoi s’ajoute la menace de représailles à laquelle chacun se prépare, mais dont Pékin, qui joue sur les ambiguïtés, n’a, en dehors de la riposte sur les vins, pas encore dévoilé toutes les facettes.

Une brève du Global Times du 6 juin soulignait que les mesures européennes coûteraient au moins 500 000 emplois en Chine. Dans le même temps, le China Daily publiait un long article de He Weiwen, codirecteur du Centre d’études Chine – États-Unis – Europe de l’Association chinoise pour le commerce international. Se projetant dans l’avenir, il regrettait que l’UE néglige l’importance de l’énergie solaire appelée à fournir en 2060 plus de 30% de l’énergie globale, une réalité qui devrait inciter la Chine et l’UE à coopérer financièrement et technologiquement sur ce secteur.

A ces injonctions de coopération sur fond de demande globale – qui envisagent d’échanger les technologies européennes contre l’appui financier de la Chine - il ajoutait aussitôt une pression allusive, soulignant qu’une guerre commerciale ouverte pourrait priver l’UE des opportunités considérables d’une Chine en pleine mutation urbaine, dont les importations cumulées dans les cinq années à venir atteindraient 10 000 Mds de $.

Le 8 juin, un article du Quotidien du Peuple intitulé « La Chine espère un mieux, mais se prépare au pire » expliquait, en se plaçant sur le terrain moral et politique, qu’il y aurait plusieurs messages négatifs dans la décision d’imposer des taxes aux importations de panneaux solaires chinois.

Le premier, dit l’auteur, plutôt à contretemps, traduirait « le manque de courage de l’UE face aux réalités » et un « déficit de confiance dans la capacité des protagonistes à résoudre les contentieux par la négociation », critiquant au passage le processus de prise de décision de l’UE qui aurait permis à Karel de Gucht « de prendre la main seul, sur un sujet aussi sensible ».

Depuis que l’UE a lancé ses enquêtes, ajoute le journal, les prix des panneaux chinois ont augmenté de 20%, tandis que les taxes européennes réduiront la demande européenne de 80%, portant atteinte aux intérêts « raisonnables de la Chine ».

Le Quotidien précisait aussi – renversant les rôles - que les taxes traduisaient les tendances protectionnistes de l’UE, auxquelles Pékin s’était toujours opposé et exprimaient un fond de « mauvaise foi refusant la compétition commerciale ». A la lumière des liens commerciaux récents, il n’y aurait pas d’obstacles que les partenaires ne puissent surmonter.

Mais si ces derniers ne tenaient pas compte de leurs intérêts réciproques, ou s’ils manquaient de « sincérité » dans la recherche de solutions négociées, la Chine et l’UE pourraient difficilement développer des coopérations économiques saines et opérationnelles.

La conclusion était une menace à peine voilée : « La Chine est psychologiquement prête à affronter les difficultés qui s’annoncent et ne se fait aucune illusion sur les négociations avec l’UE. Elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour que la situation s’améliore, tout en se préparant au pire. Dans ce cas, elle jouera des nombreuses cartes dont elle dispose. »

En faisant le bilan des réactions très diverses au sein de l’Europe, à quoi s’ajoutent les injonctions et mises en garde chinoises, on ne peut s’empêcher de songer à des jeux de rôles en amont des négociations à venir. La vérité est que ni Pékin ni Bruxelles n’ont les moyens d’une querelle trop longue et trop sévère.

La Chine, déjà sur la sellette aux États-Unis, devra composer. Elle est en effet encore très dépendante des marchés occidentaux, tandis que sa modernisation et le succès de l’urbanisation en cours sont en partie liés aux transferts technologiques européens et américains, notamment dans l’énergie, le transport aérien et la protection de l’environnement, trois secteurs stratégiques de première grandeur.

Quant à la Commission européenne, elle avance plus dispersée que jamais sur le marché prometteur de la modernisation chinoise et de son urbanisation massive. C’est pourquoi, elle n’aura d’autre choix que de trouver un terrain d’entente non seulement avec Pékin, mais également avec les États membres, dont il est probable que certains n’accepteront pas de reconduire les mesures tarifaires imposées par Bruxelles.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• Vos commentaires

Par chineurop Le 8/07/2013 à 11h11

Guerre commerciale entre la Chine et Bruxelles.

La production des cellules photovoltaïques est un activité « low tech » qui ne se développent en Chine que grâce aux subventions européennes. Celles-ci coutant extrêmement chères seront tôt ou tard limitées (comme en France fin 2010). La Chine tente juste de négocier le naufrage prochain de ce pan de son industrie...

http://energie-developpement.blogspot.fr/2013/07/solaire-chine-europe-taxe-guerre-commerciale.html

• À lire dans la même rubrique

Au Pakistan, des Chinois à nouveau victimes des terroristes

Munich : Misère de l’Europe-puissance et stratégie sino-russe du chaos

Au Myanmar le pragmatisme de Pékin aux prises avec le chaos d’une guerre civile

Nouvelles routes de la soie. Fragilités et ajustements

Chine-UE. Misère de l’Europe puissance, rapports de forces et faux-semblants