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›› Chronique

Hong-Kong. Ambiguïté et contradictions des « deux systèmes. »

« Un pays 2 systèmes », un arrangement au profit du « business. »

Concocté par Londres et Pékin, appuyé par l’oligarchie des affaires qui leur étaient inféodé, à la fois pour protéger la Région Administrative Spéciale d’une marée d’immigrants du Continent attirés par la différence de niveau de vie et sauvegarder sa réputation du droit des affaires et d’une société civile dynamique, relativement plus libre, l’arrangement hybride insolite, imaginé par Zhou Enlai et qui existait déjà dans la constitution chinoise pour la question taïwanaise, devait garantir que Hong Kong serait géré par ses résidents.

Selon la Loi Fondamentale - « Basic Law » -, la constitution locale élaborée après la déclaration conjointe sino-britannique de 1984, approuvée par l’Assemblée Nationale Populaire chinoise en mars 1990, Pékin n’interviendrait pas dans les affaires de l’ancienne colonie, excepté dans les relations internationales, la défense et les questions impliquant la sécurité de la Chine.

Il reste qu’examiné dans le détail, le poids politique de Pékin est considérable. La Chine peut en effet, à tout moment, abroger les lois de la RAS, (article 159 de la Loi), tandis que le « Chief Executive » et les membres du Conseil Législatif sont, à ce jour, toujours choisis selon des critères imposés par Pékin et relayés par la mouvance des affaires.

Plus encore, s’il est vrai que la Loi prévoit dans ses articles 45 et 68 que le « but ultime » est l’élection du Chief Executive et du Conseil Législatif au suffrage universel direct, les conditions de cette démocratisation restent strictement contrôlées. Les mêmes articles précisent en effet que « les dispositions destinées à désigner le Gouverneur seront arrêtées en fonction de la situation réelle à Hong Kong, et dans le cadre d’un processus ordonné et graduel ».

L’espoir d’une évolution démocratique, que la population prend de plus en plus au sérieux, est donc forcément tempéré par le réalisme inflexible des textes qui, en dernière analyse, donnent toute latitude à Pékin pour bloquer les réformes politiques, impossibles à mettre en œuvre sans l’accord de l’Assemblée Nationale Populaire chinoise.

Il faut se rendre à l’évidence, l’autonomie inscrite dans la loi ne permet pas à la Région Administrative Spéciale de modifier elle-même son système politique. Au demeurant, depuis 1997, Pékin a plusieurs fois montré sa tendance à peser lourdement sur Hong Kong. Le plus souvent pour réduire la liberté d’expression.

La main lourde de Pékin, face à l’inexorable désir de démocratie.

Une première crise, discrète et feutrée, se traduisit par la démission, en avril 2001, d’Anson Chan, la très respectée Secrétaire Générale de l’administration qui s’insurgeait contre les constantes interventions de Pékin pour limiter la liberté d’expression.

En avril 2000, elle fit un discours de 4 heures, pour souligner l’importance de la liberté de la presse, en réponse aux propositions de Wang Fengchao, directeur adjoint du bureau de liaison chinois à Hong Kong, de limiter la liberté d’expression par l’Article 23, visant à « protéger la Chine contre les actes de trahison et de subversion ».

L’échange marquait l’apogée d’une querelle commencée en 1999 lorsque la Radio Télévision de Hong Kong produisait une émission discutant librement des relations de la Chine avec Taïwan, une initiative défendue par Anson Chan, mais placée sous le feu des critiques officielles chinoises à Hong Kong et Pékin. La deuxième crise fut violente et aboutit, deux années après son déclenchement, à la relève en 2005 par Pékin, du premier Chef de l’exécutif Tung Chee Hwa nommé en 1997.

La controverse de 2003 avait elle aussi pour objet l’Article 23 sur la sécurité, inacceptable pour la majorité des Hongkongais. Ces derniers descendirent en masse dans la rue pour dénoncer les menaces contre la liberté de presse et d’information. Le calibrage serré de la Loi Fondamentale et les harcèlements de Pékin contre la liberté d’expression sur certains sujets jugés sensibles, n’augurent donc pas d’un avenir démocratique radieux pour la RAS.

Pour autant, les nouveaux moyens de communication aidant, ajoutés à la promesse démocratique formellement inscrite dans la « Basic Law », l’évolution des mentalités, la naissance d’une classe moyenne de plus en plus exigeante, l’activisme des mouvements démocratiques, dont certains expriment une position radicale, la peur de Pékin de brouiller son image à Hong Kong qui reste le laboratoire de la réunification avec Taïwan, ont contribué à déclencher un mouvement de plus en plus difficile à contrôler.

Dans ce schéma, qui mêle attentes sociales et exigences politiques, le Parti est d’autant moins à l’aise que son dernier poulain accusé d’être une de ses marionnettes, est aujourd’hui l’objet des mêmes soupçons de corruption immobilière qui avaient écarté son rival en mars dernier. Une contingence néfaste dans le voisinage de la Chine, elle-même traversée par une sévère crise éthique de son système politique, à l’égard duquel les frustrations économiques et sociales aidant, une partie de la population de la RAS commence à éprouver un rejet.

Le tout dessine une situation politique en passe de se crisper sérieusement, marquée par la tension entre les réticences de Pékin, confortées par la Loi Fondamentale, qui lui donne toute latitude pour freiner les avancées démocratiques et les espoirs frustrés des Hongkongais, de moins en moins prêts à accepter des dirigeants choisis par d’autres, membres de l’oligarchie affairiste, elle-même étroitement connectée au pouvoir chinois.

En 2007, en réponse à une requête du Chef de l’exécutif Donal Tsang, le Comité Permanent de l’ANP à Pékin avait accepté d’envisager le suffrage universel pour l’élection du Gouverneur en 2017 et en 2020 pour celle du Conseil Législatif (Legco). Mais à Hong Kong, les militants démocrates font remarquer que Pékin doit clarifier les procédures de nomination des candidats. Enfin, l’article 45 de la Loi Fondamentale confère à Pékin « un droit de nomination ».

En effet dans l’éventualité, pour l’heure improbable, de l’élection d’un candidat contraire au choix du Parti, ce dernier peut, selon l’Art 45 de la Loi, purement et simplement refuser de le nommer. Mais on voit bien que cette toute puissance est contrebalancée par la perspective du déficit d’image catastrophique qui en résulterait pour le Parti, notamment face à l’opinion publique à Taïwan où la jeune et très turbulente démocratie est très attachée au respect du jugement des urnes.


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