Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chronique

Hong Kong : « Occupy Central » s’étiole, tandis que resurgit le contentieux sino-britannique

Photomontage paru dans un blog du South China Moning Post qui figure Xi Jinping en leader sûr de lui, montrant la voie et refusant les influences étrangères.

Retour sur les humiliations subies par la Chine.

Dire que les Chinois ne gardent pas un souvenir enthousiaste de la cession de Hong Kong à l’Empire Britannique et des conditions dans lesquelles la Colonie a été rétrocédée à Pékin est un euphémisme. Au sein du Bureau Politique, au Comité Central et dans l’opinion très nationaliste, le moindre commentaire à propos de la R.A.S venant de l’ancienne puissance coloniale est un puissant irritant.

Aujourd’hui, alors que Londres n’avait jamais autorisé la démocratie dans la colonie britannique, la Direction chinoise a le sentiment que la fronde des étudiants réclamant un authentique suffrage universel en 2017 est attisée de l’extérieur. Le fait que le 10 juin dernier, Chris Patten, le dernier gouverneur britannique principal artisan de la Loi Fondamentale, base institutionnelle de la contestation, ait commenté publiquement la sortie du Livre Blanc chinois sur Hong Kong avait allumé la crispation contre Londres. Depuis, elle s’aggrave, nourrie par les cuisants souvenirs de l’histoire.

Un contentieux commercial dérape vers un conflit militaire.

Les contentieux entre le vieil Empire et la couronne britannique furent d’abord ceux du commerce du thé, du coton et de l’opium. Au cœur de cette histoire où se mêlèrent la cupidité, l’arrogance coloniale et le Nationalisme chinois, dans un empire en déshérence : l’East India Company. Enrichie par le commerce de thé chinois vendu en Europe au XVIIIe siècle, elle finança la conquête de l’Inde grâce à ses fonds propres et à de très lourds emprunts à la couronne. Pour équilibrer ses achats de thé, la Compagnie des Indes vendaient à la Chine du coton et des tissus indiens, dont les revenus étaient aussitôt réinvestis dans le thé.

Mais ce bel équilibre reposant sur le profit univoque de la Compagnie des Indes se grippa quand les Chinois s’aperçurent que leur commerce ne rapportait rien aux caisses de l’empire puisque l’argent du thé chinois était immédiatement dépensé pour acheter du coton indien. Ainsi décida t-on à Pékin une riposte commerciale qui consista à mettre sur le marché de Canton le coton bon marché de Chine du Nord acheminé vers le sud par bateau.

La manœuvre réussit magnifiquement. Les ventes de coton indien s’effondrèrent et l’East India endettée jusqu’au cou n’eut bientôt même plus les moyens d’acheter du thé. C’était il y a plus de 170 ans. Comme aujourd’hui, les aigreurs internationales contre la Chine étaient déjà en partie attisées par le serpent de mer du déficit commercial.

Sauf qu’à cette époque, on ne tentait pas de régler l’affaire à l’OMC, mais en se faisant la guerre. L’histoire de la colonie britannique de Hong Kong plonge ses racines dans ces fâcheries commerciales réglées par les armes. Pour effacer son déficit et ses dettes, la Compagnie des Indes qui ne pouvait plus vendre son coton indien déclassé par celui venu de Chine du Nord, décida à la place de vendre de l’opium qu’à l’époque les Chinois, importaient d’Amérique.

L’opium comme adjuvant du commerce britannique.

Ainsi naquit un des plus grands trafics transnationaux de drogue cautionnés par un empire colonial. Produit en Inde à bon marché à partir de la fleur de pavot, l’opium allait être écoulé en Chine grâce une ardente campagne commerciale destinée à créer une clientèle aussi vaste que possible d’opiomanes. Sans surprise, la Chine se cabra ce qui conduisit à la guerre, après que l’émissaire de l’empereur Daoguang à Canton, le Commissaire Impérial Lin Zexu, fit enterrer et brûler à la chaux une cargaison britannique d’opium sur une plage près de Canton.

Les Anglais mieux armées et mieux entraînés n’eurent aucun mal à battre l’armée et la marine chinoises. Le traité de Nankin (1842) qui fut le premier des traités inégaux, infligea à la Chine impériale des Qing de lourdes humiliations. Surtout, il céda au Royaume Uni l’île de Hong Kong « le port aux parfums » qui resta territoire britannique jusqu’en 1997. (Voir Histoire de la Chine de Danielle Elisseeff. Editions du Rocher, 1997).

1997 : Le Parti partagé entre l’enthousiasme et l’amertume.

En 1997, à Pékin l’humeur enthousiaste et festive du retour de la Colonie à la mère Patrie cachait cependant une amertume. Alors que la démocratie n’avait jamais été le souci n°1 de la règle britannique à Hong Kong, ce n’est que dans les dernières années avant la rétrocession que le gouverneur Chris Patten, a, au grand dam du Parti Communiste chinois, modifié le système électoral pour donner au vote populaire plus d’impact dans la gestion du territoire.

Le souvenir de celui qui avait allumé cette « mèche lente » ajouté à ses prises de position de l’été dernier, sur fond d’accusations chinoises d’un « pilotage extérieur » du mouvement Occupy par des « forces anti chinoises » sous couvert de démocratie, expliquent largement le raidissement du Parti qui a la mémoire longue et n’a pas l’intention de perdre le contrôle de la situation.

La nouvelle donne du XXIe siècle.

En 2014, les équations internationales ne sont plus les mêmes qu’en 1842 ou même 1997. Certes Londres s’insurge bruyamment contre la manœuvre chinoise qui interdit à des citoyens Anglais de se rendre à Hong Kong alors que les accords autorisent leur accès sans visa au territoire de la R.A.S. pendant six mois.

Une session spéciale a été convoquée à la Chambre des Communes où la décision chinoise a été presque unanimement condamnée. David Cameron, sous pression des députés qui réclament une réaction ferme du Foreign Office, a jugé que l’interdiction chinoise était une « erreur » qui influencerait de manière négative le renouveau des relations entre Londres et Pékin.

Mais toute cette effervescence politique oublie que Pékin est aujourd’hui de plus en plus entré dans son rôle de très riche n°2 économique de la planète, que son influence stratégique se renforce rapidement, que les marges de manœuvre de l’ancienne puissance coloniale sont limitées et que, dans ce nouveau contexte, c’est la Grande Bretagne en mal de « cash » qui, depuis plusieurs années, courtise les investissements chinois.

On se souvient par exemple que Londres a récemment autorisé les groupes de l’électronucléaire chinois à investir jusqu’à 30% dans la construction de centrales nucléaires, que l’extension de l’aéroport de Manchester a été confiée à un groupe de Pékin pour 1,3 Mds de $, ou que les Britanniques ont obtenu l’autorisation d’investir jusqu’à 13 Mds de $ en Chine en même temps qu’un accord avec Pékin permet désormais de libeller les échanges directement en Livres Sterling ou en Yuan à hauteur de 200 Mds de Yuan (20 Mds de £, 24 Mds d’€ ou 32 Mds de $).

En juin 2014, la valeur des accords - 30 Mds de $ -, allant de l’énergie et des infrastructures télécoms à la finance, en passant par les technologies off-shore - conclus entre David Cameron et Li Keqiang au cours de sa visite à Londres, attestent de la force des enjeux économiques. Huawei, le n°1 mondial des infrastructures télécoms (14 bureaux ouverts au Royaume Uni depuis 2001), a annoncé en 2012, 2 Mds de $, d’investissements dont 200 millions (annoncés en 2013) seront consacrés la création d’un centre de R&D sur le sol britannique avec la perspective de 140 emplois d’ingénieurs dont le nombre pourrait être porté à 300 en 2017. Ce qui porterait le total des emplois créés en GB par le géant chinois des télécoms à 1500.

Lire aussi notre article Les tribulations nucléaires franco-chinoises à l’export.

Détermination chinoise.

Surtout, la Chambre britannique semble ignorer que le Parti Communiste est fermement décidé, quels que soient les désaveux et les condamnations de l’Occident, à tenir à distance la contagion démocratique et les influences extérieures pouvant se mettre en travers de sa conception d’une « démocratie aux caractéristiques chinoises » où, in fine, le magistère du Parti ne peut être contesté. Cette ligne devenue une des épines dorsales des stratégies chinoises contre les ingérences extérieures chez elle et dans son environnement stratégique direct se renforce depuis 2012.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Chine - France : Commission mixte scientifique 2024, vers une partie de poker menteur ?

A Hong-Kong, « Un pays deux systèmes » aux « caractéristiques chinoises. »

Chine-Allemagne : une coopération scientifique revue et encadrée

Pasteur Shanghai. Comment notre gloire nationale a été poussée vers la sortie

A Pékin et Shanghai, les très petits pas de l’apaisement des tensions commerciales