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›› Chronique

Investissements chinois en France, mythes, réalités et inquiétudes

Rachat de 1700 hectares agricoles dans le Berry.

Depuis 3 ans un groupe chinois de Hong Kong a pris le contrôle de 1700 hectares de terres agricoles dans le Berry en contournant le droit de préemption de la SAFER.

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Le 13 avril un communiqué de l’AFP faisait état de l’achat sur une période de trois ans par le groupe chinois Hongyang basé à Hong Kong aux activités protéiformes d’un total de 1700 hectares de terres céréalières dans l’Indre. La nature opaque de l’opération qui contourne le droit de préemption foncier de la SAFER, a soulevé l’inquiétude des riverains et de plusieurs journaux locaux et nationaux.

La société chinoise a en effet racheté les terres en prenant discrètement des parts d’une société constituée sur ses conseils par des exploitants agricoles en grandes difficultés financières. Au total, l’opération de contournement qui concerne les communes de Clion, Châtillon et Vandoeuvres (en moyenne 30 km à l’Ouest de Châteauroux) a été menée au prix de 15 000 € à l’hectare soit 300% au-dessus du marché, hypothéquant gravement l’équilibre des transactions financières, désormais largement hors de portée des jeunes agriculteurs souhaitant s’installer.

Patricia Lecomte (RFI), note que c’est grâce à un vide juridique que les Chinois ont pu réaliser ces acquisitions. Les mandataires de Hongyang ont proposé aux agriculteurs berrichons de transformer leur exploitation en sociétés agricoles, pour ensuite leur racheter 98% des parts sociales. « Un tour de passe-passe qui permet de contourner la Safer, le gendarme rural qui veille au grain. Disposant en théorie d’un droit de préemption sur toutes les transactions agricoles, elle ne peut cependant s’interposer que si la vente concerne 100% des parts, ce qui dans cette configuration n’est pas le cas. »

Le discret rachat des terres par les Chinois, une tendance qui s’accélère avec une ampleur bien plus considérable ailleurs [2], s’est développé à une trentaine de kilomètres d’un autre projet en cours depuis 2012 dans les environs de Châteauroux, centré sur les 500 hectares de l’ancienne base OTAN de la Martinerie non loin d’un aéroport désaffecté capable d’accueillir des A 380. Le but, créer un parc d’activités capable d’attirer sur zone des sociétés chinoises intéressées par l’espace et les atouts logistiques de la région.

Les projets fantômes de Châteauroux.

En décembre 2014 Gil Avérous, maire de Châteauroux, accueillait une délégation chinoise organisée par la Sino France Economic Coorporation Zones (SFECZ), basée à Châteauroux, cette très discrète visite du site d’Ozans et de La Martinerie (un ancien camp militaire) faisait suite au sommet sino-européen des entrepreneurs (SEES), qui s’est déroulé, jeudi et vendredi, à l’hôtel Salomon de Rotschild, à Paris. (Photo archives Nouvelle République).

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Depuis, en dépit des déclarations d’intention et des lettres de projets, malgré le soutien de J.P. Raffarin et de nombreux voyages en Chine, rien n’a avancé et les enthousiasmes initiaux se sont refroidis. Il y a quelques années on prévoyait la création de plusieurs milliers d’emplois et même une université. Aujourd’hui dans l’attente de jours meilleurs, le site qui, au temps des grands espoirs, avait été baptisé « EuroSity », pourrait servir de lieu de stockage à certaines sociétés comme Huawei contactée par les tenants chinois du projet. Prudente et embarrassée, Isabelle Leung la responsable des relations publiques en France du géant des télécom chinois avait, en décembre 2014, tenu à remettre les pendules à l’heure « je crois qu’à l’époque il y avait eu une certaine confusion sur nos intentions ».

Pour l’heure, la plupart des investissements (15 millions d’€ pour construire la rocade vers la zone et aménager le site ; 8,5 millions pour la création du pôle universitaire), ont été réalisés par les administrations locales, tandis que la seule évolution concrète consiste en l’arrivée en septembre prochain de quelques dizaines d’étudiants chinois. A suivre donc, en gardant cependant en tête que les industriels chinois, sont comme tous les autres, quelle que soit leur nationalité, plus préoccupés par leurs intérêts sonnants et trébuchants que par le développement du Berry.

Les interrogations du projet LED Meuse-TGV

Le 21 mars Manuel Valls était sur le site de la prochaine usine LED près de la gare Meuse TGV avec les dirigeants d’Inesa. Beaucoup d’interrogations entourent l’investisseur chinois et son projet.

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Le dernier investissement chinois de cette revue forcément partielle est l’usine LED en cours de construction en face de la gare TGV-Meuse à 70 km à l’ouest de Metz, sur un terrain de six hectares. Avec un apport de 100 millions d’€ - le plus gros investissement industriel direct effectué en France par la Chine - , le groupe chinois Inesa (9 milliards de dollars de chiffre d’affaires, 150 sociétés, 23 000 employés) dit vouloir créer un centre R&D et une usine de 200 salariés dont la production irriguerait toute l’Europe.

Première ombre au tableau des perspectives idylliques d’un projet porté par un accord signé entre Manuel Vals et son homologue chinois Li Keqiang en janvier 2015, le site d’intelligence économique taïwanais « LED inside, Trend Force », spécialisé dans le suivi de la technologie des diodes et des affaires qui y sont liées, mettait en ligne le 28 mars une série d’informations contradictoires créant un flou autour du projet et laissant supposer un conflit interne à la partie chinoise.

Dans un premier temps, Shanghai Felio Acoustics (FELIO) récusait les informations selon lesquelles sa filiale Inesa allait construire en France une usine pouvant créer 200 à 300 emplois. Pour FELIO, la cérémonie présidée par M. Valls le 21 mars, marquait la création d’un centre de R&D et ne devait pas être interprétée comme une garantie d’investissements.

Dans un deuxième temps, installant un doute sur la nature et l’identité réelles, ainsi que sur les intentions du partenaire chinois, FELIO notait que Beijing Shenan Lightning (Shen An Zhao Ming 申安 照 明) une de ses filiales que le groupe contrôle à 100% « représentant le gouvernement chinois », avait signé un accord au Grand Palais du Peuple avec le groupe français ARELIS, (Ndlr : impliqué dans les technologies utilisées dans l’aérospatiale, la défense, et la sécurité), lui-même « mandaté par le gouvernement français », pour investir 100 millions d’€ destinés à la construction d’une usine de production de LED et un centre de recherche.

En même temps, toujours selon FELIO, le gouvernement français investirait dans les 5 années qui viennent, 3 Mds d’€ dans plus de 20 municipalités pour augmenter l’efficacité énergétique des éclairages urbains, les économies réalisées constituant la base du retour sur investissement de Shenan Zhao Ming.

Ce pas de deux étrange, révélé par un site taïwanais fiable, semble la partie émergée d’un iceberg de rivalités entre deux clans, dont l’arrière plan est probablement lié à l’Armée chinoise fortement intéressée par les savoir-faire sensibles de la société ARELIS [3].

L’intérêt pour les technologies sensibles maîtrisées par l’électronicien français dont la rumeur dit qu’il aurait été un temps la cible d’un projet de rachat aujourd’hui avorté par une société chinoise liée à l’APL, expliquerait le soudain engouement chinois pour le site très excentré de la gare de Meuse TGV.

Enfin, l’information sur les 3 milliards d’€ à investir par Paris dans une vingtaine de centres urbain français, suggérée par LED Inside, éclairerait, si elle était exacte, d’un jour nouveau les réactions de la PME française ECLATEC installée à Maxéville dans la banlieue de Nancy à 80 km au sud-est de Meuse TGV. Dans un article au vitriol publié le 17 mars dans les Echos, son PDG Vincent Carru dénonçait en effet l’appui massif des pouvoirs publics apportés à une entreprise chinoise dont les produits largement inspirés des siens, viennent siphonner son marché.

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De toute évidence, la réussite du projet inauguré le 21 mars par le premier ministre exigera un sérieux « guidage terminal » pour éviter qu’il ne s’embourbe dans les postures politiques mensongères et les rivalités intra-chinoises et franco-françaises.

Dans ce flou subsistent en effet quelques interrogations essentielles. Qui se cache en Chine derrière la polémique déclenchée par les mises au point de FELIO ? Quel est le rôle joué par Shenan Zhao Ming ? L’État français a t-il oui ou non, promis d’investir 3 Mds d’€ pour la mise aux normes LED des éclairages urbains de 20 villes, créant ainsi un marché lucratif pour l’usine de Meuse TGV, objet des critiques de Vincent Carru ? Pourquoi la presse française n’évoque t-elle pas plus souvent le rôle joué par la société ARELIS ?

Note(s) :

[2En dépit des déclarations bienveillantes du gouvernement de Canberra qui souhaite plus d’investissements chinois, une polémique est en cours en Australie autour du rachat de larges espaces agricoles par un groupe chinois du Hunan filiale de Shanghai Pengxin (immobilier, terres agricoles et chimie). La transaction par laquelle le Chinois vise à racheter la société familiale Kidman fondée en 1899 concerne 185 000 têtes de bétail et 100 000 km2 , propriété de Kidman convoitée par Pengxin est en négociation depuis avril 2015. Elle a récemment été bloquée par le ministère des finances australien.

[3Arelis est un fournisseur spécialiste en systèmes électroniques et microélectroniques hyperfréquences. Il possède une très forte expertise en étude, production, intégration, réglage et test de modules et technologies complexes utilisés dans les équipements de défense tels que les convertisseurs d’énergie, les amplificateurs, atténuateurs, commutateurs, multiplicateurs, filtres, transposeurs de fréquences et séparateurs de puissance.


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Par Etherpin Le 1er/05/2016 à 12h59

Investissements chinois en France, mythes, réalités en Berry

A propos du rachat de terres agricoles en Berry :

La dépêche AFP est la reprend des informations non confirmées, dont certaines sont fausses, qui sont parues précédemment sur la toile.

En effet, la société BEIJING REWARD INTERNATIONAL TRADE CO, a acheté en septembre 2015 des parts de la Société Civile d’Exploitation Agricole du Grand Mée, établie dès 1987, il y a 9 ans.

L’acheteur n« est donc pas Hongyan. Il est douteux que la SCA ait été crée »sur ses conseils". Ce n’est pas une transaction opaque, car elle fait l’objet d’un acte notarié que tout un chacun peut consulter.

Source : Tribunal du Commerce de Chateauroux https://www.infogreffe.fr/societes/entreprise-societe/341555522-scea-du-grand-mee-360187D000600000.html
onglet Actes et Statuts, Dépôt n°565 (16/03/2016)
29/09/2015 - Acte notarié : Cession de parts : Par Mr et Mme AMMERLAAN au profit de la société BEIJING REWARD INTERNATIONAL TRADE CO (133) pages

L’information sur le prix de cession figure dans l’acte notarié, ainsi que l’identité du vendeur et de l’acheteur. Il suffit de dépenser 11,11€ pour lire les 133 pages de l’acte notarié et vérifier ce qu’il en est.

Par Patrick Le 5/05/2016 à 10h38

Investissements chinois en France, mythes, réalités et inquiétudes.

Article amusant, qui met en avant toute l’incompétence de certain de nos dirigeants politiques ou industriels.

Déjà pour continuer sur le commentaire précédent je me suis amusé a regarder le site infogreffe et des dirigeants des différents groupes cités.
Sur Châteauroux pas grand chose de clair. Pour l’agriculture vous avez répondu avant mais pour la Meuse ça devient drôle.
Apparemment, un groupe comme INESA ce domicile dans une société d’hébergement sur les champs Élysée, un des dirigeant dans cette même adresse crée une société de VIP business Europe destiné aux chinois et européen pour les accompagnés dans des voyages, ce même dirigeant est directeur d’un garage automobile à saint Raphael dans le sud de la france et dirige une associassions ou il faut lire l’organigramme pour tout comprendre...
Et puis là il faut finir par étudier le nombre de salariés et le CA pour ce dire :
Ca rime à quoi tout ça ?

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