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›› Taiwan

L’inconfortable danse de Formose avec les empires

NOTES DE CONTEXTE.

Embargo sur la viande de bœuf et de porc américaine.

Quand les négociateurs américains du TIFA (pour Trade and Investment Framework Agreement) évoquent les restrictions taïwanaises à l’importation de viande américaine, ils accusent Taipei de tactique opportuniste visant à protéger les éleveurs de l’Île. L’argument n’est probablement pas dénué de fondement. Mais l’interdiction de la ractopamine, prohibée dans 150 pays dont ceux de l’UE, n’est pas seulement un artifice de protection commerciale inventé par les Taïwanais. Elle se fonde bel et bien sur un enchaînement d’événements qu’il est important de rappeler.

L’affaire remonte à la découverte en 2003 et 2005 à Taïwan de deux cas d’encéphalite spongiforme bovine – ESB - (maladie de la vache folle) ayant provoqué un blocage des importations de viande de porc et de mouton américaine partiellement levé en 2006. Mais, la même année la viande additionnée de ractopamine fut interdite. La suite est une succession de relâchements des contrôles suivis de protestations des éleveurs taïwanais et de nouveaux durcissements, jusqu’au vote en mars 2012 du Yuan législatif autorisant l’importation sous conditions de la viande de bœuf avec un quota maximum de ractopamine, mais qui maintenait l’embargo sur la viande de porc.

Encore la levée partielle de l’interdiction fut-elle compliquée par la découverte d’un nouveau cas d’ESB par les autorités sanitaires américaines en avril 2012. Le relâchement de l’interdiction effectif en mars 2013 a permis la reprise des négociations bilatérales pour l’Accord Cadre entre Taipei et Washington sur les investissements et le commerce. Mais tirant profit de la volonté taïwanaise de participer au TPP pour desserrer les pressions commerciales chinoises, le gouvernement américain fait maintenant de la levée de l’embargo sur la viande de porc additionnée de ractopamine la condition d’accès de l’Île au TPP.

Le 27 juin 2012, sans s’embarrasser de nuances diplomatiques, le Directeur de l’Institut American à Taïwan – ambassade officieuse des États-Unis dans l’Île - faisait du blocage taïwanais aux importations de porc à la ractopamine le symbole des tendances taïwanaises à protéger son marché que l’Île devait éliminer si « elle voulait signer un accord de libre échange avec les États-Unis ou devenir membre du Trans Pacific Partnership ».

État des lieux du Traité Transpacifique (Trans Pacific Partnership).

La livraison du 11 décembre de la « Lettre de Léosthène », lettre confidentielle d’analyse géostratégique bi-hebdomadaire diffusée dans plus de 100 pays qui s’adresse aux dirigeants et aux chercheurs intéressés par les relations entre les nations, faisait état d’un article du Hufftingpost sur l’état des négociations pour le TPP, les intentions cachées de l’administration Obama et sur les fortes réticences de certains États signataires potentiels du Traité.

De l’information du journal qui s’appuyait sur des notes confidentielles provenant de plusieurs pays candidats au TPP, il ressortait que l’une des clauses les plus controversées du traité, rejetée par la majorité des 12 pays engagés dans les négociations, autoriserait les groupes multinationaux à contester la validité des lois nationales des pays signataires dans des secteurs aussi sensibles que la propriété intellectuelle ou la pharmacie.

Selon la note dont le journal ne dévoile pas l’origine, « 119 points d’achoppement subsistaient dans les négociations sur la propriété intellectuelle », dont certaines dispositions créeraient des situations de monopole au bénéfice des groupes pharmaceutiques pour la commercialisation de médecines sensibles dont les prix deviendraient prohibitifs pour la majorité des patients des pays en développement.

Washington rencontre également d’importantes résistances contre ses propositions de nouveaux règlements bancaires limitant le pouvoir de contrôle des États et leur interdisant d’agir sur les marchés financiers, « ce qui réduirait leur capacité à prévenir des crises bancaires ». Sur ces questions financières, ajoute la note, « les positions sont d’autant plus paralysées que Washington ne montre aucune souplesse ».

Hélène Nouaille, auteur de la « Lettre » conclut : « L’esprit général de ces traités soulève quelques réserves parmi les pays qui négocient – au moins le sait-on pour le Traité trans-pacifique. Il s’agit en effet pour les gouvernements nationaux d’abdiquer leur pouvoir souverain aux mains de groupes multinationaux contre l’intérêt des citoyens qui les élisent. ».

Les accords économiques internationaux conclus par Taïwan

A ce jour l’Île placée sous la vigilance politique de Pékin qui joue du potentiel de son marché pour faire pression sur les partenaires potentiels de Taipei, n’a conclu que 7 accords de commerce internationaux avec le Panama (2004), le Guatemala (2005), le Nicaragua (2008), le Salvador (2008), le Honduras (2008), la Nouvelle Zélande et Singapour (2013).

Taïwan n’est pas partie aux accords commerciaux de l’ASEAN ni à ceux de NAFTA (North American Foreign Trade Agreement). Commercialement isolée dans un environnement en évolution rapide l’Île se trouve dangereusement défavorisée par rapports aux pays de l’Asie du Sud-est dont 6 ont conclu des accords avec la Chine, le Japon et la Corée du sud.

La Corée du sud, son principal concurrent, a aussi signé des traités avec les États-Unis et l’UE qui lui donnent un accès préférentiel à leurs marchés, alors que la plupart des pays hésitent à conclure des traités commerciaux avec Taïwan par crainte des représailles commerciales chinoises. Selon une étude de la Brooking Institution publiée en septembre 2013, cet ostracisme provoquerait un déficit de croissance de l’économie taïwanaise de l’ordre de 2%.

Quelques défis de l’économie taïwanaise.

1) Les anciennes recettes du succès de l’Île s’épuisent dans un contexte où les salaires en Chine qui accueillent les industries d’assemblage taïwanaises comme Foxconn sous traitant d’Apple et de bien d’autres grandes marques ont augmenté de 280% depuis 2000, en même temps que le coût des terrains et des infrastructures.

2) Alors que la compétition avec des pays comme la Corée du sud se durcit, l’Île devient moins attractive du fait de dérives bureaucratiques tatillonnes, des limites imposées aux investissements étrangers, du déficit de R&D et de l’exode des cerveaux taïwanais poussés à émigrer par la faiblesse de leurs salaires. Ainsi, selon le classement de la Banque Mondiale Taïwan ne se place plus qu’au 16e rang pour l’environnement des affaires, derrière la Malaisie (12e), la Corée (8e) et Singapour (1er).

3) La forte dépendance de l’Île à l’exportation d’équipements high-tech assemblés en Chine, mais où la valeur ajoutée taïwanaise ne représente que 3,6% a augmenté sa vulnérabilité à la crise de 2008 marquée par une baisse rapide de la demande extérieure, qui a conduit la croissance à se contracter à +1,3% en 2012.

4) Depuis 2006, le stock des investissements directs étrangers (IDE) stagne autour de 55 Mds de $, avec un flux annuel de 5,5 Mds de $, contre 16 Mds en Corée. La tendance porte le risque d’accélérer la désindustrialisation de l’Île. Elle est aggravée par l’augmentation rapide des investissements taïwanais à l’étranger, toujours en Chine, mais de plus en plus vers les pays de l’ASEAN (8 Mds de $ en 2012), comme le Cambodge et le Vietnam.

5) Comparés aux services de Hong Kong ou de Singapour très orientés à l’international, ceux de Taïwan restent focalisés sur le marché domestique. Les difficultés du secteur se traduisent clairement par le fait qu’en 2012 il représentait 70% des activités économiques alors que sa part dans le PNB n’était que de 39% - en baisse importante depuis 2006, où il comptait pour 50% -.

Photo : Washington tire profit de la volonté taïwanaise d’utiliser le TPP comme contrepoids à la Chine pour forcer l’ouverture du marché de l’Île aux éleveurs américains.


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