Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Politique intérieure

La 12e ANP. Un sentiment d’urgence. Des intentions ambigües

Nominations, rapports de travail et défis internes.

L’ANP a désigné les nouvelles hautes autorités du système judiciaire, formellement chapeautées par le pouvoir législatif, mais, en réalité, étroitement subordonnées à la Commission des Affaires juridiques du Parti, dont les rênes sont tenues par le pragmatique Meng Jianzhu peu enclin aux réformes brutales. Si on se souvient que l’indépendance de la justice est un de thèmes récurrents des réformateurs, également évoqué ça et là par Xi Jinping lui-même, il est intéressant de s’arrêter un instant aux hommes et femmes de l’appareil judiciaire et aux nouvelles nominations (1).

L’Assemblée a également entériné la nomination des nouveaux Vice-premiers ministres – Zhang Gaoli, Liu Yandong, Wang Yang et Ma Kai -, où le souci d’équilibrer les influences est évident. Elle a aussi formellement validé la liste des Conseillers d’État et des ministres, ainsi que les choix du secrétaire général du gouvernement et reconduit à son poste le Gouverneur de la Banque Centrale, tous désignés par Li Keqiang (2) & (3). Avec la composition des commissions de l’Assemblée, ces répartitions de postes trahissent autant le souci d’équilibre entre les clans que la contradiction politique entre l’obligation de réformes et la crainte de l’ouverture.

La conférence de presse de Li Keqiang et le discours de clôture de Xi Jinping ont été précédés par rapports des grands responsables sortants - Premier Ministre sortant, Président de la Commission pour la Réforme & Développement, et Ministre des finances -, tous présentés selon une forme très classique à trois piliers.

La première partie des rapports présentait sans surprise les succès du pouvoir, qui vont du doublement du PNB en 10 ans aux grandes fiertés du régime que sont la conquête spatiale, l’organisation des JO et celle de l’expo de Shanghai en 2008 et 2010, en passant par la diminution radicale du taux de pauvreté, l’augmentation de 100% des revenus de l’état et l’accroissement de 9,9% du revenu moyen des campagnes, d’autant plus remarquable que la hausse est supérieur de plus d’un point à celle des villes.

Avant d’évoquer les solutions envisagées, troisième pilier de tous les rapports, les deuxièmes parties focalisaient sur les échecs ou manquements déjà exposés lors du 18e Congrès. Ces derniers concernent les écarts de développements, les fractures sociales, les lacunes de la santé et de l’éducation, les surcapacités et les désordres industriels, l’augmentation générale des coûts de production, la faible capacité d’innovation des entreprises, un secteur financier encore mal assaini et, enfin, les deux tares, qui constituent peut-être les plus préoccupants talons d’Achille du régime, les dégâts considérables infligés à l’environnement par 30 ans de croissance accélérée et la corruption endémique des responsables.

S’agissant des choix politiques à venir, toutes les présentations ont focalisé sur l’importance de réorienter la croissance par la consommation interne et le rôle central des réformes économiques et sociales, qu’elles s’appliquent à l’industrie ou au monde rural – avec la quadrature du cercle du remembrement foncier et le nécessaire renforcement du droit de propriété -.

La restructuration des campagnes est en effet considérée comme l’indispensable accompagnement du considérable défi de l’urbanisation. Dans ce contexte, l’exode rural est à la fois un facteur d’espoir, comme adjuvant à la consommation interne et l’objet des craintes d’un dérapage des mouvements démographiques, dont se nourriraient les désordres sociaux et politiques.

La conclusion du rapport du Premier Ministre sortant Wen Jiabao était aussi un guide des priorités à venir à l’usage des nouvelles équipes. Il balayait largement, non seulement l’organisation du pouvoir et celle du tissu industriel, les rapports entre public et privé, ceux entre le Centre et les administrations provinciales, mais également et surtout les domaines sociaux où les réformes étaient urgentes, comme celles du Hukou, du planning familial, ou des systèmes de retraites et de santé, où le remboursement des actes stagnent encore autour de 4 à 5 € par personne.

Mais contrairement à ce qui disent certains articles de presse, prompts à dénoncer les immobilismes politiques, et se démarquant de Xi Jinping et Li Keqiang, Wen n’a pas éludé les réformes politiques.

Prononcé, il est vrai, avec moins de verve qu’à l’époque (2010), où il se référait à Hu Yaobang (Lire notre article Qui est Wen Jiabao ?), le testament de Wen Jiabao établissait cependant clairement un lien entre, d’une part les progrès de l’harmonie sociale, le bien être du peuple, l’éradication de la corruption, l’efficacité industrielle et l’innovation et, d’autre part, l’amélioration de l’État de droit, l’élargissement de la démocratie et la mise en place d’un dialogue efficace avec la société civile, assorti de dispositifs permettant le contrôle par le peuple des politiques publiques.

Restructuration de l’État.

Baignant dans un sentiment d’urgence, né de l’avalanche des problèmes exposés par les rapports de travail, le 10 mars l’ANP s’est aussi penchée sur ce qui constitue le premier plan depuis 5 ans de restructuration administrative et industrielle du pays. L’intention est de diminuer l’impact bureaucratique sur l’efficacité du gouvernement et de donner plus d’importance aux incitations du marché, avec, peut-être, en fond de tableau, la réforme « serpent de mer » de la loi sur la propriété.

Il s’agissait d’abord d’examiner la dissolution de l’Etat dans l’Etat que constitue le ministère du rail, dont la partie commerciale sera séparée de la fonction opérationnelle, elle-même incorporée au ministère des transports. Puis d’intégrer la Commission du planning familial au ministère de la santé, de relever le pouvoir des responsables de la sécurité alimentaire pour réduire le nombre des empoisonnements, de regrouper le contrôle et la régulation des secteurs des médias, de l’édition, de la télévision et du cinéma en un seul organisme.

Une autre restructuration envisagée, probablement en rapport avec la volonté d’apaiser les querelles de souveraineté sur les îlots en Mer de Chine avec le Japon, les Philippines et le Vietnam, est le regroupement sous une même autorité des quatre flottilles paramilitaires - surveillance maritime, garde-côtes, assistance aux pêches et douanes - dont la présence, parfois désordonnée autour des zones contestées porte d’importants risques de dérapage.

Enfin, Selon Ma Kai, ancien Directeur de la Commission pour la Réforme et le développement, nommé Vice-premier ministre, qui s’exprimait le 17 mars, la nouvelle administration publique de l’énergie prendrait en charge les anciennes attributions de la Commission de régulation de l’énergie électrique qui serait dissoute. Mais cette restructuration manque probablement son objectif qui était de se donner les moyens d’assurer une meilleure efficacité énergétique.

De la même manière, l’échec de Pan Yue que certains voyaient déjà à la tête du ministère de l’environnement, et la reconduction à ce poste de Zhou Shengxian signale une hésitation néfaste sur la route d’un ministère plus efficace, dont la puissance heurterait les intérêts de nombre d’industries polluantes.

Ce bafouillage du Parti, qui a tout de même augmenté le budget du ministère de 12%, a soulevé quelques protestations dans l’Assemblée, avec le vote négatif record de plus de plus 800 délégués lors du scrutin d’approbation de la Commission environnement de l’ANP (Lire notre article Pan Yue et la catastrophe écologique chinoise. Un cri d’alarme à méditer).

Des vagues à la surface du consensus.

Les petites et grandes secousses, qui dérangèrent l’ordonnancement des procédures législatives préréglées survinrent les 14 et 16 mars. Après la confirmation des 2963 délégués députés de l’Assemblée et l’élection attendue de Zhang Dejiang, désormais n°3 du régime, remplaçant Wu Wangguo à la présidence l’ANP, c’est en effet Li Yuanchao, 62 ans, qui fut élu Vice-Président de la République.

L’un des réformateurs les plus emblématiques du Parti, favori pour le Comité Permanent, mais écarté en novembre 2012 lors du 18e Congrès par Jiang Zemin, Li devient ainsi le premier Vice-Président depuis 1993 (4) à ne pas être membre du noyau dur du Régime.

Selon une dépêche de Reuter, qui cite des sources internes au Parti, le choix aurait été imposé à l’Assemblée par Xi Jinping lui-même contre une nouvelle manœuvre de Jiang Zemin pour promouvoir à ce poste Liu Yunshan (5), l’apparatchik de la propagande, déjà en charge de l’Ecole Centrale du Parti et du Secrétariat du Comité Central. Reuter ajoute que la désignation de Li Yuanchao (6), le 14 mars n’aurait pas donné lieu aux mêmes tonnerres d’applaudissement que lors de la nomination à la vice-présidence de Zeng Qinghong en mars 2003, ou de Xi Jinping cinq ans plus tard.

Pour relativiser la réalité de ce système électif notons que, selon le journal japonais Asahi Shimbum, 117 députés auraient voté contre Li Yuanchao ou se seraient abstenus. Ce qui lui confèrerait tout de même une majorité de 99,43% des voix, il est vrai très inférieure à celle de Xi Jinping, qui n’a eu à déplorer qu’une seule voix dissidente.

Clairement, Li aura plus de difficultés que ses prédécesseurs à imposer son influence puisque la Présidence de l’Ecole Centrale du Parti incombe déjà à son rival Liu Yunshan et que, contrairement à Xi Jinping ou Hu Jintao, lui-même n’est pas placé sur la trajectoire de futur n°1 du Parti.

A l’intérieur, il n’aura qu’un petit rôle dans les relation avec les RAS de Hong Kong et Macao, et assistera le Président dans les affaires internationales. Il reste que sa nomination, qui le place au 8e rang de la hiérarchie du Parti, et lui confère une dimension internationale, n’est peut-être pas seulement un lot de consolation, comme le soulignent certains analystes chinois, mais pourrait avoir une valeur symbolique attachée à la volonté de réforme. Dans ce cas, son efficacité dépendra de la marge de manœuvre que voudra bien lui laisser le Président.

Après « l’élection » de Li à la vice-présidence, le Hangzhou Daily publia un de ses commentaires datant de 2010, quand, en charge de la très puissante Commission de l’organisation du Parti, il avait menacé de mettre sur pied une commission d’enquête spéciale chargée de réprimer le commerce des charges dans la haute administration. Cette seule incidence pourrait expliquer sa mise à l’écart du Comité Permanent, lors du 18e Congrès.

La deuxième nomination à contre courant, cependant attendue par beaucoup d’observateurs, fut celle de Zhou Xiaochuan qui conserve son poste de gouverneur de la Banque Centrale, alors qu’en novembre dernier il n’avait pas été reconduit au Comité Central, ce qui avait nourri les spéculations sur son départ.

Son maintien était cependant attendu depuis que le président Xi Jinping et Li Keqiang lui firent attribuer un des sièges de Vice-président de la Commission Consultative du Peuple Chinois, il est vrai purement honorifique, mais porteur de la caution de la tête du régime, et contre laquelle les délégués de l’ANP, aux traditions démocratiques encore plus qu’hésitantes, ne peuvent s’opposer.

Cette décision, qui prend le contrepied du Comité Central, indique que le nouveau pouvoir a l’intention de pousser les feux de la convertibilité du Yuan, tout en continuant à lutter contre l’inflation et les dettes toxiques des grandes banques d’État, que Zhou voudrait aussi ouvrir à la concurrence étrangère.

Autant de projets qui heurtent de plein fouet quelques intérêts de l’oligarchie liés au secteur financier et pourraient expliquer que le Comité Central ait tenté d’écarter Zhou lors du 18e Congrès. A Pékin, la rumeur court que, contrairement au coup d’arrêt contre Li Yuanchao, les attaques contre Zhou n’auraient pas été fomentées par le clan Jiang Zemin, qui aurait au contraire appuyé son maintien.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

L’appareil fait l’impasse du 3e plénum. Décryptage

A Hong-Kong, l’obsession de mise au pas

Pour l’appareil, « Noël » est une fête occidentale dont la célébration est à proscrire

Décès de Li Keqiang. Disparition d’un réformateur compètent et discret, marginalisé par Xi Jinping

Xi Jinping, l’APL et la trace rémanente des « Immortels » du Parti