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›› Politique intérieure

La 12e ANP. Un sentiment d’urgence. Des intentions ambigües

Urgence existentielle et ambiguïté politique.

Le sentiment d’urgence mêlée d’inquiétude qui habite la classe politique chinoise, perceptible au travers des rapports présentés lors de la 12e ANP est tout entier résumé par la question, qui agite la classe politique et les intellectuel chinois depuis de nombreuses années : La Chine sera t-elle réellement capable de se moderniser socialement et de mettre sur pied une économie articulée autour de l’innovation, si le système politique du pays reste inchangé ?

A cette interrogation existentielle, un intellectuel chinois avait publiquement donné une réponse inquiétante. Cité par Cheng Li dans plusieurs articles, Zhang Lifan, 章立凡, avait démissionné de l’Académie des Sciences Sociales en 2000. Depuis, il écrit sur des sujets politiques tabous y compris dans des journaux chinois comme Yanhuang Chunqiu 炎黄春秋, animé par des anciens membres du Parti à la sensibilité réformiste (Lire notre article Le Parti à l’épreuve de la démocratie).

Lors du 18e Congrès, Zhang avait fait cette prévision alarmante : « Si la 5e génération ne met pas en œuvre des réformes politiques dans les 5 années qui viennent, elles ne seront plus nécessaires après. L’alternative est soit des réformes politiques dans 5 ans, soit la fin du Parti dans 10 ans. »

Cette sombre perspective s’alimente d’abord de la perte de légitimité politique et sociale du Parti, alors que l’image de son pouvoir est ternie par l’arbitraire et la main mise des clans, issus de dynasties familiales – « fils de princes 太子 » - sur la richesse et les avoirs du pays, dans un contexte où le mythe vertueux des ascensions sociales par la « méritocratie » est désormais remplacé par la perception largement répandue que la société est contrôlée par un « capitalisme des élites et des réseaux - 权贵资本主义 – quangui zibenzhuyi », expression employée par de nombreux sociologues chinois, qui figurait dans la Charte 08 de décembre 2008, dont Zhang fut un des signataires.

Cheng Li explique comme de nombreux observateurs que, dans un contexte où les lois du marché et de la concurrence sont flouées, le pouvoir est contrôlé par les banques d’État, les grands groupes publics des secteurs des télécoms, du rail, du pétrole, des ressources minières, de l’acier, et leurs protecteurs au sein des administrations.

Il en résulte que le partage des fruits de la croissance est gravement inégalitaire, et que la tendance monopolistique des groupes tue la compétition, affaiblissant considérablement les conditions de l’innovation, au point que, après 30 ans d’ouverture économique, rares sont les groupes chinois ayant réussi à se faire un nom de réputation mondiale.

Dans le même temps, les freins aux réformes financières par les intérêts retranchés des banques d’État handicapent une meilleure distribution du capital au profit des petites et moyennes entreprises dont l’efficacité industrielle et commerciale est pourtant bien meilleure que celle des grands groupes, mais dont la survie est menacée par les difficultés qu’ils éprouvent à obtenir des prêts. Enfin, l’enchevêtrement des réseaux et des intérêts mêlés des affaires et de la politique crée un terrain idéal au développement de la corruption et à l’évasion massive de capitaux.

Dans un contexte où la nouvelle classe moyenne, certains journalistes, avocats, chercheurs, militants écologistes, ou partisans d’un système judiciaire plus indépendant, tous, excédés par l’arbitraire, la censure, les captations de terre, la corruption des fonctionnaires et la pollution, en même temps qu’ils sont de plus en plus conscients de leurs droits et désormais capables de s’informer et de se mobiliser par internet, l’augmentation des conflits plus durs est d’autant plus probable que le pouvoir, toujours obsédé par l’exigence cardinale de stabilité sociale, critère de bonne gouvernance, ne renonce pas toujours aux répressions brutales.

Au plus haut niveau de la machine du pouvoir, l’inquiétude vient de cette prise de conscience amplement favorisée par la qualité des recherches chinoises sur la société et dont les mises en garde, autrefois confidentielles, percent de plus en plus l’opacité du système et le contraignent à s’ajuster.

Ainsi l’actuelle remise en cause du Hukou est-elle la conséquence directe des mises en garde par les experts chinois, dont la plus alarmante était peut-être cet avertissement du Centre de recherche du Conseil des Affaires d’Etat, publiée le 14 juin 2011 : « les migrants venant des campagnes sont marginalisés dans les villes et seulement considérés pour le faible coût de leur travail. S’ils ne sont pas intégrés dans le tissu urbain, et ne bénéficient pas des droits qui leur sont dus, de nombreux conflits surgiront, qui créeront une menace majeure de déstabilisation ».

La manière dont le Parti répondra à ces menaces n’est pas claire. S’il ne fait pas de doute que les risques ont été clairement identifiés, rien ne dit qu’il voudra, ou même aura les moyens de conduire les réformes politiques au niveau d’efficacité nécessaire à la correction des graves déséquilibres socio-politiques.

A ce sujet les messages du Secrétaire Général et de plusieurs autres responsables sur la nature et l’ampleur de l’ouverture politique sont ambigus. Xi Jinping a en effet récemment mis en garde contre les risques d’une catastrophe politique semblable à celle de l’URSS.

Tout en prônant le respect de la constitution il continue à mettre en avant « les spécificités chinoises » parsemant parfois ses discours de références maoïstes, pour retarder les réformes politiques, jugées dangereuses, tandis que Yu Zhengcheng, nouveau Président de la Commission Consultative du Peuple Chinois, répétait durant l’ANP le message des conservateurs selon lequel « jamais la Chine n’adopterait le système politique occidental de séparation des pouvoirs »


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