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›› Editorial

La Chine de Xi Jinping, entre autoritarisme et ordre moral

Xi Jinping, lors d’une inspection au Shandong en décembre 2013.

Une longue liste de chantiers en cours.

Les réformes envisagées par le 3e Plenum ayant presque toutes une échéance à 2020, prétendre juger de leur efficacité une année seulement après leur lancement à l’automne 2013, est au mieux prématuré, au pire une exercice de mauvaise foi. Dans un article paru le 11 décembre dans China File, édité par l’Asia Society, Arthur Kroeber, sinologue américain, éditeur du « China Economic Quaterly » et membre du Comité National américain de suivi des relations entre Pékin et Washington, examine le bilan de Xi Jinping en se référant uniquement aux faits.

Un contrôle macro-économique efficace.

Sur le front de l’économie que nombre de pessimistes considèrent comme la clé très fragile de la survie politique du régime, on constate qu’après un bref affolement, le marché immobilier ne s’est pas effondré. Le mérite en revient à la suppression des barrières installées pour freiner les acquisitions spéculatives, tandis que la Banque Centrale n’a pas cédé à la tentation d’une relance générale. Celle-ci fut en effet restreinte à quelques secteurs ciblés.

Fin 2014, la croissance reste encore la plus forte de tous les émergents, même s’il est probable qu’en 2015 elle fléchira, freinée par les mesures de contrôle du crédit. Ainsi est mise en œuvre une stratégie suffisamment active pour soutenir le développement et, en même temps, assez contrôlée pour maîtriser la masse monétaire.

Remise en ordre et ouverture du système financier.

En mai, le pouvoir s’attaquait de front au désordre des marchés financiers et au monopole des banques d’État, mettant à jour d’importantes fraudes aux garanties bancaires. En juin, il approuvait une des plus importantes reformes budgétaires depuis 20 ans, visant à juguler et restructurer les dettes des provinces – il est vrai sans avoir trouvé le remède à l’insuffisance des budget des administrations locales -. En même temps, il commençait une refonte prudente du système fiscal mise en œuvre dans des provinces tests.

En novembre, le Bureau Politique ouvrait un peu plus la porte de son système financier en connectant directement les places boursières de Shanghai et Hong-Kong. En décembre enfin, la Banque de Chine rendait public un projet d’assurance des dépôts qui mettra fin aux garanties illimitées par l’État des risques posés par les possibles dérapages des Banques Publiques. La mesure ouvre la voie à la libéralisation à terme des taux d’intérêt.

Un essai encore hésitant de privatisation des groupes publics.

Sur le front des privatisations, 6 grands groupes publics étaient sélectionnés en juillet, dans le secteur financier, l’agroalimentaire, la pharmacie, la construction, l’environnement et l’industrie lourde pour tester le désengagement de l’État.

…une bataille acharnée contre la corruption.

A l’intérieur, les résultats sont spectaculaires. Même s’il est impossible de cautionner les harcèlements des avocats des droits, les restrictions de la liberté de parole, la répression brutale au Xinjiang et la condamnation à vie en septembre du professeur Ilham Tohti, coupable d’avoir seulement proposé une « autonomie culturelle du Xinjiang », on constate que la campagne contre la corruption est une des plus déterminées et des plus vastes jamais déclenchées en Chine.

S’il est un domaine qui affirme la détermination du pouvoir, c’est bien celui-là. En dépit des lacunes légales et de l’absence d’indépendance d’une campagne expéditive menée hors du système judiciaire par l’appareil à la fois juge et partie, le nettoyage salutaire de la machine politique ne faiblit pas. Après avoir ciblé les grands groupes pétroliers, les administrations locales, la Commission de réforme et développement et le cœur même du pouvoir en arrêtant un ancien du Comité Permanent du Bureau Politique, Xi Jinping s’est attaqué frontalement à la corruption dans l’APL.

La mise sous les verrous de l’ancien Commissaire politique Xu Caihou a même poussé au suicide trois généraux dont les connexions troubles plongent au cœur des réseaux de Guo Boxiong, n°1 des armées jusqu’en 2012 et, selon toute vraisemblance, de Jiang Zemin, l’ancien Secrétaire Général du Parti intronisé par Deng Xiaoping en 1989. Même si la campagne donne parfois le sentiment que Xi Jinping a déclenché une lutte de clans, il est difficile de nier que l’entreprise menée avec puissance et vélocité participe de l’effort pour améliorer la gouvernance du pays.

…et une gestion habile de la crise de Hong Kong.

Simultanément, le Bureau Politique a fait preuve d’une grande maîtrise et d’une retenue exemplaire dans la gestion de la contestation à Hong Kong. Lors du dégagement des derniers contestataires du quartier de l’Amirauté, le 11 décembre, les autorités ont dépêché des femmes officiers de police pour approcher individuellement chaque membre encore présent du mouvement « Occupy Central » et lui demander de quitter les lieux.

S’il refusait, il était « enlevé » à bras le corps par un groupe de 4 policiers. Malgré la mobilisation de 7000 agents des forces de l’ordre, l’affaire s’est passée sans heurts, le mouvement lui-même ayant donné des consignes pour rester fidèle à sa philosophie non violente.

Évidemment, le Parti dont une des qualités est sa capacité à appréhender avec précision les situations, sait bien que la conclusion pacifique des protestations ne résout pas la crise qui pourrait renaître à tout instant d’ici 2017. De même, le Bureau Politique a conscience que la campagne contre la corruption ne soigne pour l’instant que les symptômes. Pour résoudre ces contradictions qui touchent à l’essence même du régime de Parti unique, le Bureau Politique devra déployer toute son habileté manœuvrière.


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