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La Chine et le péril du « Djihad »

Pékin embarqué dans la « guerre globale contre le terrorisme »

Simultanément l’ouverture de la Chine au monde, sa quête de ressources, notamment d’hydrocarbures au Moyen Orient, ses liens discrets mais substantiels avec Israël ont progressivement modifié l’image que les mouvements islamistes anti-américains et anti-occidentaux avaient d’elle.

Alors que Pékin avait réussi à se tenir à l’écart des grands affrontements à consonance religieuse et culturelle qui, depuis le 11 septembre 2001, menacent à fois la paix du monde et la prévalence de l’Amérique, la Chine s’est peu à peu trouvée embarquée dans « la guerre contre le terrorisme mondial », leitmotiv de l’administration Bush auquel le Bureau Politique a consenti à s’associer.

En fond de tableau, le marchandage stratégique par lequel Washington reconnaissait mieux les intérêts chinois sur les questions de Taïwan et de Corée du Nord. Sans compter que l’appareil de sécurité du Parti qui identifiait une menace anti-chinoise à caractère viral et en voie de renforcement rapide aux abords immédiats du pays infestés de Djihadistes, n’était pas mécontent d’une coopération avec les services secrets américains.

Au passage, rappelons que la plupart des pays de l’Asie du Sud-est, du Cambodge à la Thaïlande en passant par Singapour, l’Indonésie, la Malaisie ou les Philippines ont cautionné le concept très irrationnel de la « guerre globale contre le terrorisme - War against terror - » qui, par la même occasion, permettait la mise au pas des dissidents, sous couvert de sécurité nationale.

La « pieuvre » Al-Qaeda et le Xinjiang

Sans qu’il soit encore possible d’identifier la réelle implication islamiste dans les récents événements en Chine, on ne peut pas nier que Pékin soit devenu une cible au moins dans les discours de la mouvance radicale terroriste qui se réclame de l’Islam. On se souvient qu’en octobre 2009, Abu Yahya al-Libi, un dirigeant d’Al-Qaeda présenté comme le n°2 de l’organisation terroriste, exécuté par un tir de drone américain le 4 juin 2012 dans les zones tribales pakistanaises, avait appelé à la « guerre sainte » contre le gouvernement chinois.

La même année, Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI) avait menacé les projets d’hydrocarbures et les intérêts chinois en Algérie en riposte à la manière dont étaient traités les musulmans ouïghours au Xinjiang. L’ambassade de Chine à Alger avait alors appelé la très forte communauté chinoise, évaluée à près de 100 000 expatriés à la prudence, tandis que la sécurité des installations chinoises était renforcée.

Mois de 2 ans plus tard, en août 2011 – mais l’information est moins bien documentée – Abdul Shakor-al Turkistani également connu sous le nom d’Emeti Yakuf, aurait revendiqué la responsabilité des attaques de 2011 contre les municipalités de Hotan et Kashgar dans le sud du Xinjiang. Lui aussi aurait été éliminé par une frappe à distance commanditée par la CIA, le 24 août 2012.

Selon le New-York-Times et la Jamestown foundation qui citent le journal Djihadiste « Karachi Islam », Shakoor qui était également à la tête du TIP, avait pris le commandement des unités Djihadistes d’Al-Qaeda dans les zones tribales pakistanaises après le départ vers l’Iran de Saif al-Adel un temps successeur d’Ousama Ben Laen (Der Spiegel et Associated Press).

C’est ce faisceau d’indices reliant la question du Xinjiang à la mouvance terroriste islamiste qui pousse aujourd’hui à accorder du crédit à la revendication djihadiste après les actions violentes qui secouèrent la région de Kashgar et Hotan les 30 et 31 juillet 2011 où une zone habitée par des Han fut simultanément le théâtre de l’explosion d’une voiture piégée, d’une attaque contre un camion militaire et d’assauts au couteau contre des policiers et des civils. (Lire notre article Retour sur la situation au Xinjiang).

La limite des stratégies chinoises

La stratégie de sinisation des marches occidentales de la Chine par une chape de contrôles et de répressions qui isolent le Xinjiang du reste du pays, assortie de vastes projets de développement que les Ouïghours accusent d’avoir jusqu’à présent largement profité aux Han, le tout appuyé par une immigration massive des Chinois de souche, pourrait avoir atteint ses limites.

Un alourdissement des contrôles, de l’isolation de la province et des répressions qui semble pour l’instant l’unique réponse du pouvoir à l’aggravation de la situation, risque d’endommager l’image de puissance douce que la Chine souhaite se donner et d’affaiblir son influence en Asie centrale où les populations sont culturellement proches de celles du Xinjiang.

Pourtant les critiques internes provenant des intellectuels du régime et de ses centres de recherche n’ont pas manqué de stigmatiser les risques des crispations sécuritaires univoques. Hu Yaobang lui-même, limogé en 1987 avait mis en garde contre la tentation obsessionnelle de siniser les culturelles allogènes du Xinjiang et du Tibet et préconisé les respect des religions et un arrêt de l’immigration massive des Han.

Surtout, les actions répressives indiscriminées et sans nuance qui assimilent la moindre critique à une menace terroriste au point d’avoir mis sous les verrous le professeur d’économie d’origine ouïghour Ilham Tohti, nourrissent la radicalisation djihadiste et attisent le danger majeur d’une contagion terroriste vers l’Est de la Chine où les cibles sont bien plus difficiles à défendre. Certes le caractère artisanal des bombes et le schéma des attaques au couteau laissent penser qu’on n’a pas encore atteint le stade de la guerre totale.

La Maison Blanche qui ne rate pas une occasion de critiquer les modes développement chinois au Xinjiang, est, par la voix de son porte-parole, allé jusqu’à douter de la réalité de la menace islamiste. D’autant plus irrité qu’après le 11 septembre il avait officiellement soutenu les États-Unis (contrairement aux critiques des réseaux sociaux qui s’étaient répandus en messages vengeurs anti-américains), en s’associant à la guerre contre le terrorisme de Georges Bush, le Bureau Politique prend, quant à lui, la menace au sérieux puisqu’il vient de décider d’armer les policiers de Shanghai et de Pékin et d’y augmenter la présence de groupes spécialisés anti-terroristes.

Au passage le porte parole du Waijiaobu a répondu à la Maison Blanche et espéré que « chacun reconnaîtra les objectifs des groupes terroristes et soutiendra la volonté du gouvernement chinois de réprimer leurs violences pour préserver la sécurité du peuple et de la société ».

Photo : Les drapeaux pakistanais et chinois emmêlés figurent les relations complexes entre Islamabad et Pékin, pourtant étroitement alliés. A plusieurs reprises des dirigeants radicaux islamistes réfugiés dans les zones tribales pakistanaises ont durement condamné Pékin pour le traitement que la Chine réserve aux Musulmans du Xinjiang et appelé à la guerre sainte.


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