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La Chine rehausse son rôle dans les finances mondiales

Photo : En août dernier, Jin Liqun, l’ancien président du fonds souverain chinois et ex-haut fonctionnaire de la Banque Asiatique de Développement et premier président de l’AIIB, avait vertement demandé à l’Ambassadeur américain à Pékin, Max Baucus que Washington mette en veilleuse ses critiques contre la future AIIB.

La Banque Asiatique d’Infrastructure…

On se souvient de la décision des BRICS (40% de la population du monde et 20% de son PNB) du 15 juillet dernier, de créer à Shanghai une Banque de Développement. Pavé jeté dans la mare des finances mondiales, l’initiative avait été décrite par la plupart des analystes comme un symbole contestant la suprématie des États-Unis et de l’Europe dans la « gouvernance » financière globale.

Le 24 octobre à Pékin, la Chine a poussé un peu plus les feux de sa stratégie globale en signant avec 20 autres pays un protocole d’accord pour la création d’une Banque Asiatique d’Infrastructures (sygle anglais : Asia Infrastructure Investment Bank : AIIB) qu’à nouveau les analystes ont identifiée comme une structure de financement rivale de la Banque Mondiale. Cette fois, la manœuvre a été précédée d’une intense action diplomatique des États-Unis dont le succès a été mitigé, pour dissuader leurs alliés d’adhérer à l’initiative de Pékin.

…et le sabotage américain.

Les arguments utilisés étaient les mêmes que ceux qui, en juillet, avaient critiqué la naissance de la Banque des BRICS à Shanghai : le risque que l’attribution des fonds à des projets d’infrastructure s’affranchissent de la règle de transparence et de libre compétition des appels d’offre et ignorent les contraintes environnementales et celles de la « responsabilité sociale des entreprises », destinée à protéger la main d’œuvre des dérives cupides du capital.

De fait, la campagne de Washington a réussi à écarter du projet chinois le Japon, l’Australie, la Corée du Sud et l’Indonésie. Mais l’Inde, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam, les Philippines, Singapour, et les 5 autres pays de l’ASEAN étaient présents, en même temps que la Mongolie, le Bangladesh, le Pakistan, le Népal, le Sri Lanka, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Qatar, et Oman.

Le projet concrétisé il y a un mois avait été lancé par le président Xi Jinping en 2013, alors que la Chine promettait de contribuer à un financement initial de la Banque à hauteur de 50 Mds de $. Après avoir longtemps plaidé pour un plus grand rôle dans les institutions internationales, Pékin passe à nouveau l’action, cette fois sur un sujet dont la pertinence ne peut pas être sous estimée. D’abord parce qu’il correspond à un réel besoin. Ensuite parce qu’il est en phase avec les leviers d’action de la politique étrangère de Pékin.

…en dépit de la pertinence du projet.

Principaux axes de toute la politique de développement chinoise notamment en Asie du Sud-est, clés de l’énergie et de la connectivité entre les régions et les États, les projets d’infrastructure coûtent cher. Compte tenu des lacunes et des retards, on estime le besoin en financement à 800 Mds de $ par an pendant au moins 10 ans. Des sommes qui dépassent de loin les possibilités des banques internationales existantes. Les 50 Mds de $ qui représentent la totalité des prêts annuels de la Banque Mondiale couvriraient à peine le coût des projets d’infrastructures indonésiens pour la période 2015 - 2019 (Foreign Policy, 16 octobre).

De plus, le développement des infrastructures que, dans le secteur des transports, les experts et politiques chinois appellent la « nouvelle route de la soie », s’inscrit exactement dans la stratégie chinoise d’influence et d’aide au développement définie par le Bureau Politique et répétée par Li Keqiang et Xi Jinping lors de leurs tournées asiatiques au cours des deux dernières années. Lire : La manœuvre globale de l’économie chinoise.

Le Directeur de la Banque Asiatique de Développement, le Japonais Takehiko Nakao en poste depuis le printemps 2013 qui était à Pékin en octobre dernier pour un séminaire sur le prochain plan quinquennal chinois, ne s’y est pas trompé. Selon lui, les deux institutions financières ont de vastes espaces communs de coopération y compris sur des projets d’infrastructure.

Les intentions cachées de Washington.

L’évidence du besoin est telle qu’elle induit des interrogations sur l’obstruction américaine qui, on l’a vu, a réussi à tenir à l’écart Tokyo, Séoul, Canberra, et Djakarta. La presse américaine s’est emparée du sujet avec 2 articles du New-York Times qui décrivent les manœuvres de Washington pour faire capoter le projet ou à tout le moins réduire les participants à de « petits pays ».

En contrepoint, les articles faisaient état des résistances chinoises, comme l’injonction de Jin Liqun, l’ancien président du fonds souverain chinois, et ex-haut fonctionnaire de la Banque Asiatique de Développement, futur président de l’AIIB qui, en août dernier, avait vertement demandé à l’Ambassadeur américain à Pékin, Max Baucus de mettre en veilleuse les critiques de la future AIIB.

Plus loin, le New-York Times s’étonnait de l’empressement de Washington à vouloir tuer dans l’œuf la nouvelle Banque, alors que, depuis des lustres, les Américains appelaient la Chine à jouer un rôle plus large dans les affaires du monde. « Et voilà que dès que Pékin s’y met, les États-Unis sabotent ses efforts. ». Mais l’analyse manquait une partie de l’image. Celle-ci nous est donnée par un article du magazine « Diplomat » du 10 octobre, signé du Directeur éditorial, Zachary Keck. Ce dernier rappelle que l’étonnement du New-York Times élude quelques nuances de la position américaine.

« Il est vrai que durant la guerre froide, tout le monde à Washington était d’accord pour estimer que le développement de la Chine était dans l’intérêt économique et stratégique des États-Unis.

Mais l’hypothèse admise par tous était que Pékin contribuerait au renforcement de l’ordre existant, et non pas que la Chine tenterait de le remplacer par le sien ». (…) « A Washington, les amis de la Chine estimaient que Pékin ne remettrait pas en cause un ordre global dont elle avait si bien tiré profit » (…) « Depuis quelques années pourtant, l’optimisme sur la montée en puissance de la Chine s’est évaporé, et il est devenu de plus en plus difficile de défendre le point de vue selon lequel Pékin allait continuer à défendre l’ordre existant ».

« Soudain, Washington modifia sa vision de la Chine. D’un allié potentiel, Pékin devint une menace (…). En Chine ce revirement confirma, non seulement chez les durs de l’APL, mais au sein de larges frations de la population chinoise, l’idée que les États-Unis dont la présence en Asie sous cette forme n’est pas naturelle, tentaient de contenir (« contain ») la montée en puissance de la Chine ».

Mais au-delà des obsessions de rivalités qui plombent la relation, le sommet de l’APEC qui restera comme une rupture dans la trajectoire de confrontation, a amplement montré que le potentiel de coopération existe entre Pékin et Washington et que, malgré les postures hostiles, parfois amplifiées par les médias, l’intérêt bien compris des deux contribue à désamorcer les conflits.


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