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La coopération internationale, condition du succès à venir du C 919

Le 2 novembre 2015, dans les ateliers de la COMAC à Pudong, la présentation très théâtrale du C 919 avec, au-dessus du rideau rouge le slogan « 梦想 起 航。 Le rêve prend son envol ». Compte tenu de la sommes des transferts de technologies en cours, l’avenir de l’appareil s’annonce plus prometteur que celui de l’ARJ 21.

Le 2 novembre, la COMAC (Commercial Aircraft Corporation of China) en Chinois 中国商用飞机有限公司 en abrégé 中国商飞, a officiellement présenté le C 919, sorti des chaînes de montage de son usine de Shanghai.

L’événement est une nouvelle étape des difficiles progrès de l’industrie aéronautique chinoise vers le club fermé des avionneurs d’envergure mondiale. Plusieurs milliers d’ingénieurs, de journalistes et d’invités officiels accompagnaient les dirigeants du Parti présents à la cérémonie présidée par le vice premier ministre Ma Kai, membre du Bureau Politique et plus haut dignitaire présent, entouré du Président de COMAC, He Dongfeng, du n°1 du Parti de Shanghai Han Zheng, de Li Jiaxiang Directeur de l’aviation civile et vice-ministre des transports, et de Miao Wei, ministre de l’Industrie et des technologies de l’information.

La mise en scène avec la lente apparition du museau de l’avion derrière un très théâtral rideau rouge surmonté des 4 caractères « 梦想 起 航 - mengxiang qi hang – le rêve prend son envol »,faisait clairement référence à la montée en gamme qualitative du « rêve chinois » slogan du régime depuis 2012. Mais cette fois, l’ARJ 21 ayant essuyé les plâtres, le projet a plus de consistance.

S’il est vrai que le retard technologique et commercial de la Chine en aéronautique est encore très important, le principe même de développement du projet, articulé autour d’une longue liste de JV, épines dorsales des transferts de technologies exigées par Pékin en échange de l’accès au marché chinois, autorise à considérer l’avenir du C 919 avec optimisme.

Il ne fait pas de doute qu’à moyen terme, l’appareil à qui la COMAC envisage d’ajouter les versions longs courriers, C 929 et C 939 à 300 et 400 sièges, grignotera une part du marché intérieur chinois aujourd’hui dominé par Airbus et Boeing.

Aboutissement de 7 années d’efforts, ayant des ambitions bien plus vastes que celles de l’ARJ 21, l’appareil présenté aux ateliers de Pudong de la COMAC est le plus gros avion commercial moderne construit à ce jour par la Chine dont un modèle réduit avait été présenté en 2009 à l’Asian Aerospace de Hong Kong. Monocouloir, long de 39 mètres, avec un caisson central en matériau composite, pouvant emporter jusqu’à 190 passagers, le C 919 est un moyen courrier au rayon d’action de 5500 km qui ressemble à l’A 320. Son premier vol d’essai est prévu en 2016 et les premières livraisons en 2019 ou 2020.

Au discours emphatique de Li Jiaxiang, vice-ministre des transports proche de la retraite, sur la puissance des nations liée à la capacité high-tech de développer un aéronef indépendant, Ma Kai a, plus prosaïquement souligné les difficultés de l’entreprise et le long chemin restant à parcourir pour que le C 919 et l’aéronautique chinoise parviennent à concurrencer de manière crédible la longue gamme des Airbus et des Boeing. A la présentation, la COMAC a fait état des 517 commandes. Mais à part les 20 appareils achetés par GECAS, le loueur de General Electric et les 10 commandées par la compagnie thaïlandaise City Airways, tous les autres achats sont téléguidés par l’État chinois.

Le chiffre est à comparer avec les 1456 et 1432 commandes fermes de l’année 2014 pour Airbus et Boeing. Pour les 2 géants mondiaux, le rythme ne faiblit pas puisque depuis le début de l’année 2015 Airbus a enregistré 815 commandes, tandis qu’aux 3 premiers trimestres, Boeing a livré 580 appareils dont 101 « Dreamliners ». Sur leurs carnets de commande les deux géants cumulent encore plus de 12 000 appareils à livrer dans les dix ans qui viennent.

Pour autant, il ne fait pas de doute que le considérable marché global de plus de 38 000 avions neufs pour les 20 prochaines années dont une part importante se trouve en Chine, laissera de la place à de nouveaux venus, surtout si, à technologies et fiabilité comparables, le prix des appareils est plus avantageux.

Tel est bien le défi auquel doit faire face le C 919 : faire la preuve de sa fiabilité au cours des essais, obtenir la certification de l’Administration Fédérale Américaine qui qualifiera la capacité opérationnelle globale de l’appareil (un obstacle d’autant plus difficile qu’en dépit des démentis américains, les différends stratégiques entre Pékin et Washington handicapent parfois la procédure) et, enfin, affirmer la réputation de l’appareil comme un aéronef moderne maîtrisant les hautes technologies.

Quant au domaine sensible de la high-tech aéronautique, s’il est vrai que le constructeur s’est efforcé d’équiper l’appareil des derniers cris des technologies de l’aviation commerciale, il est encore difficile de considérer le résultat final comme un produit de la R&D chinoise.

Une longue liste de partenaires étrangers.

Liste des équipementiers contribuant au C 919. Note : Contrairement à ce qui est indiqué dans ce graphe, Honeywell n’équipe pas le train d’atterrissage, livré par l’Allemand Liebherr. En revanche, il fournit les centrales inertielles, le système de mesure et d’enregistrement des paramètres de vol et les générateurs auxiliaires.

Les partenaires extérieurs du projet sont en effet encore nombreux pour les parties cruciales de l’avion. Citons l’avionique, y compris le pilotage électronique des moteurs, l’affichage de cabine et les enregistreurs de vol, installés grâce à une coopération entre l’Américain GE et Avics Sytems ;

La motorisation, la nacelle et l’inverseur de poussée ont été confiées à Nexelle (JV américaine entre GE et River Aircraft Systems) et CFM International (JV entre l’Américain GE et le Français Safran) qui équipe l’avion du tout nouveau moteur LEAP-1C aux ailettes en fibre de carbone, résultat des derniers progrès en matière d’aérodynamique, d’économie, de légèreté, de combustion et de maintenance dont les turbines sont en matériau composite (haute pression) et en alliage de titane et d’aluminium (basse pression) ;

Le train d’atterrissage est le produit d’une coopération d’AVIC avec l’Allemand Liebherr-Aerospace (Toulouse) ; les systèmes de communication, de navigation et de contrôle, sont développés par une co-entreprise baptisée Rockwell Collins CETC Avionics Company (RCCAC), basée à Chengdu, JV entre l’Américain Rockwell Collins et China Electronics Technology Avionics Company (CETCA), filiale du groupe China Electronics Technology Group Corporation. A Tianjin, Rockwell a aussi développé avec le Chinois Bluesky Aviation Technology (groupe Avic), un simulateur pour l’entraînement des pilotes.

D’autres équipementiers américains sont sur les rangs. Honeywell (nucléaire, aérospatiale) produit en coopération avec plusieurs sociétés chinoises de Changsha, les centrales inertielles, le système de mesure et d’enregistrement des paramètres de vol et les générateurs auxiliaires ; Parker Aerospace également partenaire d’AVIC fournit les systèmes hydrauliques et les réservoirs ; Enfin, Eaton, en coopération avec COMAC est en charge des tuyauteries des systèmes hydrauliques et d’alimentation en carburant.

Et de très riches transferts de technologies.

De cette longue énumération des équipementiers participant au projet C 919, une évidence saute aux yeux. S’il est vrai que les parties essentielles du nouveau moyen courrier chinois sont aujourd’hui à 100% dépendantes de l’étranger, tous les fournisseurs sans exception sont engagés dans des coopérations actives avec des sociétés chinoises, assorties d’importants transfert de technologies, imposés par la Chine en échange de l’accès à son marché. Compte tenu de l’importance de ce dernier aucun groupe étranger n’est en mesure de résister à cet appel.

Le schéma de développement du C 919 tranche donc avec celui de l’ARJ 21 dont les équipements avaient en grande partie été achetés sur étagère, sans accompagnement technologique par les ingénieurs étrangers. La route du C 919 vers une part substantielle du marché chinois reste encore longue, mais il est possible d’anticiper que l’évolution du mode de coopération favorisera un développement sans à-coups de l’appareil qui sera, à moyen terme, capable d’empiéter, d’abord en Chine, puis hors de Chine sur les parts de marchés de Boeing et Airbus.

*

NOTE de CONTEXTE

Où en est l’ARJ 21 ?

Le 30 décembre 2014, après 12 années d’efforts, 6 années après le vol inaugural et 5000 heures d’essais en vol ponctués de nombreux déboires, l’ARJ 21-700, biréacteur de 78 à 90 sièges, équipé de 2 moteurs GE CF 34-10A a été certifié par l’Aviation Civile Chinoise (CAAC).

Mais, les 30 exemplaires commandés par Chengdu Airlines seront livrés sans la certification américaine, ce qui limitera l’exploitation commerciale de l’avion aux zones asiatique, africaine et sud-américaine où la certification chinoise est reconnue. La compagnie indonésienne Merpati Nusantara Airlines, un des acheteurs de l’appareil ayant déposé son bilan, le total des avions vendus à ce stade est probablement inférieur à 350.

A côté de la Chengdu Airlines, les clients de l’ARJ 21 qui entrera en service en 2016 sur les lignes intérieures chinoises, restent pour le moment, la société de leasing GECAS, Lao Airlines, Myanma Airways et la République du Congo.

Un article des Echos du 22 octobre dernier mettait le doigt sur la controverse entre la CAAC et la Federal Aviation Administration, les Chinois se plaignant du manque de coopération des Américains accusés de rigidité procédurière. Citée par Les Echos, un courriel de la FAA à REUTERS affirmait que la certification directe de l’ARJ 21 n’avait jamais été à l’ordre du jour et que la COMAC prévoyait un modèle dérivé plus conforme aux standards américains.

En attendant la COMAC pourrait demander une certification à Agence européenne de sécurité aérienne (AESA).

Lire aussi : Succès et déboires de la modernisation de l’APL


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