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›› Politique intérieure

La face cachée de « l’incident de Chengdu »

Sclérose de la société.

A la mi-janvier paraissait dans le magazine Caixin un article signé de Madame Guo Yuhua, titulaire d’un Doctorat d’anthropologie, professeur de sociologie à Qinghua Daxue qui analysait ce phénomène de stagnation sociale porteur d’amertume et de découragement. Ayant identifié que la société chinoise avait perdu son dynamisme des années de la réforme, qu’elle régressait vers le système des connexions familiales et des « guanxi » et que la mobilité sociale était grippée, tandis que les ressources, les opportunités et la richesse étaient concentrées dans quelques mains, elle estimait que « le sentiment le plus partagé en Chine était la déception ».

La désillusion prenait racine dans le décalage entre les discours publics sur la « naissance d’une nation puissante » et la faiblesse des progrès individuels dans une société de moins en moins ouverte. « Ce ne sont toujours pas la connaissance et les diplômes qui ouvrent les portes, mais toujours les réseaux, les appuis et le statut de la famille ». Pour un Chinois moyen il était de plus en plus difficile de démarrer une affaire commerciale, et presque impossible aujourd’hui pour un paysan d’immigrer en ville. Le blocage était encore aggravé par la situation économique et la survivance du passeport intérieur.

Un indice, qui révélait le recul du dynamisme social était l’augmentation constante du nombre des candidats à une fonction administrative. Ils étaient 600 000 en 2007, 800 000 en 2008, 1,1 million en 2009 et 1,5 millions en 2010. Alors que durant la grande époque des réformes, après 1992, les opportunités étaient nombreuses, aujourd’hui c’était la bureaucratie du Parti qui constituait l’ascenseur social le plus sûr.

L’inégalité des droits et le grippage des ascenseurs sociaux, la réduction de la mobilité professionnelle et le durcissement général de la société confortaient les riches et les puissants ; ils affaiblissaient les plus démunis et les plus faibles. Le plus grave ne seraient pas les écarts de richesse mais la dégradation de « l’écosystème social » qui induirait un déclin économique culturel et politique. Poursuivant son image écologique, l’auteur affirme qu’une société dynamique ne se nécrose pas, à l’instar de l’eau courante qui reste limpide (- 流水不腐 -Liu shui bu fu – l’eau courante ne pourrit pas -). Mais en Chine, dit-elle, la dégradation de « l’écosystème social » qui résultait de la stagnation des opportunités était évidente.

« Au bas de l’échelle, c’est la jungle ». C’est ce que, selon elle, indiquait la somme des incidents pernicieux et potentiellement dangereux de ces dernières années, qui allaient du scandale des esclaves des fours à briques, aux produits alimentaires frelatés, en passant par les trafics d’enfants, les salaires impayés des migrants, les attaques au couteau dans les écoles, les suicides chez Foxconn et les évictions violentes.

L’origine de ces phénomènes violents et hors la loi résidait dans l’érosion progressive des opportunités sociales, que ceux situés au bas de la pyramide ne pouvaient compenser qu’aux dépens de leur honnêteté. Ainsi se créait le cercle vicieux du fort opprimant le faible ; ce dernier martyrisant lui-même plus faible que lui.

La classe moyenne n’était pas épargnée. Non seulement il était difficile d’y entrer dans le contexte des ressources accaparées par une minorité, mais il était aussi devenu impossible d’y progresser dans l’échelle sociale. Les offres d’emploi et les augmentations de salaires se faisaient plus rares, les frais de scolarité, le prix des logements avaient beaucoup augmenté et le simple maintien du statut social était épuisant.

Dans le même temps, les élites émigraient. En dépit des considérables avantages de leur statut privilégié, elles éprouvaient elles aussi un fort sentiment d’insécurité, provoqué par la corruption de l’oligarchie, seulement obsédée par le maintien de la stabilité sociale, et dont le pouvoir politique n’était contrôlé par rien.

Au nom de la stabilité sociale, les intérêts légitimes des particuliers étaient lésés, les migrants n’étaient pas autorisés à réclamer les salaires en retard, les exploiteurs autorisés à dépouiller les plus faibles, au point qu’à force de placer la stabilité en haut de ses priorités, le pouvoir fabriquait une société à la fois immobile et instable, où les réformes de progrès, bloquées par un système que rien ne remettait en question, étaient devenues impossibles. Après cette charge, le professeur Guo conclut que la renaissance de l’esprit des réformes ne serait possible que si le pouvoir acceptait de libérer le dynamisme de la société.

Relancer la réforme.

La situation actuelle de la Chine rappelle la paralysie de l’esprit réformateur, bloqué par les factions conservatrices en1989.

Avec cependant la différence que, cette fois, dit le China Daily dans un article publié le 17 janvier, la sclérose n’était pas d’ordre idéologique ou politique, mais renvoyait uniquement à une collusion d’une partie de l’oligarchie avide de protéger ses intérêts particuliers et ses droits acquis. Une autre différence de taille est que, moins de cinq avant sa disparition, Deng Xiaoping avait, à l’hiver 1992, lors de son « voyage vers le sud », bousculé les résistances et libéré les énergies.

Le Parti, confronté à des échéances économiques, sociales et politiques cruciales, saura t-il créer une dynamique et une cohésion aussi positives et aussi porteuses de succès que celles surgies des ambitions, de l’audace et de la vision de Deng ? Ou se laissera t-il enfermer dans des querelles d’intérêts catégoriels à courte vue ?

Les réponses à ces questions commenceront à émerger lors du Congrès à l’automne et au cours de l’année 2013. Elles diront si le pouvoir est prêt ou non à prendre le risque de l’ouverture politique qui complèterait l’œuvre de modernisation entreprise au début des années 80.


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