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La Gambie et la Chine rétablissent leurs relations diplomatiques. 1er coup de semonce de Pékin

Avis de gros temps.

Dans un article publié le 25 janvier 2016 dans le Global Times, le général en retraite Luo Yuan, ancien n°2 de l’Académie des Sciences militaires connu pour ses positions très nationalistes déclarait qu’un conflit avec Taïwan serait probable si l’Île continuait à rechercher l’indépendance. « Nous avons fait la promesse de ne jamais porter les armes contre des populations chinoises. Mais si les indépendantistes augmentaient leurs pressions, notre seule option sera d’opérer la réunification par la force des armes ».

Telle était selon lui la signification de l’expression employée par Xi Jinping 地动 山 摇。(voir plus bas). Dans le même article Luo réfutait les arguments démocratiques de Tsai Ing-wen et répétait la position du politburo selon laquelle le destin des Taïwanais devrait être décidé non par le vote des seuls habitants de l’Île, mais par un scrutin appelant à voter tous les Chinois.

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A ce stade il faut s’interroger sur les conséquences des stratégies chinoises. A Taïwan, la classe politique tente d’en minimiser la portée. Beaucoup disent qu’ils étaient préparés à la manoeuvre chinoise. La future présidente a même été contrainte de contredire certains députés indépendantistes qui affirmèrent que les seuls relations extérieures utiles étaient celles non officielles avec les grands alliés qu’étaient Tokyo et Washington.

Il n’empêche que Tsai est aujourd’hui placée sous une triple pression. Celle de Pékin d’abord qui pèsera de tout son poids pour que le nouvel exécutif reconnaisse la politique d’une seule Chine, condition du développement de liens apaisés dans le Détroit ; celle de l’opinion taïwanaise dont on sait qu’elle flotte entre l’affirmation identitaire et la crainte de tumultes provoqués par un raidissement chinois ; celle enfin de la mouvance indépendantiste radicale qui rêve d’affirmer l’identité séparée de l’Île face au régime de Pékin.

Pour le Politburo chinois, le risque existe cependant que des pressions mal mesurées provoquent à Taïwan une réaction adverse ferment d’une rupture dont le principal moteur serait la jeunesse.

S’affirmant dans tous les sondages comme la portion de l’opinion la plus hostile à la mainmise de Pékin sur l’Île, une mouvance politique véhiculant les idées de la jeune génération gagne rapidement en influence comme l’indique la conquête de 5 sièges au Yuan Législatif, à peine plus d’un an après sa création, par le mouvement de la nouvelle force (時代 力量 shidai liliang) né de la contestation étudiante dite du « Tournesol » qui avait bloqué l’adoption de l’accord cadre sur les services avec le Continent en mars 2014.

Rigidité chinoise, souplesse de Tsai et faiblesse de ses marges de manœuvre.

Pour autant, le coup de semonce tiré par Pékin, laisse augurer des tensions à venir. Dans sa dernière livraison de China Leadership Monitor, Alan D. Romberg, rappelle l’essentiel.

Pour le Politburo, pragmatique et concret, la priorité reste sans esprit de recul que Tsai Ing-wen reconnaisse le « Consensus de 1992 » et renonce à l’indépendance de Taïwan. Le premier terme de ces exigences suppose de reconnaître que l’Île et le Continent appartiennent à la même Chine, tandis que le 2e élimine toute possibilité que les Taïwanais puissent choisir librement leur avenir. Compte tenu de ses racines politiques et de son histoire, il n’y a aucune chance que Tsai se conforme publiquement et sans ambiguïté à ces impératifs qui tiennent de l’ultimatum.

Or, en amont des élections de janvier 2016, Xi Jinping lui-même avait clairement rappelé que si ces conditions n’étaient pas remplies « la terre tremblerait et les montagnes seraient ébranlées » (地动 山 摇 di dong shan yao), ajoutant que toutes les relations existantes seraient interrompues et que l’espoir d’en établir de nouvelles serait compromis.

Disant cela Xi Jinping faisait peser une menace considérable non seulement sur les relations commerciales dans le Détroit dont la densité constitue une vulnérabilité de première grandeur pour l’Île, mais également sur sa marge de manœuvre diplomatique. Sans surprise cette dernière menace vient de se concrétiser 60 jours après l’élection de Tsai Ing-wen, alors qu’elle n’a même pas encore pris ses fonctions.

Le constat trace les limites de la marge de manœuvre stratégique de la nouvelle présidente. Elle devra faire preuve de beaucoup d’habileté pour, sans renoncer à ses convictions politiques, tenir à distance les menaces chinoises, évitant aussi d’éveiller les craintes de l’opinion d’une dégradation catastrophique de la relation et sans se laisser déborder par l’activisme de la jeunesse et par celui des indépendantiste radicaux.

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Tsai a de la ressource et son approche est bien plus subtile que celle de Chen Shui-bian. Peu après l’élection du 16 janvier elle a commencé à manœuvrer en donnant une interview pleine d’ambiguïtés au Liberty Times, 自由 時報 journal Taïwanais dont la ligne éditoriale est favorable à l’indépendance.

Après avoir agité un rameau d’olivier à l’adresse de Pékin dont elle a loué la placidité en amont des élections, expliquant que la retenue était la condition du dialogue, elle a expliqué sa position articulée autour de 3 constantes et une concession :

1) La Constitution de la République de Chine ; 2) Le choix populaire des Taïwanais exprimé lors des élections du 16 janvier ; 3) Sa volonté d’œuvrer pour une relation bilatérale stable respectant le statuquo et conforme aux intérêts des peuples. Surtout, sans le reconnaître formellement comme une plateforme politique opérationnelle que son parti pourrait cautionner, elle a concédé que le consensus de 1992 était un fait historique incontournable, base de l’amélioration de la relation dans le Détroit que les deux rives devraient s’efforcer de préserver.

A la fin de l’interview, retournant à l’un des fondamentaux de son Parti et de l’opinion taïwanaise elle a rappelé l’exigence démocratique et l’obligation de laisser au peuple taïwanais le choix de son avenir.

Pour autant, en prenant acte du caractère historique du consensus de 1992 et en faisant référence à la Constitution de la République de Chine, texte adopté par la République de Chine de Tchang Kai-chek en décembre 1946, Tsai se plaçait dans une continuité historique chinoise propre à rassurer le Politburo et complètement à rebours des positions indépendantistes. Apparemment ces concessions qui n’étaient pas simples, n’ont pas suffi.

Ce que souhaite le Parti communiste chinois c’est que Tsai reconnaisse sans ambiguïté le consensus d’une seule Chine et renonce formellement et publiquement à l’indépendance. Tout indique que Pékin continuera à faire pression jusqu’à obtenir ce résultat, au risque de provoquer une crise.


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