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›› Politique intérieure

La Gloire du Parti

Mao, le fondateur, dont l’œuvre parfois contestée et le règne tourmenté de près de 30 années, n’ont pas bénéficié d’un traitement particulier dans le défilé, restera celui qui a redressé l’honneur de la Chine, désormais debout. Pour la fierté de la grande majorité des Chinois, cette contribution est capitale ; Deng Xiaoping, le petit homme madré et impitoyable, dont l’ombre portée plane encore sur le Bureau Politique est, sans surprises, associé à l’ouverture économique du pays et à l’amélioration radicale du mode de vie de plusieurs centaines de millions de Chinois ; Jiang Zemin, le véritable successeur du « Petit Timonier », consciencieux, appliqué et pragmatique, est crédité de l’ajustement idéologique des « trois représentativités », qui tente d’intégrer les patrons capitalistes à la marche en avant de la Chine socialiste. Un grand écart qui ne manquait pas d’audace et souligne le pragmatisme des dirigeants modernes. Quant à Hu Jintao, il restera l’homme du « développement scientifique » et « harmonieux » du pays, qui tente de replacer l’homme au centre des progrès trop rapides de la Chine, avant qu’ils ne lui échappent.

On aura remarqué sans surprise que, sur cette photographie retouchée, manquaient non seulement les épisodes noirs des folies maoïstes du Grand Bond en avant et de la Révolution Culturelle, mais également trois autres dirigeants, tous évincés par Deng Xiaoping : Hua Guofeng, qui mit fin à la révolution culturelle, mais insistait pour rester fidèle aux idées maoïstes ; Hu Yaobang, accusé d’être trop réformiste, qui prônait une politique respectant la culture du Bouddhisme lamaïque au Tibet ; et Zhao Ziyang, adepte convaincu de l’ouverture économique et politique, emporté par le raidissement conservateur de Tian An’men en 1989.

Enfin, confirmant l’impression que le Parti s’éloigne sans le dire de Mao, on aura noté que c’est le portrait géant du Dr Sun Yat Sen qui présidait à la cérémonie des couleurs sur la place Tian An’men et non celui de Mao Zedong. Le signal, qui donnait le coup d’envoi des cérémonies, est important, non seulement pour ce qu’il signifie en politique intérieure, mais également parce qu’il adopte la même référence politique et idéologique que Taiwan, dont l’hymne national est aussi un chant à la gloire du vieux docteur, devenu Président de la République de Chine en 1912, et considéré, de chaque côté du Détroit, comme le père de la Nation chinoise moderne.

Mais ce fut aux forces armées et à la Police Armée Populaire - représentée en force avec des nouveaux équipements anti-émeute -, toutes entières dévouées au Parti, à qui elles jurent allégeance, que revint l’honneur d’ouvrir le plus imposant défilé jamais organisé par la Chine. La fidélité inconditionnelle de l’APL au PCC, et son rôle dans la pérennité du régime rappellent au demeurant à quel point l’exercice du 1er Octobre était organisé comme une affirmation du pouvoir du Parti et de sa volonté de rester aux commandes du pays. Le Secrétaire Général lui-même le répète sans cesse : « la première mission historique de l’APL est de protéger la position politique dominante du Parti ».

C’est également cette partie du défilé, au parfum de guerre froide, qui a retenu l’attention des observateurs étrangers, inquiets ou intrigués par la montée en puissance militaire de la Chine. Que l’APL ait fait des progrès depuis le dernier défilé de 1999 est une évidence. Il y a dix ans plus de 20 000 soldats défilaient sur des matériels, dont beaucoup étaient dépassés. Cette fois ils étaient largement moins de 10 000, avec des équipements bien plus modernes. Mais s’il est vrai que l’agence Xinhua avait préparé la presse en annonçant la présentation de 50 nouveaux systèmes d’armes, la plupart des spécialistes affirment que le défilé n’a réservé que peu de surprises.

Les points forts de l’APL restent incontestablement ses capacités balistiques à toutes les portées, équipées de têtes nucléaires et classiques, qui menacent les Etats-Unis, Taiwan et les bases américaines en Asie. A cela s’ajoutent les nouvelles aptitudes de sa marine de surface et de ses sous-marins - dont la discrétion est encore aléatoire -, mais dont la présence en Mer de Chine du Sud, dans le Pacifique occidental et en dans l’Océan Indien s’affirme de plus en plus.

Quant aux points faibles, ils sont nombreux, et touchent d’abord - pour ne citer que les plus importants - aux capacités aéronautiques, où les aptitudes au combat et les équipements, pour la plupart encore dérivés des appareils russes et français, sont assez largement en retrait de ceux de l’US Air Force. Au demeurant pour les spécialistes, le défilé qui fut un inventaire assez complet des équipements anciens et nouveaux, laisse dans l’ombre de nombreuses questions, logistiques, tactiques ou stratégiques.
Ces dernières ont trait d’abord au degré réel d’équipement et de modernisation des forces - la présence de matériels modernes sur Chang An, ne préjuge en effet en rien de leur affectation dans les forces -. Les interrogations renvoient aussi au niveau d’entraînement et à l’aptitude aux actions combinées d’une armée dont les expériences réelles au combat sont limitées et dont le commandement est toujours sous le double contrôle des opérationnels et des commissaires politiques.

Enfin le défilé, qui fut une démonstration de force destinée à impressionner, a très certainement rempli son office à l’intérieur. A l’extérieur aussi. Mais, par la même occasion - c’est le prix que le Parti accepte de payer pour sa promotion interne -, il ravive les doutes sur les intentions stratégiques de la Chine et jette une ombre sur la sincérité de son discours d’apaisement, destiné à ses voisins et aux pays d’Asie du sud-est.


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