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La justice entre morale et politique. Spéculations sur le retour des luttes de clans

Spéculations sur la résurgence des luttes de clans.

Le 19 février Xi Jinping en visite à CCTV a exhorté les journalistes et les éditeurs à la loyauté au Parti et à se conformer à sa ligne politique et à ses projets.

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Après avoir mis en perspective pour la relativiser le poids de la morale politique en Chine, dont on voit qu’elle est également influente en Occident y compris dans ses plus anciennes racines, il faut s’interroger sur la signification pour la stabilité de l’exécutif de la condamnation sans nuance par un magistrat provincial de premier rang des mises en scène parajudiciaires assorties de mortifications publiques.

La question mérite d’autant plus d’être posée que, le 4 mars 2016, la veille de la session de l’ANP, le site chinois « 无 界 - Wu Jie - », « Watching News » en anglais a été la cible d’un piratage qui a réussi à mettre en ligne une lettre ouverte rédigée par un collectif d’auteurs qui se disent membres loyaux du Parti – « 忠诚 共党员 » -

Le document qui fut aussitôt retiré du site par la censure, demandait ni plus ni moins à Xi Jinping de démissionner de toutes ses fonctions du Parti et du gouvernement 要求你辞去所有党和国家领导职务 pour avoir abandonné le dogme politique établi par Deng Xiaoping de l’obligation de consensus à la tête de l’appareil et d’avoir concentré tous les pouvoirs entre ses mains. Au passage, le document critiquait les investissements chinois dans des pays instables dans le cadre des projets 一 路 一 带.

L’incident, tenu sous le boisseau par les médias du régime pourrait être une manipulation d’une équipe de « hackers » isolés sans pertinence politique réelle. Il serait cependant imprudent de l’ignorer pour plusieurs raisons.

Les leçons oubliées de Deng Xiaoping

Les critiques stigmatisant l’autoritarisme monopolisateur de Xi Jinping sont récurrentes depuis 2013 et s’aggravent à mesure que se développent les offensives impitoyables contre les intérêts corporatistes, les corrompus et les opposants aux réformes.

Quant à l’héritage politique de Deng Xiaoping qui prônait à la fois le profil bas international et le consensus comme remède aux luttes des clans – deux injonctions auxquelles le régime a tourné le dos -, il n’est pas anodin de rappeler que Xi Jinping qui accéda au poste de Secrétaire Général du Parti en novembre 2012 est le premier Secréraire Général depuis Hu Yaobang (1980 – 1987) a n’avoir pas été adoubé par Deng Xiaoping.

Aujourd’hui, au-delà des célébrations qui continuent de glorifier le petit timonier, le régime, confronté à son héritage de prudente sagesse, est tiraillé entre plusieurs tendances contraires.

En politique extérieure, la défense déterminée des nouveaux « intérêts vitaux chinois » dans lesquels a été inclus la mer de Chine du sud, recevant le soutien actif d’une opinion publique dont le nationalisme s’exprime sur Internet, éloigne la trajectoire diplomatique chinoise de la prudence stratégique prônée par Deng Xiaoping.

A l’intérieur, l’urgence de la situation socio-économique et politique exigeant une violente remise en cause des errements antérieurs marqués par un partage très inégal, potentiellement explosif, des fruits de la richesse, le gaspillage des ressources favorisé par les gabegies financières des investissements massifs, les intérêts retranchés de la bureaucratie et le cancer des corruptions, ont poussé Xi Jinping, hanté par un sentiment d’urgence et le souci de l’efficacité, à confisquer la plupart des leviers du pouvoir, sans considération pour le précepte du consensus des clans prôné par le petit timonier.

Cette évolution qui, par nécessité réformiste, a, en 4 ans, glissé de la collégialité vers l’autoritarisme, a placé le Secrétaire Général en toute première ligne, exposé aux attaques.

Au demeurant ce n’est pas la première fois qu’il est publiquement critiqué. La dernière fois, la charge avait été lancée à l’automne 2015 par le professeur Sun Liping qui fut, à Qinghua le mentor universitaire et le professeur de sociologie de Xi Jinping. Dans une rare remise en cause du style de la direction chinoise, Sun avait dénoncé les tendances despotiques du président.

« Le pouvoir a des limites » écrivait-il dans un article mis en ligne sur son blog où il expliquait que la crise boursière avait révélé une grave faiblesse de la gouvernance au sommet née d’un excès de centralisme aggravé à la fois par des lacunes dans l’expertise financière et la tendance générale de la bureaucratie à l’obéissance aveugle.

Répression

- mise à jour le 28 mars -

Après avoir brièvement arrêté Jia Jia, blogueur à succès travaillant avec les médias de Hong Kong et avocat des droits, la police a incarcéré puis libéré 20 personnes soupçonnées d’être liées à la publication de la lettre. Selon des informations venant de critiques vivant hors de Chine liés aux personnes incriminées, la plupart seraient liées au site Wujie appartenant conjointement au gouvernement du Xinjiang , à Alibaba et à SECC Media Group, lui-même propriétaire du magazine économique Caijing.

Lire notre article Excès de centralisme, cafouillages et alerte politique

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Peu d’observateurs se risquent à évaluer les risques de crise politique à la tête de la Chine. Il est cependant certain que les remises en ordre éthiques et les réformes qui touchent nombre d’intérêts féodaux, créent, sur fond de freinage économique, une situation qui met le sérail politique sous tension, augmentant mécaniquement la probabilité de frictions. Celles-ci pourraient encore être exacerbées par la tendance du n°1 du Parti à juguler sévèrement toutes les expressions non conformes aux vues officielles.

Peu après la visite de Xi Jinping, en février dernier à CCTV et au Quotidien du Peuple où les journalistes avaient été invités à diffuser des informations en faveur de l’unité du Parti et à promouvoir ses vues pour protéger son magistère, des critiques avaient surgi sur le net.

Ren Zhiqiang, un promoteur immobilier à la retraite dont les propos furent rapidement censurés, s’étonnait sur son blog que « le gouvernement du peuple soit devenu le gouvernement du Parti ». Il ajoutait que l’alignement des médias sur le Parti aboutirait à tenir le peuple à l’écart et à le « reléguer dans un coin oublié. ». Ces remarques furent suivies par une violente campagne contre Zhen orchestrée sur les médias officiels dont la teneur rappelait les invectives de la révolution culturelle.

Enfin, le 9 mars, le magazine Caixin, publiait un article pour protester contre la censure après que celle-ci ait effacé une interview en ligne de Jiang Hong, membre de la Conférence Consultative du Peuple Chinois qui critiquait la censure et appelait le pouvoir à tolérer la diversité des opinions.

lire aussi : Une réforme judiciaire aux caractéristiques chinoises


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