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La « maladie du vent »

En Chine, la psychanalyse s’exerce presque sous le manteau, dans un contexte où, en dépit des corrections de trajectoire du 17e Congrès, l’attention portée à l’individu reste encore très en-dessous du niveau atteint par les pays occidentaux. Discipline qui traite de l’inconscient des personnes et de leur histoire intime, cette spécialité a du mal à émerger en Chine, où le modèle collectif continue à primer, dans une culture qui, privilégiant les apparences en dehors du strict cercle de la famille, ne favorise pas les confidences trop personnelles, surtout quand il s’agit d’aborder les troubles du mental, souvent jugés dégradants.

Dans un contexte où la liberté de parole est suspecte et où le poids du nombre reste une donnée tyrannique de la vie sociale, les longues confidences personnelles des malades souffrant de troubles psychiques semblent encore une possibilité improbable. Dans les centres de soins des grandes villes - pour ne pas parler du système souvent encore rudimentaire des campagnes -, les patients s’agglutinent dans les couloirs et jusque dans le cabinet du médecin qui traite ses patients sous les yeux curieux des voisins, sans d’ailleurs y trouver à redire.

Autant de raisons qui font que le livre de Huo Datong (Plon. 2008) « La Chine sur le divan », sorte d’exploration à grands coups de serpe des terres encore presque vierges de la psychanalyse en Chine, mérite le détour.

L’ouvrage, qui est une longue conversation à bâtons rompus entre l’un des tous premiers vrais psychanalystes chinois et Dorian Malovic, journaliste, chef du service Asie du quotidien La Croix, familier du mode chinois, raconte d’abord l’extraordinaire parcours personnel de l’auteur, choqué par les soubresauts politiques, et déchiré entre les influences intellectuelles occidentales et la forte emprise rémanente de la culture traditionnelle chinoise. En même temps, il s’aventure avec intelligence sur le terrain délicat du décryptage de l’inconscient collectif des Chinois face aux contradictions de la modernisation, à partir d’une démarche intellectuelle plutôt œcuménique, qui focalise d’abord sur les similitudes entre Chinois et Occidentaux, avant de s’intéresser aux différences : « il faut avant tout se demander ce qui nous unit pour ensuite analyser ce qui nous différencie. Dans le cas contraire, nous nous plaçons toujours en opposition et en conflit ».

Lecteur assidu des grands classiques grecs et français, amoureux de l’histoire chinoise, le jeune Huo Datong est profondément tourmenté par la violence du maoïsme et par les secousses qui, depuis le milieu du XIXe Siècle, continuent d’ébranler le monde chinois à la recherche de sa personnalité, entre, d’une part, la quête effrénée de modernisation par le biais anachronique du marxisme jeté aux oubliettes en 1978, et, d’autre part, le poids obsédant et inexorable de la tradition et de l’histoire : « nous cherchions un rêve qui nous avait été promis. Afin d’y parvenir on nous a demandé de tout détruire pour reconstruire la meilleure société du monde ! Mao a échoué. Le rêve s’est brisé (...). L’économie a été anéantie, les croyances écrasées, l’intelligence annihilée, le savoir refoulé, les universités fermées. Nous avions tout perdu ».


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