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La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes

Télé-réalité au Yunnan et au Henan. Parade de condamnés à Changsha

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La diffusion d’une émission spéciale, la première depuis longtemps, a certes suscité quelques critiques de juristes comme Liu Xiaoyuan qui firent écho à celles de plusieurs organisations de droits de l’homme internationales, soulignant la violation de l’éthique et des procédures criminelles sur la peine de mort qui interdisent toute mise en scène publique, « il n’empêche que », souligne Si Yinhong, professeur de relations internationales à Beida « l’émission exprimait bien les intentions du pouvoir de montrer que la Chine ne plaisantait pas avec la protection de ses citoyens, à l’intérieur de ses frontières comme à l’étranger ».

Enfin, si certaines élites sont choquées, la grande majorité des Chinois, qui considèrent la peine capitale comme normale pour des crimes de sang, ne l’ont pas été. C’est en tous cas ce qu’indiquait l’audience très forte, estimée à 40 millions – soit 50% de la population de la province -, d’une émission diffusée par une chaîne de télévision provinciale du Henan de 2006 à 2012, supervisée par le Département de la propagande du Parti, véritable « reality show » autour de la peine de mort, au titre angoissant et sans équivoque : « interviews avant exécution ».

On y voyait une jeune et jolie journaliste devenue célèbre, nommée Ding Yu, toujours vêtue avec recherche et soucieuse de son apparence, questionner les condamnés à mort enchaînés, coupables de crimes de sang et écouter leurs regrets qu’elle leur demandait expressément d’exprimer quand ils ne le faisaient pas spontanément.

Dans ce contexte, où le public accepte et même plébiscite que la peine capitale soit à la fois banalisée et mise en scène au moins dans ses préparatifs, à des fins non seulement dissuasives, mais également morales, et peut-être de rédemption – Ding Yu pense que l’expression des remords « soulage le cœur des condamnés » -, Chen Guangzhong, professeur à la Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l’Université de Pékin, estime qu’il serait irréaliste d’imaginer que la peine de mort pourrait être supprimée à court terme en Chine. C’est aussi ce que pense la désormais célèbre présentatrice Ding Yu.

Au demeurant les mises en scène où les condamnés à mort sont publiquement exhibés puis promenés en ville avec une pancarte auour du cou, rappelant leurs méfaits, n’ont pas disparu du paysage chinois. Le 29 décembre 2011, par exemple, dans le cadre d’une des campagnes de répression contre le crime – baptisée « Yan Da, 严打 frapper fort » - dont l’origine remonte à 1983, les autorités locales de Changsha avaient présenté, juste avant leur exécution, 15 condamnés à la peine capitale, convaincus de vol qualifié, de meurtres et de l’attaque à l’explosif d’un bâtiment du Trésor public, à une foule compacte rassemblée pour l’occasion dans le stade de l’Université du Hunan.

Là aussi des experts juristes et magistrats chinois qui stigmatisent la confusion entre le droit, la politique et la morale, en même temps que le caractère expéditif des procédures collectives risquant d’aboutir à de graves erreurs judiciaires, avaient dénoncé la pratique, la qualifiant de rétrograde, jugeant en substance qu’elle s’inspirait des mouvements de masse maoïstes et d’une conception de la justice sans subtilité, inspirée par la vengeance : « l’exécution des sentences devrait respecter le droit, plutôt que de rechercher le sensationnel ». Il reste que l’opinion publique n’est en général pas choquée.

Ce qui ne signifie pas pour autant que la société chinoise n’est pas agitée de controverses, notamment contre le maintien des condamnations à mort pour les délits économiques et financiers. Ainsi, on se souvient que le 22 avril 2012, la Cour suprême chinoise avait, sous la pression de l’opinion, annulé la sentence de mort de Wu Ying reconnue coupable d’escroquerie financière et condamnée à la peine capitale en 2009 par une cour intermédiaire du Zhejiang, jugement pourtant confirmé par la Haute Cour populaire de la province. Celle-ci avait en effet estimé que les délits de Wu Ying « menaçaient l’ordre financier du pays et sa stabilité sociale, justifiant la peine de mort. » (Lire « La grande sœur riche », le Parti, les banques et la peine de mort).


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Par Caligula Le 10/03/2013 à 23h28

La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes.

Bonsoir,

« Une autre réforme adoptée en 2006, stipule que les aveux et témoignages obtenus sous la torture ne peuvent plus être constitués en preuves. »

C’est un bon début...En cela, ils sont en avance sur Guantanamo.

« ...d’une série de modification des procédures d’exécution pour une plus grande humanité (...), et une meilleure transparence (annonce officielle de l’exécution qui ne doit cependant pas être publique) »

N’oublions pas qu’en France, la fin des exécutions publiques (effectuées avec une guillotine, question choquant on peut difficilement faire pire) n’est intervenue qu’au début du XX° siècle...soit un peu plus de cent ans aprés la déclaration des droits de l’homme.

Toute réforme en matière de justice est un pas en avant.

Salutations.

Par La Rédaction Le 12/03/2013 à 08h39

La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes.

Notre lecteur a mille fois raisons de mettre les choses en perspective, à la fois dans le temps et dans l’espace. Mais, il nous fera l’amitié de constater que Question Chine ne porte aucun jugement de valeur. Nos analyses, qui s’efforcent de n’avoir jamais de connotation morale, et de ne jamais approuver ou désapprouver, ne visent qu’à tenter de comprendre, sinon anticiper – ce qui est plus complexe - l’évolution de la Chine.

Pour ce faire, nous portons notre attention sur certains événements plus que sur d’autres, en ayant bien conscience que ce choix est subjectif et peut s’avérer erroné. Enfin, nous voulons croire que nos lecteurs sont bien convaincus que, si notre site traitait des États-Unis ou de la France, il tenterait aussi de comprendre ce que signifient socialement, politiquement et culturellement qu’au XXIe siècle et dans un pays où la notion d’indépendance de la justice, la morale et la politique sont aussi étroitement imbriquées, subsiste un centre de détention – hors territoire et hors système judiciaire - comme Guantanamo, ou encore que la France, pays des droits de l’homme, ait maintenu jusqu’en 1939, le caractère public des exécutions capitales, de surcroît pratiquées par le truchement de ce « théâtre sanglant » qu’était la mise à mort par décapitation.

Pour mémoire, la préoccupation politique et morale des droits humains est aussi vieille que la civilisation. Elle n’en a pas moins été bafouée tout au long de l’histoire des hommes et elle l’est encore tous les jours, y compris chez ceux qui s’en réclament comme d’un emblème. Les regains de vigueur qu’elle a connus ont presque toujours succédé à de grands massacres.Mais on ne peut pas nier qu’elle progresse partout, même si cette progression est inégale.

Les experts de la question considèrent que le premier document qui exprimait cet idéal daterait de 539 avant Jésus-Christ, rédigé par le Perse Cyrus, après la conquête de Babylone.

http://bit.ly/12KIc00

Une autre pierre significative de ce combat de justes pour éliminer les traitements inhumains et l’arbitraire date de 1689. Elle est anglaise et a été posée sur cette longue route après les guerres civiles qui ravagèrent le pays.

http://bit.ly/13QC0mw

La déclaration française ne vient qu’un siècle plus tard, mais a été suivie des vastes tueries que nous savons. Quant à la Charte Internationale des droits de l’homme, à laquelle tous se réfèrent aujourd’hui au nom des Nations Unies, adoptée en 1948 après les grands massacres de la 2e guerre mondiale, elle a été rédigée par un comité international, où figurait le Chinois Peng-chun Chang dont la contribution pour conférer un caractère universel à la déclaration a été capitale.

http://bit.ly/Zwbl7I

Enfin voici une étude intéressante qui traite de l’évolution de la peine de mort au cours de l’histoire et dans le monde. (document pdf).

http://bit.ly/13QC0Tx

A partir de la page 58, elle évoque l’abolition internationale de la peine de mort, avec une réflexion sur la peine capitale en temps de guerre. Elle conclut par la citation de Victor Hugo qui considérait que la « la peine de mort était le signe spécial et éternel de la barbarie », dans : Ecrits sur la peine de mort, Victor Hugo, Acte Sud, 1979.

Par Caligula Le 12/03/2013 à 18h40

La peine de mort entre « télé-réalité » et réformes.

Bonsoir,

Petit rectificatif...ma comparaison entre la Chine et Guantanamo était un trait d’humour. Rien de plus.

Je ne fais pas partie des personnes qui voudraient uniformiser (universaliser ?) la politique, le sociale, la culture... Tous les peuples, les pays sont differents. De la Chine et ses siècles d’existences, en passant par le proche-orient (la perse...), jusqu’aux USA et ses cinq siècles d’histoire moderne, on ne peut pas tout confondre, tout formater.

Votre site est neutre, et je vous en remercie. Dorénavant j’eviterai de faire des calembours idéologiques.

Je vous remercie de m’avoir, néanmoins répondu, et vous encourage à poursuivre votre oeuvre.

Salutations.

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