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›› Politique intérieure

La réaction protéiforme de la Chine aux révoltes du Monde Arabe

Commentaires.


Intérêts chinois, distance et pragmatisme.

Le regard que le Parti porte sur les événements en Tunisie et en Egypte, ainsi que sur les risques de contagion au Monde Arabe, est conditionné par la conscience qu’il a de ses intérêts. Il s’agit d’abord de ménager quoi qu’il arrive les liens avec une région charnière du monde, essentielle pour ses approvisionnements en énergie, et, s’agissant de l’Islam, avec une religion directement liée à la stabilité du Xinjiang.

Son critère d’appréciation affiché reste invariablement la stabilité sociale et politique, base essentielle du développement. A cette condition, Pékin développe des relations avec tous les pays, quels que soient leur régime, en affichant le principe cardinal de « non ingérence ». Face aux événements du Maghreb et du Moyen Orient, la position officielle de Pékin, qui penchait clairement pour le maintien des régimes en place, a progressivement évolué vers une prudente neutralité, permettant de s’ajuster à toutes les éventualités.

L’autre souci du Régime est lié au risque de contagion en Chine des émeutes, favorisée par l’efficacité des nouveaux moyens de communication. Les images diffusées en boucle de la place Tahrir encombrée de manifestants et entourée de chars, n’ont pas manqué de frapper les esprits à Zhongnanhaï, où la nomenklatura du Régime a en mémoire les événements de la Place Tian An Men, il y a 22 ans.

Or s’il est vrai que les temps et les situations sont différents, on ne peut nier que certains des facteurs de la révolte de 1989 (corruption, népotisme, injustices sociales, hausse des prix) sont toujours présents en Chine. Ils recoupent en partie les racines des désordres en Egypte et en Tunisie.

Pinxin Mei, politologue vivant aux Etats-Unis, auteur de « The trapped transition. The limits of developmental autocracy » (voir notre article), explique à cet égard que, s’il est vrai que l’économie chinoise est en bien meilleure état, il existe néanmoins quelques similitudes entre la Chine, l’Egypte et la Tunisie. Pour lui, les trois pouvoirs tous autocratiques ont des bases sociopolitiques étroites et fragiles, tandis que leur obsession de stabilité et leur crainte de perdre le contrôle du pays retardent l’ouverture politique.

Enfin, la plupart des intervenants sont d’accord sur l’importance des nouvelles technologies de l’information dans le déclenchement des révoltes. Compte tenu de l’ubiquité, de la rapidité et de l’efficacité de ces vecteurs, il faut s’attendre, partout dans le monde, à des conséquences sur l’attitude des régimes autoritaires à l’égard des mouvements de protestations populaires.

En Chine la vigilance politique du Régime, qui s’accompagne d’un durcissement déjà amorcé depuis plusieurs années, ira de pair avec l’augmentation des investissements dans les systèmes de santé et de protection sociale, déjà identifiés comme une des priorités du 12e plan, et avec les efforts pour améliorer ses relations avec la société, initiés lors du 16e Congrès (2002).

L’avenir dira si cette stratégie, qui fait l’impasse sur les aspirations politiques d’une partie des intellectuels et d’une frange de la population difficile à cerner, suffira à garantir la légitimité du Parti, ou si la longue vision de l’avenir de Deng Xiaoping, qui n’envisageait une réforme politique qu’au bout de cent ans, sera rattrapée par l’accélération des bouleversements dans lesquels la Chine est entrée.

Pour l’heure, la prudence chinoise est de nature à lui garantir la pérennité de ses liens avec la région, quelle que soit l’évolution des situations. Si elles glissaient vers plus de désordres, comme c’est probable, la position du Parti, qui met en garde contre le chaos, sera confortée, y compris à l’intérieur.

Quant à nouer des relations avec les nouveaux dirigeants, dans l’hypothèse improbable de l’émergence de régimes démocratiques apaisés, le Parti Communiste Chinois ne serait pas en plus mauvaise position que les pays occidentaux, dont la position a d’abord semblé flotter.

Quelles que soient les évolutions du monde, à l’intérieur, le Régime fait le pari qu’il dispose d’une marge de manœuvre suffisante, notamment grâce à l’appui d’une partie de la classe moyenne et des nouveaux riches - qu’il s’applique systématiquement à coopter -, pour procéder, à son rythme, et dans les limites qu’il aura lui-même définies, aux ouvertures politiques nécessaires à son maintien au pouvoir.


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