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La sécurité régionale et globale au cœur des réunions de l’APEC et de l’ASEAN

Les grands sommets routiniers de l’Asie confrontés au retour du tragique.

A la dernière réunion de l’APEC à Manille, l’élan de connivence entre Washington et Pékin qui avait présidé à l’accord sur le climat de novembre 2014 avait disparu.

En Asie où, depuis quelques années, montent les tensions des rivalités stratégiques entre Washington et Pékin, les sommets de l’APEC et de l’ASEAN restaient malgré tout dominées par un esprit de bons offices sur fond de préoccupations économiques et commerciales. Cette fois, pourtant, ils n’ont pas réussi à évacuer les tensions en mer de Chine du Sud ni l’angoisse de la propagation du cancer terroriste dans une région du monde qui compte plus de 60% des Musulmans de la planète.

Alors que Washington continue à sommer Pékin de cesser ses travaux d’élargissement et de militarisation des îlots tandis que le Politburo chinois affirme sans faiblir vouloir les continuer en arguant de raisons humanitaires, les contrecoups des attentats de Paris et de Bamako ont enveloppé les sommets de Manille et de Kuala Lumpur d’une angoisse, palpable jusque dans les disours officiels de Xi Jinping, Barack Obama, Benigno Aquino et Najib Razac, le premier ministre malaisien.

Enfin, le régime chinois, déjà aux prises avec un l’arrière plan terroriste fomenté par les musulmans Ouïghour au Xinjiang, sur fond de controverses autour de la dureté implacable des répressions, vient d’être rattrapé par les effets de la vague meurtrière qui, au nom de l’Islam, frappe aveuglément de nombreux pays de la planète. La semaine dernière, quatre citoyens chinois ont en effet été assassinés. Le premier, Fan Jinghui, journaliste freelance pris en otage il y a 2 mois, a été exécuté par l’Etat Islamique après les attentats contre Paris. Les 3 autres, tous des hauts dirigeants du China Railway Construction Group [3] ont trouvé la mort au cours de l’attaque contre l’hôtel Radisson Blu à Bamako, le 20 novembre.

La sécurité en Asie otage des rivalités sino-américaines.

En 2015, lors du dialogue de sécurité asiatique de Shangrila, le premier ministre de Singapour Lee Hsien Long avait rappelé que, depuis la bascule du rapport de forces après la guerre froide, les deux acteurs principaux dans la zone pacifique étaient désormais Pékin et Washington, ajoutant que la stabilité de la région de l’Ouest Pacifique dépendrait de l’état de la rivalité entre les deux et de leurs aptitudes à gérer pacifiquement leurs différends. La fin de 2015 a plus que jamais confirmé cette appréciation de la situation.

Aux Philippines et en Malaisie, les réunions au sommet de l’APEC (18 – 19 novembre), de l’ASEAN (20 novembre) et des pays de l’Asie de l’Est (21 – 22 novembre), l’ambiance générale fut sans cesse dominée par la compétition sino-américaine, à la fois autour de la question de la mer de Chine du sud et de la rivalité de leurs grands projets commerciaux de libre échange.

Pour Washington le Trans Pacific Partnership et pour Pékin, les traités Chine – ASEAN en vigueur depuis 2006 et 2015 et la vaste initiative d’inclusion économique et commerciale baptisée Yi Dai Yi Lu (一 经济带 一丝绸 路)que les Anglo-saxons ont baptisée One Belt One Road (OBOR), articulée autour de généreux plans d’aménagement des territoires et de multiples connexions de transport vers l’Asie du Sud-est, l’Asie Centrale, l’Eurasie et l’Europe [4].

Mais alors que l’ASEAN continue à négocier de difficiles accords douaniers avec l’objectif de se rapprocher du modèle commercial européen, la montée des rivalités sino-américaines et des nouvelles préoccupations de sécurité anti-terroristes troublent l’image de coopération économique et commerciale pacifiée que l’Asie du sud-est tentait de se donner depuis la fin de la guerre froide.

Pour mesurer l’aggravation de la situation, il suffit de comparer le sommet de l’APEC à Pékin en novembre 2014 où la Chine et les Etats-Unis avait conclu un étonnant accord sur le climat, créant l’espoir d’un apaisement des rivalités sino-américaines à celui de Manille, commencé un an plus tard sous très haute surveillance, 4 jours après les attentats de Paris dans un pays lui-même soumis aux menaces terroristes de l’Islam radical actif à Mindanao. A Manille et à Kuala Lumpur, l’ambiance plombée par les transes sécuritaires et les tensions en mer de Chine du sud n’était plus à la conciliation ni aux réunions en aparté entre Obama et Xi Jinping.

Signe que la détente a déserté la relation entre les présidents chinois et américain, c’est avec Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, que Barack Obama a, le 18 novembre, exprimé sa bonne humeur dans un dialogue télévisé à trois avec l’ingénieur philippin Aisa Mijeno. Les nostalgiques de l’apaisement par l’exemple venant d’en haut se consoleront en se souvenant que Jack Ma qui a installé le PC de son groupe à Hangzhou, ancien fief de Xi Jinping, est un proche du président chinois.

Manille au cœur de la rivalité entre Washington et Pékin.

Logiquement, c’est à Manille, en conflit juridique sévère avec Pékin au tribunal international pour le droit de la mer et siège cette année du sommet de l’APEC que les tensions en mer de Chine du sud se sont exprimées le plus clairement, ponctuées par une visite du Président américain sur un garde côte philippin. Le Président Obama a une fois de plus fait la promotion du Trans Pacific Partnership (TPP) dont la Chine est exclue mais qui accueille le Vietnam, ce qui suffit à démontrer l’arrière plan politique de la manœuvre, concurrente des vastes projets chinois, que Xi Jinping a rappelés en promettant 10 Mds de $ de prêts et et d’investissements aux pays de la région.

Pour la Maison Blanche, le traité de libre échange du TPP que nombre de critiques, y compris aux États-Unis voient comme un puissant levier d’influence des intérêts des grands groupes américains, appuyés sur des juridictions internationales capables de subjuguer les lois nationales par le droit des affaires et la logique du profit, serait « le plus moderne et juridiquement le plus sophistiqué », garantissant la protection sociale de la main d’œuvre, l’interdiction du travail des enfants, la protection de l’environnement et des océans et la lutte contre le braconnage.

Mais, revenant de manière lancinante et prenant irrémédiablement le pas sur les concurrences économiques, c’est encore la rivalité stratégique en Mer de Chine qui, cette année, dessina le fond de tableau de l’APEC et du sommet de l’ASEAN à Kuala Lumpur.

A Manille, s’exprimant après une rencontre avec le président Benigno Aquino, Obama pressa Pékin de stopper les travaux d’élargissement autour des îlots et récifs et de reconnaître le droit de la mer comme critère des arbitrages. Le moins qu’on puisse dire est que les transes sécuritaires jetèrent une ombre sur la force de la solidarité économique et commerciale de la région [5] menacée par la rivalité sino-américaine en passe de créer une fracture séparant les alliés de Washington des inconditionnels de la Chine.

A Kuala Lumpur où, en marge du sommet de l’ASEAN, le président américain a tenu une réunion de travail avec Lee Hsien Long, premier ministre de Singapour, Obama a repris les critiques contre l’élargissement des îlots. Sans surprise, elles reçurent le soutien de ses alliés australiens, philippins et japonais, Shinzo Abe mettant lui aussi en garde contre la « militarisation de la mer de Chine du sud ». Mais, faible lueur d’espoir, le fait que le n°1 japonais se soit abstenu de nommer la Chine est sans doute un signal d’apaisement à la suite de la reprise, le 1er novembre dernier, du dialogue à trois entre Séoul, Tokyo et Pékin.

Note(s) :

[3Il s’agit de Zhou Tianxian Directeur des Affaires internationales de China Railway Corporation (中国 铁路 公司), de Wang Xuanshang, son adjoint et de Chang Xuehui, Directeur de la division Afrique de l’Ouest du groupe.

[4Construction de centrales thermiques, de barrages, de routes, de voies ferrées et de ponts financée par la Banque Asiatique d’Investissement d’infrastructures. Lire L’élan global de la monnaie chinoise, craintes américaines et perspectives

[5Il existe une flagrante dichotomie entre les élans d’intégration régionaux dont les volets économique, de sécurité, sociaux et culturels ont été réaffirmés par la déclaration finale de l’ASEAN à Kuala Lumpur le 23 novembre et la réalité stratégique qui place la région sous les effets paralysants de la rivalité sino-américaine. Ces derniers apparaissent clairement dans les incessants efforts d’influence de Washington et Pékin. D’abord convoqués en réunion à Pékin à la mi-octobre les 10 le sont aussi à Washington où Obama les a invités pour 2016. La rencontre aux États-Unis fera suite au 3e sommet entre les pays de l’ASEAN et Washington qui s’est tenu en marge des réunions de l’ASEAN.


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