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La Zone d’Identification Aérienne chinoise. Symbole de souveraineté et de rivalité avec Tokyo et Washington

Nouvel acteur, nouvelle zone. Maladresses, tensions et risques.

De cette cascade d’informations mêlées de commentaires alarmistes qui spéculent sur un probable risque de dérapage militaire, il faut tenter de dégager une appréciation objective de la situation. Certains commentateurs ont comparé les tensions à celles qui avaient surgi en 1995 et 1996, quand Pékin avait lancé des missiles inertes au large de Taïwan en riposte à une visite du président Lee Teng Hui aux États-Unis et pour dissuader les électeurs de l’Île de voter pour lui aux présidentielles. A l’époque, le Pentagone avait déployé dans la zone deux groupes de porte-avions et, le 19 décembre 1995, le porte-avions USS Nimitz, accompagné de 4 navires d’escorte, traversait le détroit de Taïwan.

S’il est vrai que le passage des 2 B-52 dans la Zone d’Identification chinoise, le 25 novembre renvoie à la survivance des réflexes américains de démonstration de force, la comparaison s’arrête là. Cette fois en effet, c’est le porte-avions chinois Liaoning en route pour la mer de Chine du sud qui, le 28 novembre, entrait dans le détroit de Taïwan escorté par deux destroyers lance-missiles et deux frégates. C’était une première. Non pas que la marine chinoise, avec son unique porte-avions ait atteint le niveau opérationnel et la puissance des 12 groupes aéronavals américains, mais le fait est là : l’équilibre des forces est aujourd’hui tel que la marine des États-Unis ne peut plus ignorer la menace missiles de l’APL et son aéronavale. Et un passage par le Détroit d’un de ses porte-avions aurait aujourd’hui été improbable.

Ce qui se joue autour de la nouvelle zone chinoise tient donc plus du bluff et de la posture que d’une veillée d’armes. Cela ne signifie cependant pas que la controverse ne présente aucun risque de dérapage ni qu’elle n’aura aucune conséquence négative pour l’image de la Chine, ou qu’elle ne lui créera pas des difficultés. De même, il n’est pas certain que la querelle ne mettra pas en porte à faux les autres acteurs qui brandissent des menaces de représailles militaires dont la mise en œuvre pourrait s’avérer problématique.

Surtout, la Zone d’identification chinoise n’est pas une agression, même s’il est vrai que l’initiative tente de peser sur l’interminable chicane territoriale des Senkaku avec le Japon dans laquelle aucune des deux parties ne parvient à justifier ses droits de manière crédible. Elle n’est pas non plus une manœuvre illégale et encore moins une zone d’exclusion. Tout bien pesé, elle ne fait que s’ajouter aux trois autres zones existantes dans la région : celle du Japon dont la dimension considérable couvre une surface 10 fois plus grande et celles, plus petites, de Corée et de Taïwan.

Les zones d’identification aériennes ne sont pas règlementées par la Convention de Chicago (CCH) signée en 1944 et entrée en vigueur en 1946. Leur établissement est donc libre et, à ce jour, une vingtaine de pays, dont les États-Unis, le Canada, la Russie, le Japon, la Corée du sud, Taïwan, le Vietnam, la France, la Grande Bretagne en possèdent, aux limites de leur espace aérien. Compte tenu des vitesses d’approche des avions, ces zones sont conçues comme un « espace tampon » donnant à la défense aérienne d’un pays le temps de réagir face à un appareil hostile se dirigeant vers son espace aérien national.

Bien que soumises à des contraintes d’identification, ces zones dont il arrive parfois qu’elles se chevauchent comme c’est le cas de celles de la Chine et du Japon, sont considérées comme un espace aérien international. Abattre un aéronef à l’intérieur d’une de ces zones, même s’il ne répond pas aux demandes d’identification, constituerait une infraction flagrante au droit international. Enfin, selon les habitudes internationales en vigueur, seuls doivent s’identifier les appareils qui se dirigent vers l’espace aérien national du pays à qui appartient la ZIA. Ceux qui ne font que transiter ne sont tenus à rien.

En établissant sa zone, la Chine a ignoré cette jurisprudence. Non seulement elle exige que tous les aéronefs fassent connaître leur identité et leur plan de vol, mais, de surcroît, elle a d’abord menacé les contrevenants de représailles militaires. En quoi elle s’est mise en porte à faux.

Il n’est pas impossible qu’une fois les premières effervescences passées, Pékin accepte d’assouplir cette contrainte que tous les voisins jugent inacceptable. Déjà, le 28 novembre, le ministère de la défense a jugé bon de clarifier sa position, précisant que la zone chinoise qui venait 40 ans après celle du Japon, n’était nullement une extension de l’espace aérien du pays. Il a aussi expliqué, dans un évident geste d’apaisement, que les avions militaires chinois se contenteraient « d’accompagner les contrevenants ».

Le danger des malentendus et des interprétations divergentes.

Il reste qu’en attendant, les irrationnels des nationalismes attisés par le spectacle des postures guerrières pourraient provoquer de graves incidents. On se souvient que le 1er avril 2001 un appareil de reconnaissance américain de type EP-3 en mission au-dessus de la zone économique exclusive chinoise (ZEE) à 70 nautiques au sud de l’île de Hainan avait été percuté et forcé de se poser par un chasseur J-8 chinois dont le pilote a disparu en mer. La cause de l’accident était déjà une interprétation différente des dispositions des traités internationaux. Dans ce cas particulier, il s’agissait de la convention du droit de la mer (Montego Bay 1982), signée par la Chine, mais jamais ratifiée par les États-Unis.

Son article 58 garantit la liberté de navigation et de survol des ZEE, mais il stipule aussi que les usagers doivent se conformer aux lois et règlements du pays côtier. Pékin considérait donc que, dans cette zone, la disposition lui conférait le droit d’interdire les activités militaires étrangères. Alors qu’au contraire, Washington estimait que le traité (que le Congrès n’a pas ratifié) garantissait la liberté de navigation et de survol à tous les bâtiments navals et à tous les aéronefs, qu’ils soient militaires ou civils.

La Zone d’Identification établie par Pékin ne se situe qu’en partie au-dessus de la Zone Économique Exclusive, mais si on ajoute le hiatus dans les interprétations des traités au fait que les zones chinoise et japonaise se chevauchent largement, on se trouve en présence d’un ensemble de facteurs néfastes capables de provoquer quelques catastrophes dans le ciel de la mer de Chine, d’autant qu’après avoir fait transiter leurs deux B-52, le Pentagone et le Département d’État on rappelé à Pékin le traité de défense qui les lie à Tokyo.

Depuis quelques jours on assiste à une recrudescence des patrouilles aériennes dans les parages des Senkaku. Le 29 novembre, Shen Jinke, porte parole de l’armée de l’air chinoise annonçait qu’un appareil de surveillance de type KJ-2000 (l’AWACS chinois) et plusieurs chasseurs de combat dont des Sukhoi 30 et des J-11 avaient été dépêchés sur zone, où ils avaient identifié 2 appareils de reconnaissance américains et 10 chasseurs japonais. Il est évident que cette escalade aérienne augmente notablement les risques d’accident.

Photo : EP-3 américain endommagé sur la base chinoise de Hainan après l’accrochage du 1er avril 2001.


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