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›› Politique intérieure

Le 3e Plenum sera t-il un « acte manqué » ?

L’élan des réformes empêtré dans les obstacles

Cette fois encore, dans la droite ligne du Congrès et de l’ANP, le thème des réformes était omniprésent dans la déclaration finale du n°1 du Parti, confirmée par le projet officiel rendu public le 15 novembre. Il voisine toutefois avec une très notable dose de conservatisme. Insistant plus sur le versant socio-économique des réformes et l’importance du marché que sur leur aspect politique, le message officiel précise que « le problème clé est de clarifier les relations entre le pouvoir et le marché ».

A cet effet a été créé, et c’est une nouveauté de taille, un « groupe dirigeant » pour « concevoir et superviser des réformes économiques globales et approfondies ». Ce qui, en filigrane, révèle aussi que le Comité Central n’est pas parvenu à un accord sur nombre de questions toujours en suspens. En arrière plan surnage la contradiction entre un plus grand rôle du marché et l’intention évidente du Parti à continuer à encadrer l’économie et le système financier.

Tout en promettant un soutien au secteur privé, le PCC semble aussi hésiter à approfondir la réforme des entreprises d’État gaspilleuses, peu productives, assez peu innovantes et principaux refuges des prébendes, puisqu’il les qualifie de « pilier essentiel du socialisme aux caractéristiques chinoises ». Comme le souligne Cheng Li, expert chinois à la Brookings Institution, « la persistance de l’influence des grands groupes continuera à creuser les inégalités sociales, à freiner la productivité, et à gonfler la bulle immobilière que le plenum se propose précisément de corriger ».

L’intention affichée d’amender le fonctionnement de l’Etat, répondant au souci maintes exprimé par le Président d’améliorer la « gouvernance », est elle aussi assortie d’un réflexe conservateur puisque le régime ne renonce pas à ses prérogatives d’un contrôle le plus exhaustif possible. C’est ce que traduit la création d’une « Commission de la sécurité d’État », sur le modèle américain dont le communiqué ne donne cependant pas le détail des prérogatives, de sa composition et de son fonctionnement, dans un contexte marqué par la montée des tensions sociales et ethniques sur fond de menace terroriste réelle ou supposée.

D’autres réformes comme celle du droit foncier dans les zones rurales, condition de la modernisation des campagnes, celle du mode de financement des gouvernements locaux, de la politique de l’enfant unique ou du passeport intérieur ne sont que des redites de promesses antérieures qui, jusqu’à présent, se sont heurtées à de multiples obstacles. La suppression du Hukou, par exemple, évoquée depuis des années rencontre en général l’hostilité des classes moyennes urbaines peu disposées à accueillir l’armée des migrants et à accepter la hausse des taxes qui en résulterait.

La réforme de la justice, également promise par le Secrétaire Général qui insista sur l’exigence d’impartialité et d’égalité, sera cependant conduite sous le contrôle du Parti, comme le réclament tout ceux qui fustigent les « dérives occidentales », peu adaptées selon eux à la mise en œuvre du « socialisme aux caractéristiques chinoises ». C’est exactement dans ce cadre que s’inscrivent les annonces du 15 novembre de desserrer le carcan de la politique de l’enfant unique, de réduire progressivement le nombre de condamnations à la peine capitale et de supprimer le « Laojiao », qui concerne plus de 600 000 prévenus non jugés, mais dont l’élargissement dépendra cependant de la décision des tribunaux, à moins, comme le suggèrent certains commentaires, qu’une parie d’entre eux ne soit transférée ailleurs.

C’est probablement dans le secteur économique et financier qu’auront lieu les avancées les plus concrètes, dont les prémisses sont à l’œuvre dans la zone sous douane de Shanghai : libéralisation des taux d’intérêt, remise en ordre du secteur bancaire informel, évolution progressive vers la convertibilité du RMB, mise en compétition des banques chinoises avec les banques étrangères, simplification des procédures administratives pour les investissements étrangers qui auront également accès à de nouveaux secteurs.

Encore faudra t-il que l’expérience soit progressivement étendue à toute la Chine, ce qui prendra de longs délais et quelques rudes batailles contre les retranchements conservateurs. Ces derniers se sont déjà manifestés à Shanghaï même, au travers de la publication fin septembre de la liste de 18 activités sensibles interdits aux investissements étrangers, y compris ceux de Macao et Hongkong.

La force des résistances.

Au total, le communiqué très solennellement lu le 13 novembre par le Président Xi Jinping qui avait derrière lui les immenses symboles léninistes de la faucille et du marteau, offrait une image saisissante de la dichotomie de la politique intérieure chinoise où l’on voit que, tout en prônant la réforme et l’ouverture dans ses discours, le régime donne des signes qu’il n’a pas l’intention de relâcher sa mainmise sur la société civile et l’économie.

Les freins viennent de ceux qui donnent de la voix au nom de la spécificité chinoise, y compris depuis l’école du Parti. Admirateurs du style Bo Xi Lai à Chongqing, partisans de la nouvelle gauche, militaires, journalistes ou chercheurs, révoltés contres les dérapages de l’oligarchie, les écarts de revenus, tous rejettent le constitutionnalisme et les idées occidentales du droit comme des complots contre la Chine et sa culture. Ils créent une nébuleuse ambiguë opposée aux réformes politiques et fidèle au dogme du « rôle dirigeant du Parti », mais très critique des politiques socio-économiques suivies par le régime qu’ils accusent d’être responsables des fractures sociales, au point que certains des membres n’ont pas hésité à remettre en cause l’héritage de Deng Xiao Ping.

Il faudra cependant attendre pour risquer un bilan. Le cap des réformes est malgré tout clairement fixé. Dans le domaine financier une solide équipe est à l’œuvre. La lutte contre la corruption s’accélère dans un style plus direct qui n’hésite pas à cibler de très hautes personnalités autrefois intouchables. Même si la justice reste aux ordres, la pression du net et de l’opinion obligent les tribunaux à plus d’impartialité et de transparence. Enfin, les obstacles sont depuis longtemps identifiés par Liu He, le maître d’œuvre des réformes, qui, avec l’appui de Wang Qishan déploie contre eux une stratégie de harcèlement dont les premières attaques ont déjà ciblé CNPC et COSCO.

Dans les semaines à venir le régime distillera d’autres informations plus précises sur ses intentions par grands secteurs comme celles diffusées le 15 novembre autorisant les banques privées ou cette autre fixant à 30 % le retour dans les caisses publiques des bénéfices des groupes nationaux. Deux initiatives qui heurtent de plein fouet les avantages d’une partie de l’oligarchie. Mais le même document promet également la lutte contre la corruption, la pollution et les surcapacités industrielles, autant d’intentions maintes fois exprimées par le passé.

Aujourd’hui la plupart des observateurs estiment qu’au sein du Parti il existe un consensus sur la nécessité des réformes et leur mise en œuvre. En même temps, les sceptiques ne ménagent pas leurs critiques, notamment sur le net. Constatant les régressions politiques passées et présentes elles dénoncent en général et sur tous les tons « la vacuité des discours ».

Mais seul le temps permettra de juger à la fois la sincérité des intentions et la capacité du pouvoir à venir à bout des obstacles. Pour nombre de réformes envisagées dont l’essentiel a été rendu public le 15 novembre au milieu de commentaires tout à la fois élogieux - « le plus grand élan réformiste depuis Deng Xiaoping », – et prudents : « tout dépend du rythme et de la réalité des réformes », le pouvoir lui-même s’est fixé une première échéance à 2020.


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