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Le bilan de l’année du Singe et les défis du Coq

L’année du Coq commence et voici revenu le moment des décryptages et des prévisions. Après l’analyse de ce que furent 2016 et l’année du Singe : performances, obstacles et déceptions, vient l’anticipation de ce que pourrait être l’économie en 2017, avec, cette année, la variable politique majeure du 19e Congrès.

Plus qu’à l’habitude, la perspective de la grand-messe législative du régime incite le pouvoir à mettre en avant un discours économique rassurant. La narration anticipe aussi un rayonnement international accru, favorisé, cette fois, par la tendance américaine au retrait, marqueur du surgissement de Donald Trump dans le paysage politique international. En Asie Pacifique Pékin peut désormais déployer sans frein sa stratégie enveloppante des « nouvelles routes de la soie ».

Dans ce contexte, analyse Barry Naughton dans la dernière livraison de Chine Leadership Monitor (Hoover Institution) la direction politique développe un discours en trois points, soubassement efficace et crédible de l’entreprise de consolidation du pouvoir de Xi Jinping avant le Congrès : 1.- la croissance de l’économie reste stable ; 2.- Les réformes structurelles progressent ; 3.- Dopée d’une nouvelle vigueur par les réformes structurelles, la Chine joue de plus en plus un rôle international moteur.

Le pari du retour à la stabilité a été tenu.

Alors que montent les doutes exprimés par de nombreux analystes chinois et étrangers sur la capacité du régime à maintenir la croissance, le fait est qu’en 2016, l’objectif de stabilité a été atteint et les prévisions d’une hausse du PIB de 6,7% respectées. Mais la performance s’est appuyée sur deux leviers contraires à la politique de rigueur : l’augmentation rapide des investissements par les groupes publics et les incitations (avec notamment l’augmentation notable des prêts hypothécaires accordés aux ménages), favorisant la reprise immobilière, part importante, mais non durable, de la croissance.

Parallèlement l’exécutif peut s’enorgueillir d’avoir avancé les réformes structurelles en réduisant les surproductions - avec cependant quelques effets pervers (lire notre article La difficulté des stratégies anti-pollution. Progrès et embardées) - et en réussissant, après quelques à-coups, à stabiliser les prix du charbon et de l’acier et donc les marges industrielles.

Certes, ajoute Naughton, ces succès de court terme ont été obtenus en hypothéquant le long terme, par la croissance du crédit au profit des investissements publics, principaux générateurs de la dette. Plus encore, la perpétuation du crédit facile a affaibli les incitations à la rigueur adressées à celles des entreprises sommées de se réformer pour améliorer leurs performances et redresser leurs comptes.

Il reste que la machine économique du régime a fait preuve de beaucoup d’habileté pour entrer dans l’épure rassurante qu’elle s’était fixée. En un mot, quitte à balayer sous le tapis les problèmes structurels de plus long terme, le Parti a fait la preuve qu’il avait les moyens de restaurer, au moins en partie, la confiance gravement mise à mal par les secousses boursières de 2015 et 2016.

Cette tendance positive, spéculant sur une capacité de contrôle restaurée, générée par un puissant volontarisme politique a, en dépit du pessimisme de beaucoup d’analystes, toutes les chances de se maintenir jusqu’au 19e Congrès, à l’automne.

L’impression que les rênes de l’économie sont tenues fermement après les embardées, est renforcée par le fait que la conférence économique centrale de décembres 2016 s’est focalisée, non pas sur l’affichage de la croissance – dont il semble acquis qu’elle ralentira encore en 2017 [1] – (lire Conférence économique centrale. Alerte à l’évasion de capitaux. Un objectif : rétablir la confiance) - mais sur la nécessité de faire face aux grands défis à venir : le nouveau ralentissement de l’immobilier, la fragilité à long terme de la stratégie d’investissements publics, la fuite des capitaux et l’affaiblissement de la monnaie. Ces deux derniers symptômes étant d’autant plus considérés comme une priorité qu’ils expriment le caractère très aléatoire de la confiance.

Stopper la fuite des capitaux et la baisse du Yuan.

Dans un contexte où la fuite des capitaux s’est accélérée au 4e trimestre 2016, tirant la monnaie chinoise vers le bas, les priorités du régime sont clairement et contrairement aux accusations de D. Trump, de protéger le Yuan et, symbole cardinal de confiance depuis plusieurs décennies, le niveau des réserves de change. Pour le moment, pour tenir à distance les manœuvres spéculatives, la Banque de Chine s’évertue à garder le Yuan au-dessus de la limite de 7 Yuan pour un Dollar et les réserves de change à 3000 Mds de $, alors qu’elles étaient encore proches de 4000 Mds de $ en février 2014.

Alors qu’entre 2007 et 2014, la monnaie chinoise n’avait cessé de s’apprécier pour atteindre son point haut le 22 janvier 2014 avec 6,07 RMB pour un Dollar (en février 2007 le change était de 7,74 Yuan pour 1 $, soit une hausse de 21% en 7 ans), depuis, elle ne cesse de s’affaiblir, son dernier point bas ayant été 6,97 RMB/$ le 3 janvier 2017, soit une chute de 13% en 3 ans.

La baisse rapide a été enrayée par d’extraordinaires efforts de la Banque de Chine pour freiner les évasions de capitaux [2]. Résultat, le RMB s’est renforcé de 1% en janvier, tandis que les réserves de change sont tombées légèrement en-dessous de la barre des 3000 Mds de $, à 2998 Mds de $. La force des mesures témoigne en tous cas de la détermination du régime à se prémunir des secousses pouvant résulter d’une baisse brutale du Yuan.
Mais à côté de ce très réactif pilotage du court terme, le processus de réformes de long terme marque le pas.

Des réformes à très petits pas.

Plus de 3 ans après le lancement des réformes rendues publiques au plenum de novembre 2013 [3], la vérité oblige à dire que l’élan initial a faibli. Articulé autour d’une vision holistique des réformes pilotées par un comité ad-hoc (中国 全面深化改革领导小组) sous la direction de Xi Jinping lui-même, le processus qui se voulait à la fois global et complémentaire a pris beaucoup de retard. (lire aussi Réformes : impulsions et résistances)

Les réformes budgétaires d’attribution de ressources, celles du marché foncier rural, celles liées à libéralisation du Hukou, essentielles pour la mobilité de la main d’œuvre et l’intégration des migrants, les réformes de la bourse, la libéralisation du compte de capital qui recense les opérations de vente ou d’achat d’actifs non financiers et les mouvements de capitaux, sont à l’arrêt.

Mais le 6 février dernier à la réunion du groupe dirigeant des réformes cité plus haut, Xi Jinping a tenu un discours optimiste appelant à l’approfondissement alors que le processus réformateur avait à peine commencé ou, pire encore, était, par endroits, complètement bloqué. Ce contraste entre la réalité et le discours est particulièrement perceptible quand on observe la situation réelle des grandes entreprises publiques.
Lire aussi : L’infinie complexité des réformes dans les campagnes chinoises

Note(s) :

[1En janvier 5 provinces (Shanxi, Henan, Hubei, Hunan et Heilongjiang) avaient déjà justifié la baisse de leur objectif de croissance pour 2017 par la nécessité de mettre en œuvre des réformes et des plans de lutte antipollution.

[2Les banques chinoises sont désormais tenues de rendre compte à l’administration de tout mouvement de capitaux dépassant 50 000 yuans (6800 €), alors que jusqu’à présent la barre avait été fixée à 200 000 yuans (28 000 €). S’agissant des mouvements de capitaux en devises étrangères, la limite autorisée sans contrôle est de 10 000 $.

[3Le plénum du mois de novembre 2013 avait défini 60 points à réformer dans six secteurs différents : l’économie, le système politique, l’environnement, la culture, les affaires sociales et l’amélioration des capacités de gouvernance du Parti.


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