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Le dialogue stratégique Chine – Etats-Unis dans la bourrasque de la politique intérieure chinoise

La cession annuelle du dialogue stratégique entre Pékin et Washington, organisée à Pékin début mai, a été sévèrement perturbée par la cavale de l’activiste aveugle Chen Guangcheng, réfugié à l’ambassade des Etats-Unis du 22 avril au 2 mai.

L’épisode rocambolesque, marqué par une exfiltration de nuit à la barbe des gardiens qui surveillaient sa résidence, pose une longue série de questions liées à l’aide occulte prodiguée par Washington pour son évasion ; à la prudence américaine, ayant contraint Chen à quitter l’ambassade, parfois accusée de cynisme ; au retour en force des tensions liées aux droits de l’homme dans la relation bilatérale ; aux conséquences pour le Parti d’un nouvel incident étalant au grand jour les abus des cadres locaux, forcément connus des plus hauts dirigeants.

Les 3 et 4 mai, la Chine et les Etats-Unis, dont la délégation était conduite par Hillary Clinton et Timothy Geithner, ont tenu leur dialogue annuel sur les questions économiques et stratégiques, destiné à apaiser les tensions commerciales et réduire les divergences de vues ou les risques de dérapage sur la question iranienne, les provocations nord-coréennes et le conflit soudanais, où la Chine écartelée entre le Nord et le Sud est impliquée par la présence massive de la China National Petroleum Company depuis 1996.

A quoi s’ajoutent les tensions en mer de Chine, dont le Bureau Politique et la Commission Militaire Centrale souhaitent tenir la marine américaine à l’écart, au milieu d’une succession de manœuvres militaires conjointes en 2011 et 2012, auxquelles participèrent l’US Navy et le Vietnam, puis les Philippines. A ces démonstrations de force répondit, en contrepoint, un vaste exercice naval avec tirs réels impliquant les marines chinoise et russe, organisé du 22 au 27 avril 2012 en Mer Jaune, face aux déploiements américains en Corée du Sud.

Tandis qu’au même moment, sur le théâtre des Spratly situé à 1200 nautiques au sud, trois garde-côtes chinois ont, pendant trois semaines, affirmé les revendications de souveraineté de Pékin face aux pêcheurs et garde côtes philippins dans les parages des récifs de Scarborough à 130 nautiques à l’ouest de l’ile de Luzon et à plus de 1000 km des côtes chinoises.

Volonté d’apaisement.

La cession qui survenait après une longue période crispée, ponctuée par l’approche, en Chine et aux Etats-Unis, de lourdes échéances politiques propices aux surenchères et aux compétions entre groupes de pression, était vue par chacune des deux parties comme une occasion de désamorcer les tensions qui montent depuis plus de deux années, soulignées par de fortes exaspérations de part et d’autre, dont le point d’orgue furent les déclarations tonitruantes de la Maison Blanche, à la fin 2011, d’un renforcement de l’action des Etats-Unis dans le Pacifique occidental.

La volonté d’apaisement chinoise s’était déjà discrètement affirmée avec Hanoi avec la visite du Vice-Président Xi Jinping en décembre 2011, concluant un accord signé deux mois avant sur les limites maritimes et l’exploitation conjointe dans la zone des Paracels. (Lire notre article Le réajustement chinois en Asie. Xi Jinping à la manœuvre).

Elle était confirmée par la déclaration liminaire du Président Hu Jintao, soulignant la nécessité de dialogue et de coopération pour « rassurer les peuples des deux pays et le monde et contredire l’idée reçue que les grandes puissances seraient fatalement destinées à entrer en conflit ».

Quand ils se sont rencontrés, le 8 mai, aux Etats-Unis, les deux ministres de la défense Leon Panetta et Liang Guanglie, qui était accompagné d’une vingtaine de généraux, étaient sur la même ligne, en dépit des méfiances partagées et des accusations du Pentagone contre les cybers attaques chinoises : « il est essentiel que nos deux pays communiquent effectivement sur de nombreux sujets ». Dans la foulée, les deux marines décidaient d’organiser un exercice conjoint anti-piraterie dans le Golfe d’Aden, tandis que Léon Panetta était invité en Chine pour le 2e semestre 2012.

Retour brutal de la politique intérieure chinoise.

Mais les belles intentions réciproques furent assombries par les tumultes de la politique intérieure chinoise, qui, depuis l’affaire Bo Xilai, a renoué avec les incidences anciennes qui invitaient les ambassades étrangères et singulièrement, celle des Etats-Unis, dans les querelles de la politique intérieure chinoise.

Cette fois, 6 semaines après l’épisode Wang Lijun au consulat américain de Chengdu, il s’agissait de l’étrange équipée nocturne qui, le 22 avril dernier, conduisit l’avocat autodidacte aveugle Chen Guangcheng de sa résidence surveillée de Linyi dans le Shandong (200 km au sud-ouest de Qingdao) à l’ambassade des Etats-Unis à Pékin, en passant par Baoding, plus de 500 km au Nord-ouest de Linyi, dernière étape avant la capitale.

Le tout avec l’aide probable des organisations chrétiennes américaines clandestines en Chine et - la rumeur est vraisemblable, mais pour l’instant hypothétique - le soutien technologique d’un équipement GPS miniature fourni par les Etats-Unis.

La secousse, dont les ramifications, les complicités et les circonstances exactes restent encore à élucider, ébranla l’ouverture du dialogue stratégique. Dans son discours initial, Dai Binguo rappela en effet sèchement, que la meilleure manière de protéger les relations d’Etat à Etat était de respecter la souveraineté de chacun, ajoutant que nul ne forcerait la Chine à abandonner la voie qu’elle a choisie.

Peu après, le porte parole des Affaires étrangères exprima vertement le mécontentement du Bureau Politique en exigeant que Washington s’excuse d’avoir accordé l’asile à Chen dans l’enceinte de son ambassade et d’avoir « trompé le public » en ne faisant pas état de son rôle dans l’affaire.

Les Etats-Unis, pris entre leur idéologie de soutien global aux activistes des droits de l’homme et leur volonté de ménager leur relation avec Pékin, étaient aussitôt accusés par les activistes de droits de l’homme d’avoir obligé Chen à quitter leur ambassade, dans un contexte où ce dernier craignait aussi des représailles contre sa famille.

Hilary Clinton, comprenant le potentiel destructeur de l’incident, choisit de ne pas mettre de l’huile sur le feu et n’évoqua pas l’incident, se contentant d’inciter la Chine à respecter les droits de l’homme en général. Résistant aux pressions des activistes, elle ne se rendit pas non plus au chevet de Chen, hospitalisé après son départ de l’ambassade, le 2 mai, pour des malaises gastriques et une blessure au pied survenue pendant sa fuite. Cependant, pour ménager son opinion publique, elle promettait d’évoquer l’affaire en privé avec ses homologues chinois.


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