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›› Editorial

Le G.20 à Hangzhou. L’épisode crispé d’une solidarité mondiale évanouie

Les subtilités diplomatiques et la force des tensions.

Après que le nouveau président philippin Rodrigo Duterte ait publiquement traité le président Obama de « fils de p… », une rencontre bilatérale entre les deux a été annulée par la Maison Blanche.

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Quittant Hangzhou pour le Laos, Obama a, en dépit de son a priori positif sur la situation globale proche de la méthode Coué, lui-même reconnu que la planète était entrée dans une zone de turbulences. « La force des divergences en coulisse », a t-il dit à la presse, « a cette fois été plus visible que par le passé. ». Autrement dit, les tensions ont percé la surface des habituelles édulcorations diplomatiques. Surtout, à quelques mois de son départ, le Président américain a concrètement perçu à quel point la prévalence morale, stratégique et militaire de son pays était remise en question.

Quel que soit l’angle de vue et nonobstant les efforts diplomatiques pour relativiser les incidents trahissant une contestation du magistère américain, se faire insulter dans un sommet international par le chef d’État d’un pays allié partie prenante des tensions avec Pékin en mer de Chine du sud, n’est pas un événement anodin. D’autant que l’incident a été précédé par une autre humiliation publique infligée à Obama lors de son arrivée à Hangzhou à bord du B.747 présidentiel Air-Force One.

Alors que tous les chefs d’État rejoignant la capitale du Zhejiang, ancienne capitale des Song du temps de Marco Polo au XIIIe siècle, quittèrent leur avion présidentiel en empruntant un escalier recouvert d’un tapis rouge d’apparat, pour des raisons qui restent encore à élucider, mais où s’entrechoquent assurément l’arrogance intrusive des services de sécurité américains et la susceptibilité nationaliste des Chinois, Obama fut contraint de débarquer par la porte de secours de son avion.

La péripétie n’a aucune importance stratégique directe et ne modifie en rien les rapports de force. Mais elle traduit la force de tensions à l’œuvre entre Pékin et Washington et les agacements nationalistes du régime chinois à qui les intrusions américaines dans sa politique intérieure, à Hong Kong et à Taïwan et dans ce que Pékin considère comme ses zones d’intérêt stratégique direct que sont les mers de Chine de l’Est et du Sud, sont devenues insupportables.

Balayant toutes les considérations sur le droit des individus et leur liberté de choix politique à Hong Kong et Taïwan, en même temps que celles du droit international en mer de Chine du sud assimilée à des eaux territoriales chinoises, le politburo considère sans esprit de recul, mais non sans raison, que les stratégies américaines dans la région sont délibérément destinées à freiner le retour de puissance de la Chine, partie du « rêve chinois » du Président Xi Jinping.

L’arrogance planétaire américaine en question.

Commentant l’incident son homologue américain a pointé du doigt une constante agaçante que tous les pays ayant eu à accueillir le président américain en voyage officiel connaissent parfaitement : « (à chaque voyage présidentiel) Nous déplaçons beaucoup d’avions et d’hélicoptères, une quantité de voitures officielles et de nombreux personnels. Il est possible que, parfois, le pays hôte considère que c’est un peu trop ».

Il ne croit pas si bien dire. Le problème est que cette débauche très intrusive de moyens, justifiée pour des questions de sécurité, entraînant une arrogance des agents américains affectés à la sécurité du président, faisant peu de cas de la nécessaire courtoisie face à leurs hôtes, est une réplique en miniature de la suffisance américaine dans les affaires du monde.

S’il fallait n’évoquer qu’un seul exemple international des impudences inacceptables de certains diplomates américains homothétiques du comportement des agents de sécurité présidentiels agissant en pays étranger comme s’ils étaient chez eux, on se souviendra du « Fuck the EU – “qu’il aillent se faire foutre“ » de Victoria Nuland sous-secrétaire américain aux affaires européennes qui, en février 2014, répondait par cette désinvolture insultante et autiste, aux conseils de prudence diplomatique à exercer face aux européens, suggérés par son ambassadeur à Kiev de l’époque Geoffrey Pyatt.

Si, comme les Chinois, on croit qu’aucun événement, aussi anodin soit-il, n’est déconnecté ou « hors sol »– ce qui crève les yeux avec la globalisation – on osera l’hypothèse qu’en 2016 les insultes de Rodrigo Duterte agitant l’inconfort d’une partie des Philippins face au retour, qu’il qualifie de proto-colonial, des États-Unis dans l’archipel, pourrait être, deux ans après, une réplique à l’arrogance de Victoria Nuland méprisant les Européens.

Il est vrai que l’insulte de Duterte est publique et que celle de Nuland avait été délicatement mise sur le net par les services secrets russes, trop contents d’enfoncer un coin dans l’alliance atlantique gouvernée par les États-Unis manipulant toujours la peur de la Russie de pays de l’Est de l’Europe. Ce qui nous ramène sans coup férir aux dangereuses fractures du monde, réapparues dans des régions où l’on croyait pouvoir les oublier.

Militarisation du monde et réflexes de guerre froide.

Les 3 premières puissances militaires sont aussi les 3 premières exportatrices d’armes. Les destinations sont 1) pour les États-Unis, le Moyen Orient, la Corée du sud, le Japon, et l’Australie. 2) Pour la Russie, l’Algérie, le Moyen Orient, l’Asie du Sud et du sud-est. 3) Pour la Chine, l’Algérie, l’Afrique sub-saharienne, le Pakistan, le Bangladesh et la Birmanie. 4) La France, exporte vers l’Afrique du nord, l’Amérique latine, le pays du Golfe, les États-Unis, le Canada, la Chine et l’Australie.

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Enfin, s’il fallait une preuve que l’heure n’est plus aux solutions solidaires des défis posés à la planète et surtout à ses habitants, il suffirait de jeter un œil sur la recrudescence des tendances militaristes et des postures guerrières articulées à la crispation globale.

Sur fond de guerres contre l’État Islamique et ses adeptes de la version radicale et guerrière du Coran, les causes de ce raidissement vont aussi des ambitions chinoises en mer de Chine aux grandes manœuvres de l’OTAN en Pologne avec leurs répliques russes en Crimée, en passant par les déploiements américains de systèmes anti-missiles de théâtre (THAAD) en Europe de l’Est (en projet) et sur la péninsule coréenne (en cours) qui ramènent le monde aux errements de la guerre froide.

Le moins inquiétant n’est pas que, parmi les plus actifs artisans du nouvel élan militariste de la planète, se trouvent précisément la Chine, les États-Unis et la Russie, trois puissances nucléaires de premier rang, donnant le ton très régressif des excès nationalistes et du réarmement [1], suivis par tous les pays d’Asie du Sud-est réarmant à tout hasard et par mimétisme.

Sans trop le dire ouvertement par crainte d’indisposer la Chine, incontournable grand marché pour leurs exportations et pourvoyeur de crédits et d’expertise pour leurs infrastructures, ils rénovent aussi leur équipements de défense (sous-marins, garde-côtes, missiles anti-missiles, hélicoptères, avions de chasse).

Leur but : protéger leur souveraineté contre l’impérialisme chinois réclamant sans esprit de recul la totalité de la mer de Chine du sud, revendication pourtant désavouée par l’arbitrage de la Cour de La Haye, dont le politburo chinois dit cependant ne pas vouloir tenir compte.

Note(s) :

[1L’augmentation régulière et substantielle du budget de la défense chinois est connue (lire La puissance militaire chinoise et le réarmement de l’Asie). En dépit d’un freinage en 2016, elle reste encore supérieure à la croissance, même si l’écart croissance / hausse des dépenses militaires signale une sagesse budgétaire nouvelle répondant au souci de ne pas gréver plus encore les finances du pays déjà sous tension.
Lire aussi ANP 2016 : Sous forte contrainte économique, la Chine réduit la croissance de son budget militaire
Quant aux Etats-Unis, leur budget militaire (583 Mds de $ pour 2017) – soit près de 4 fois le budget militaire chinois évalué à 150 Mds de $ -, il consacrera d’importantes sommes à la R&D (74 Mds de $) pour le développement d’équipements militaires « high-tech » (dont le bombardier furtif B-21) pouvant faire pièce aux système russes et chinois, tant dans les phases d’attaque que de défense.


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