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Le nucléaire nord-coréen et l’illusoire solidarité face à Pyongyang. Réflexions sur un cul-de-sac stratégique

Analyse des options stratégiques.

Missile Taepodong (portée 6700 km) présenté à Pyongyang en 2013 lors du 60e anniversaire de l’armistice. Dès lors que la Chine percevra que les stratégies américaines ne risquent plus de provoquer l’effondrement du régime, elle contribuera aux efforts occidentaux pour dénucléariser la péninsule.

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En haussant la réflexion d’un étage le dilemme nord-coréen pourrait être ramené à deux séries de questionnements enchevêtrés : 1) Ceux liés à la stratégie des États-Unis et à leurs alliés qui, selon les experts et le bord politique balancent entre 3 options. Allant de la plus dure à la plus souple, elles envisagent soit la frappe chirurgicale préventive ; soit l’alourdissement des sanctions ; soit, enfin, une reprise des négociations sur une base qui accepterait de considérer les soucis de reconnaissance et de sécurité du régime.

2) Le deuxième groupe de questions interroge l’influence de la Chine qui, bien qu’elle nie son autorité rémanente sur Pyongyang, constitue le passage obligé d’un règlement pacifique de la question.

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On éliminera l’option très irréaliste d’intervention militaire directe dont il faut cependant préciser qu’elle a récemment retrouvé quelques adeptes en dépit des risques d’emballement militaire dont le principal moteur serait que la Chine ne pourrait pas accepter une attaque américaine non provoquée à ses portes, d’autant que Pékin est toujours lié à Pyongyang par l’accord de défense de 1961.

Les deux solutions restant sur la table sont donc le resserrement progressif des sanctions ou, à l’inverse, ce qui constituerait une bascule stratégique majeure de Washington, un retour au dialogue à 6 à des conditions préalables acceptables pour Pyongyang et, variante prônée par certains aux États-Unis, à des négociations directes Pyongyang – Washington. Dans les deux cas, l’impact de Pékin serait essentiel.

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Le choix des sanctions, le plus classique et aussi le moins original montre ses limites depuis de longues années. Les difficultés du punitif sont presque toutes enracinées dans la détermination nord-coréenne de ne pas céder au chantage à quoi s’ajoute le souci de la Chine de ne pas provoquer la chute du régime qui ouvrirait une dangereuse boîte de Pandore stratégique.

En arrière plan, une claire différence d’appréciation de ce qu’est la Corée du nord. Selon John Delury professeur d’études chinoises à l’université Yonsei à Séoul, pour Washington et les Occidentaux, elle est un État irrationnel, pauvre et isolé, partie de « l’axe du mal » selon Bush, avec des goulags, l’omniprésence des polices secrètes, sans électricité et accablé de famines récurrentes.

Pour la Chine en revanche, à qui la Corée du nord renvoie sa propre image des années 60, le pays pourrait, à terme, s’ouvrir à de meilleures perspectives socio-économiques. Si les Américains sont persuadés que la Corée du nord s’effondrera, la plupart des experts chinois ne voient pas pourquoi le régime ne durerait pas autant que le leur.

Quoi qu’il en soit, même si Delury évacue la variable majeure de la différence de nature entre Coréens plus rigides et Chinois souples et pragmatiques, ce qui le conduit peut-être à surestimer la capacité d’adaptation du régime de Pyongyang, force est de constater que la combinaison de la détermination nord-coréenne arc-boutée à son indépendance et de la présence chinoise qui veille au grain, a permis la survie du régime bien au-delà de ce que tous les experts occidentaux de la question avaient prévu.

Ouverture et coopération obligée avec Pékin.

Le Commerce extérieur nord-coréen se fait en grande partie avec la Chine en rouge et, dans une bien moins large mesure avec la Corée du sud (en bleu.). Le commerce avec le reste du monde est marginal.

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Reste l’option d’une reprise des négociations articulée autour d’un schéma de réciprocité, mais que la plupart des conservateurs assimilerait à un Munich asiatique, doublé d’une reconnaissance implicite du statut nucléaire de la Corée du Nord.

Quant aux progressistes qui reconnaissent cependant la difficulté de négocier avec la rigidité nord-coréenne, ils estiment que le préliminaire d’un gel du programme nucléaire nord-coréen avec un retour des inspecteurs des NU sur les sites, devrait, pour convaincre Pyongyang, s’accompagner d’une concession américaine reconnaissant la volonté de survie du régime.

Selon le Dr Leon Sigal expert du contrôle des armements et directeur du North East Asia Cooperative Security Project au Social Research Council de New-York, ignorer cette exigence, c’est refuser la réciprocité de la négociation, prétendre imposer un marchandage aux seuls termes de Washington et paver une nouvelle fois la route au dialogue de sourds.

Surtout, Delury fait l’hypothèse que la solution de la souplesse recueillerait aussitôt l’appui de Pékin pour travailler dans le sens de la dénucléarisation, dès lors que l’hypothèque de la survie du régime nord-coréen serait levée. Il ajoute que la probabilité de la coopération chinoise est d’autant plus forte qu’experts chinois et américains sont d’accord sur le niveau de menace nucléaire posée par Pyongyang.

Selon Siegfried S. Hecker expert nucléaire à Standford qui fut l’un des derniers inspecteurs sur le site de Yongbyon en novembre 2010, l’appréciation chinoise du risque nucléaire nord-coréen recoupe celle des États-Unis : d’ici 5 ans Pyongyang aurait la capacité de frapper la côte Ouest des États-Unis ; et à très court terme la possibilité de frapper le Japon, la Corée du sud et même les bases américaines du Pacifique.

Par dessus ces choix stratégiques activement discutés aux États-Unis, planent les incertitudes nées de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, dont le radicalisme anti-chinois sur les questions commerciales pourrait être mis à rude épreuve, précisément par sa double prise de conscience de la menace nord-coréenne et de la nécessité de travailler étroitement avec Pékin sur une question majeure de sécurité.

Si Washington voulait s’engager sur cette voie pragmatique il lui resterait encore à désamorcer l’opposition chinoise à l’installation des missiles de théâtre en Corée du sud. Ce qui ne serait pas la moindre des difficultés.

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