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Le parti et ses milliardaires. Histoires troubles, corruption et querelles politiques

La disparition de Xiao Jianhua

Agé de 46 ans, diplômé de droit de l’université de Pékin, Xiao, citoyen du Canada où il possède une propriété, a fondé le holding financier « Tomorrow ». Investi dans les nouvelles technologies de l’information et les secteurs du ciment, des métaux rares et de l’énergie (charbon), le groupe de Xiao contrôle au moins 9 sociétés industrielles cotées en bourse et plus ou moins directement 30 institutions financières dont 12 banques locales et 6 maisons de courtage.

Selon le South China Morning Post, Xiao avait, dans une interview datée de mai 2013 au « 21st Century Business Herald, 21世纪 经济 报道 » dont le site web a été fermé par le Parti en avril 2015, réfuté toutes les accusations selon lesquelles sa fortune et ses affaires - néanmoins très peu transparentes - auraient été entachées de fraudes. En avril 2014, révélant une information sensible éveillant le soupçon de règlements de comptes et de luttes politiques, le New-York Times avait annoncé qu’une de ses sociétés avait acheté 2,4 millions de $ d’actions appartenant à Qi Qiaoqiao, la sœur de Xi Jinping, lors de son accession au pouvoir en 2013.

A Pékin, Xiao subirait des interrogatoires dans le cadre d’une enquête sur les circonstances – notamment les délits d’initiés – ayant déclenché les secousses boursières de juillet 2015. Il est également possible qu’il soit soupçonné d’avoir trempé dans des arrangements ayant facilité la fuite des capitaux. Surtout, confortant l’hypothèse que le Parti est entré dans la phase de luttes politiques en amont du Congrès, le groupe de Xiao fut, en 2007, impliqué dans le transfert au tiers de sa valeur de la centrale électrique de Luneng au Shandong à Zeng Wei, fils de Zeng Qinghong, 78 ans, ancien membre du Comité Permanent et ancien vice-président de la République (2003 – 2008).

Zeng Qinghong, un obstacle politique.

A tort considéré comme le point d’appui essentiel de la faction Jiang Zemin, Zeng Qinghong dont l’arrière plan politique est plus sophistiqué que ne le disent la plupart des analystes, représente en réalité dans le paysage politique chinois une philosophie alternative à la sècheresse répressive de Xi Jinping.

S’il est vrai que, dans les luttes politiques qui s’annoncent, Zeng, ancien grand maître des ressources humaines et de l’organisation du Parti est comme la plupart des oligarques handicapé par le talon d’Achille de ses connections affairistes, la vérité oblige à dire qu’il fut aussi l’homme qui, en 2004, poussa Jiang Zemin à la retraite, ce qui le dédouane d’une allégeance à la « faction de Shanghai ».

Mieux encore. En 2007, quand Chen Liangyu le secrétaire général du Parti de Shanghai était tombé pour corruption, Zeng, alors Vice-président et à la tête de l’Ecole centrale du Parti, s’était démarqué de Jiang Zemin et rangé aux côtés de Hu Jintao.

Surtout, à rebours de la trajectoire de resserrement politique de Xi Jinping, il avait, de 2000 à 2008, développé avec Hu Jintao dont il était le Vice-président, une prudente stratégie d’ouverture, instaurant les candidatures multiples pour les parlementaires locaux, accueillant plus d’intellectuels et hommes d’affaires dans le sérail du Parti, élargissant les échanges avec la société civile et augmentant la transparence du Bureau Politique.

Alors qu’elles sont redevenues secrètes, les études des centres de recherche du régime, même très critiques, étaient publiques, comme l’étaient les échanges entre le centre et les pouvoirs locaux ; la méritocratie avait progressé, articulée non pas à des allégeances politiques, mais à des critères d’évaluation de l’efficacité des cadres ; des limites d’âge ont été mises en place et progressivement respectées, tandis que tous les cadres subissaient des remises à niveau à mi- carrière et ne pouvaient s’éterniser plus de quelques années dans un même poste.

*

Tel est l’arrière-plan des luttes de pouvoir en cours en amont du 19e Congrès. Elles dépassent clairement la chasse aux corrompus et cristallisent une discorde autour de la philosophie politique du régime où Zeng Qinghong constitue un symbole inverse de la méthode Xi Jinping dont l’influence autoritaire et répressive s’est fait sentir dès sa promotion au poste de vice président en 2007. Depuis 2009, la plupart des ouvertures initiées par le couple Hu – Zeng (mis à part la formation des cadres) ont été annulées.

A Pékin, l’interrogatoire policier auquel est soumis Xiao Jianhua lié au clan Zeng Qinghong n’est donc pas seulement une péripétie du redressement éthique ; il est aussi l’indice d’une rivalité entre deux conceptions de la marche de la Chine. L’une prudemment ouverte à une réforme politique contrôlée, l’autre plus crispée qui n’entend faire courir aucun risque au Parti.

Guo Wengui dévoile les arcanes du Parti.

Le deuxième milliardaire sur la sellette est Guo Wengui, 郭文贵 50 ans, magnat de l’immobilier à la tête de Beijing Zenith Holding, 73e fortune de Chine. Exilé aux États-Unis depuis 2015, visé par une enquête judiciaire pour trafic d’influence et corruption, il fait l’objet d’une demande d’extradition et d’une recherche Interpol lancée le 19 avril.

En Chine, il est connu depuis 2006 pour avoir, par une vidéo diffusée sur internet, discrédité Liu Zhihua, le vice-maire de Pékin filmé avec des prostituées en représailles de l’obstruction municipale contre son projet de construction de l’hôtel Pangu face au stade olympique, dont le sommet, d’une remarquable laideur, est en forme de torche.

En 2015, Hu Shuli qui dirige Caixin media, avait publié une longue investigation sur le personnage, ses méthodes brutales contre ses rivaux en affaires et ses connexions avec Ma Jian ancien n°2 de la sécurité d’État aujourd’hui en prison. Fidèle à sa stratégie de défense par des attaques brutales, Guo avait répliqué en accusant Hu Shuli de corruption et d’adultère avec Li You, l’ancien PDG egalement en prison de Founder 方正集团- Joint Venture avec le Crédit Suisse (technologies de l’information, pharmacie, finances, immobilier, commerce de matières premières).

Accusé par Pékin d’avoir corrompu Ma Jian cité plus haut, en échange de services allant d’écoutes téléphoniques de ses rivaux, aux intimidations de journalistes et d’hommes d’affaires qui le gênent, Guo contre attaque depuis plusieurs mois, en révélant les fortunes cachées des dirigeants et les luttes de pouvoir au sein de l’appareil de sécurité chinois.

Feu contre la Commmission de discipline et la police.

Depuis les États-Unis où il réside dans le complexe résidentiel de Mars-a-Largo de Donald Trump en Floride, Guo distille à des sites d’information en Chinois écoutés en Occident des informations sensibles sur l’oligarchie du régime. La cible la plus névralgique des accusations de Guo concerne He Guoqiang, 74 ans, à la retraite, ancien président de la Commission de discipline du parti, prédecesseur de Wang Qishan.

Selon Guo, en 2012, He Guoqiang, alors n°8 du régime, faisait partie de la mouvance de Zhou Younkang, ancien chef de la sécurité d’État et aurait du tomber avec lui. Or, il a été épargné, ce qui, selon notre milliardaire bavard, montre les limites politiques de la campagne anti-corruption et la vulnérabilité du système chinois.

Aujourd’hui les charges du milliardaire ciblent le fils de He Guoqiang, He Jintao, un des plus gros actionnaires du groupe Founder dont Guo voulait acheter une part des actions et au sein duquel il est avéré, par une enquête du New-York Times, que la famille He possède de gros intérêts dissimulés sous des compagnies écran et des prête-noms.

Lire L’après Bo Xilai. Protéger le Parti et préparer l’avenir. Un Français dans la tourmente.

L’autre cible de Guo est Fu Zhengua, vice-ministre de la sécurité depuis 2013 que Guo accuse d’avoir torturé sa famille et harcelé Ma Jian en raison de dossiers secrets accumulés par lui sur tous les cadres régime.

Mais l’incident ayant le plus indisposé Pékin est l’interview donné par Guo à Voice Of America, le 19 avril que le gouvernement chinois aurait tenté de stopper où il dévoilait que les harcèlements contre sa famille était un chantage de Fu pour obtenir des informations sur la fortune de Wang Qishan, actuel n°6 du Parti et maître d’œuvre de la lutte anti-corruption.

*

Ces incidents rocambolesques dignes d’un roman d’espionnage où l’on voit un milliardaire remettre en cause la lutte contre la corruption ciblant depuis les États-Unis les oligarques intouchables, renvoie à l’une des plus grandes vulnérabilités du régime, que Xi Jinping, lui-même un de ces « fils de prince » assimilés à une caste privilégiée et enrichie de manière trouble, tente de tenir à distance.

Ayant lancé une campagne sans précédent contre les fortunes douteuses pour donner du parti l’image d’une organisation politique sans reproches au service du Peuple (selon la formule de Mao 为人民服务), il mesure à quel point la machine a du mal à couper les liens avec les affaires, tandis que, depuis leur retraite, les anciens, continuent à protéger leurs intérêts acquis.

Formant une nébuleuse de 594 individus, les milliardaires étroitement imbriqués à la machine politique portent un sérieux potentiel de blocage des réformes et dessinent les contours d’une lutte interne où se mêlent à la fois des intérêts d’affaires et une conception du pouvoir moins intransigeante que celle de Xi Jinping.

Lors du 6e plenum en octobre dernier 2016, ces tensions politiques avaient percé la surface cadenassée de la scène politique chinoise par le truchement de deux événements.

1) La publication, le 21 octobre, trois jours avant le plenum par le magazine du Parti Qiu Shi 求事 (Quête de vérité) édité par l’École Centrale du Parti d’un éditorial qui, effleurant le cœur des controverses autour de la campagne de redressement éthique, soulevait la question des effets de la campagne anti-corruption sur l’efficacité de la bureaucratie ;

2) la contre attaque de la tête du régime par la diffusion, immédiatement en amont du plenum d’une série télévisée d’un genre nouveau en noir et blanc intitulée « 永远 在路上 - toujours sur la route - », présentant aux chinois les contritions publiques éplorées d’officiels convaincus de corruption et souvent très lourdement condamnés.

Lire aussi Le 6e Plenum, remise en ordre éthique du Parti et adoubement de Xi Jinping.


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