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Le « péril jaune » s’invite à Davos

La boulimie chinoise en mer de Chine du Sud

S’il est vrai que la Chine exerce son droit légitime d’imposer des règles de pêche dans sa zone économique exclusive des 200 nautiques, la difficulté est que la zone dans laquelle elle prétend les faire respecter sous peine de confiscation des chalutiers assortie d’une amende de 500 000 Yuans - 91 000 $ - aux contrevenants, couvre des espaces maritimes également contestés par Hanoi et Manille. Ces derniers se trouvent dans les zones adjacentes des Paracel et des Spratly dont la superficie totale est voisine de 2 millions de km2, soit près de 60% de la surface de la mer de Chine du sud convoitée par Pékin par sa « ligne en 9 traits », mais qu’aucune instance nationale ou internationale n’a jamais reconnue.

Alors que les Philippines ont engagé contre la Chine un bras de fer juridique au tribunal international des Nations Unies sur le droit de la mer à propos de la souveraineté sur plusieurs îlots (récifs des Mischiefs, Mc Keenan, Gaven, Subi et Scarborough), c’est entre Manille et Pékin que le danger d’accrochage militaire est le plus important. Si Washington, entraîné par ses alliances décidait de s’en mêler pour affirmer la « liberté de navigation » en haute mer, le scénario d’engrenage décrit par Shinzo Abe commencerait à prendre de la consistance.

Signe que l’affaire pourrait se tendre, le Vietnam, depuis de longues années en conflit larvé avec la Chine à propos des Paracel et des Spratly, mais dont l’attitude flotte entre la crispation et le compromis discret avec Pékin dans le golfe du Tonkin ou autour des Paracel, a ouvertement protesté. La crispation de Hanoi qui a demandé à Pékin d’annuler sa réglementation « illégale » mérite d’être signalée. Elle survient en effet au milieu d’une accalmie diplomatique sino-vietnamienne, très peu médiatisée, au lendemain de la première cession de pourparlers pour leur projet de développement conjoint des ressources autour des Paracel. Quoi qu’il en soit, cette « préemption » chinoise assimilée par certains commentateurs à une « piraterie d’état » constituera un obstacle à l’adoption d’un code de conduite en mer de Chine du sud.

L’APL met son grain de sel.

Ces signaux territoriaux adressés par la Chine à la communauté internationale, aux Philippines, au Vietnam, au Japon et aux États-Unis ne furent pas les seuls. L’APL s’est également livrée à une démonstration de force qui renvoie aux dernières transes anti-japonaises, quand en juillet 2005, le général Zhu Chenghu, de l’université de la défense nationale avait menacé les États-Unis d’une frappe nucléaire, ajoutant que la Chine était prête à assumer la destruction de toutes ses villes à l’Est de Xian.

Cette fois le discours était moins direct et la menace voilée. Mais il reste que le 22 janvier l’APL a publié dans le Quotidien de l’armée une série de photos montrant le premier test du missile à longue portée Dong Feng 31 depuis qu’il avait été livré à la 2e Artillerie en 2006.

Ayant une portée de plus de 10 000 km, le vecteur peut frapper des cibles sur la côte ouest des États-Unis et la publicité autour du tir était une réponse au récent déploiement à Okinawa du porte avions Ronald Reagan plus moderne que le Georges Washington avec une escadrille de douze F22, signal du Pentagone qu’il se tenait prêt à une éventualité de crise militaire dans la zone des Senkaku située à 220 nautiques au Sud-ouest de la base américaine. Non pas que Washington envisage sereinement un conflit avec la Chine.

Les contradictions de Washington

Tout indique au contraire les fortes réticences de la Maison Blanche prise en tenaille entre d’une part, l’alliance avec Tokyo dont les commémorations militaires gênent ses stratégies dans la péninsule coréenne, en même temps que ses intérêts dans le Pacifique ouest et d’autre part les impératifs de sa politique chinoise, qu’elle voudrait plus apaisée. Même l’appui de l’opinion publique américaine, toujours très solide commence à reculer. Le 20 décembre, l’Asahi Shimbun faisait état d’un sondage conduit par le journal aux États-Unis sur l’image du Japon.

Ce dernier indiquait que la proportion des Américains favorables à l’alliance militaire nippo-américaine toujours plutôt élevée, avait néanmoins tendance à baisser régulièrement. Elle avait chuté de 22% chez l’Américain moyen et de 17% chez les cadres et dans les médias, pour s’établir respectivement à 67% et 77%. A la question « quel pays pensez-vous être le plus important partenaire des États-Unis en Asie ? », 43% des cadres on répondu la Chine, tandis que seulement 39% ont désigné le Japon.

Ces réticences sont d’ailleurs réciproques puisqu’au Japon la présence militaire américaine soulève également des controverses. Le maire de la commune de Nago à Okinawa réélu le 19 janvier, s’oppose becs et ongles au projet de Shinzo Abe de rajouter une nouvelle base américaine à celles déjà existantes. S’il n’a pas le pouvoir administratif de s’opposer à une décision de Tokyo, sa posture rebelle jette un doute sur l’installation de la base déjà retardée depuis 18 ans.

La dangereuse mécanique des émotions

On le voit des freins existent à la perpétuation des postures militaires dangereuses. Ils s’expriment à la Maison Blanche par la voix de John Kerry à l’évidence moins belliqueux que Hillary Clinton ; on les voit poindre dans l’opinion publique américaine et s’exprimer dans les postures locales au Japon ou chez quelques intellectuels, il est vrai moins audibles depuis quelque temps. En septembre 2012 le célèbre écrivain Haruki Murakami avait en première page de l’Asahi Shimbun interpellé la raison et la responsabilité des hommes politiques, qu’il comparait à des ivrognes inconscients et en appelait à la sagesse populaire.

En Chine aussi des intellectuels ont mis en garde contre les risques du nationalisme et le mauvais usage de la puissance. Certains diplomates ou chercheurs reconnaissent même à mots couverts que le Waijiaobu n’est plus tout à fait maître de la politique étrangère chinoise. En juin 2012, Wang Jisi, doyen et directeur du Département d’études internationales de l’Université de Pékin, spécialiste des États-Unis, plusieurs fois évoqué dans notre article « De l’arrogance à l’inquiétude », rappelait, dans le Global Times, que s’il était exact que l’équilibre global de la puissance penchait vers l’Asie, la position internationale de la Chine ne s’était pas améliorée, du fait précisément de l’accumulation des querelles de souveraineté.

Mais ces mises en garde ont fort à faire pour éloigner le spectre des conflits, dont les prémisses se nourrissent des postures nationalistes attisées par les populismes internes au Japon ou en Chine. Comme une mécanique irrépressible les émotions raidissent les positions et mettent en branle les appareils militaires, les patrouilles, les bascules de forces, les nouvelles garnisons, les armes plus sophistiquées, qui toutes sont aussi en interne des éléments de pouvoir, quand elles ne confortent pas de lucratifs commerces.

Lire aussi

- De l’arrogance à l’inquiétude
- Chine - Japon : Une pente dangereuse
- Le triangle Chine – Japon – Etats-Unis entre raison et émotion. Quelle
sortie de crise ?



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