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Le risque d’asphyxie du système des retraites

Caricature parue en novembre dernier sur le site China.org.cn. Elle dénonce l’inégalité des systèmes de retraites entre fonctionnaires et assimilés et le reste de la population. Non seulement les premiers ne cotisent pas, mais leurs retraites se montent souvent à 80% de leurs derniers salaires, contre moins de 50% pour les autres.

La difficile intégration des migrants.

Plusieurs rapports récents analysent les insuffisances des assurances sociales, obstacles à la bascule vers une croissance soutenue par la consommation intérieure. Un premier avait été publié en février 2013 par la Banque Mondiale. Un autre en juillet 2013 par le Paulson Institute, un centre de recherche de Chicago spécialisé sur la Chine élaboré par Robert Pozen, ancien vice-directeur du fond de pension géant « Fidelity Investment ».

S’agissant des pensions, tous insistent sur l’absence de centralisation et de coordination d’un système éclaté entre zones rurales et urbaines, sans cohérence nationale, avec la disparition partielle ou totale des prestations en cas de déménagement ; ils mettent aussi le doigt sur l’inégalité entre les privés et les fonctionnaires ou retraités des entreprises d’État ; enfin ils signalent l’insuffisance des financements et la faiblesse des retraites. Reprenant les nombreuses analyses sur la situation démographique, tous les rapports soulignent que s’il est exact qu’aujourd’hui la Chine se trouve dans une situation plus confortable que beaucoup de pays développés, avec 4,9 actifs pour un retraité, en 2050 ce rapport s’effondrera à 1,6 actifs pour un retraité.

En 2009, le gouvernement avait déjà créé un système de pension pour les campagnes, où les fermiers cotisent à un fond subventionné par le gouvernement et les administrations locales. Mais en 2013, moins de la moitié des ruraux étaient pensionnés. En 2011 on avait annoncé la mise sur pied d’un système de pension pilote dans les zones urbaines, à « l’assiette large, aux prestations souples adaptées aux différentes catégories professionnelles et dont le financement serait stable et suffisant ». Mais alors que deux années plus tard 20% des citadins ne bénéficient toujours pas d’une pension, et que ceux qui en touchent une la trouvent très insuffisante, la question de l’intégration des migrants après la suppression du Hukou est en passe de devenir un souci de première grandeur.

Financements insuffisants. Inégalités et grogne sociale.

Le 7 février dernier, le Conseil des Affaires d’État a annoncé sur son site qu’il allait mettre en place un système de pension unifié pour doper la consommation intérieure et faciliter la mobilité de la main d’œuvre à la fois handicapée par l’absence de coordination nationale des retraites et la persistance du Hukou. Le principe consiste à définir une contribution de l’État variable selon les zones géographiques pouvant aller de moins de 100 Yuan dans les régions intérieures et de l’ouest à plus de 400 Yuans sur la côte, à quoi s’ajouteraient des cotisations individuelles en fonction des revenus. A terme (2020), une partie du financement serait assuré par la proposition du 3e Plenum de ponctionner 30% des bénéfices des entreprises publiques pour abonder les fonds d’assurance sociales.

Mais ces prélèvements seront insuffisants pour couvrir la masse des retraités ruraux et urbains à quoi ont été récemment rajoutés les chômeurs et les migrants. Il en résulte que le système par répartition très inégal, est sous forte tension financière et sociale. Alors que les 10 millions de fonctionnaires et les 30 millions de médecins, chercheurs, professeurs ne cotisent pas, les contributions de la majorité sont assurées par une ponction de 8% sur les salaires et un cote part de 20% payés par les employeurs, ce qui permet au mieux une retraite de 40 à 45% du dernier salaire. La situation induit de fortes frustrations chez les usagers de base, mécontents des inégalités du système et de la faiblesse des prestations. Parfois, dans les campagnes les pensions ne dépassent pas 1200 Yuans par an (145 €).

Un déficit de 3000 milliards de $

Déjà tendue socialement par les disparités entre fonctionnaires ou assimilés et les autres, la machine qui compte plus de 3000 fonds de pension, parfois objet de la prévarication des cadres, est en passe de s’asphyxier financièrement avec 50% des 31 provinces incapables de payer leurs parts des pensions, et déjà en totalité dépendantes des contributions de l’État. Selon la Deutsche Bank et la Banque de Chine, fin 2013, le déficit des caisses de retraite était de 3000 Mds de $.

Peu de solutions alternatives. Blocages populaires.

Quant à la perspective d’un financement par capitalisation conseillé par les experts américains du Paulson Institute, elle est handicapée par les faibles retours des banques qui offrent à la majorité des fonds de pensions un intérêt inférieur à l’inflation. La solution du marché boursier n’est pas plus réjouissante.

En juillet dernier, un sondage du magazine Caijing réalisé sur 9000 investisseurs révélait qu’au long de leur vie, 16% seulement avaient enregistré des retours supérieurs à 10%, tandis que 70% avaient perdu plus de 10% de leur capital.

Depuis une dizaine d’années, les fonds se tournent vers l’immobilier, qui n’a jamais connu de crise depuis 20 ans. Mais là monte la peur de la « bulle ». Selon Wang Shi, un des grands patrons de l’immobilier chinois, PDG de Vanke, les risques de crises dans un marché plombé par de très hauts tarifs sont en train de monter, de quoi décourager les gestionnaires de fonds de pension.

Enfin, quand récemment, alors que l’espérance de vie est passée à 72 ans pour les hommes et 75 ans pour les femmes, le gouvernement a laissé flotter l’idée d’une réforme de l’âge des retraites fixé dans les années 50, à 60 ans pour l’industrie et à 55 ans pour les fonctionnaires, les femmes ouvrières d’usines étant pensionnées à 50 ans, 95% des 25000 personnes interrogées lors d’un sondage organisé par le quotidien de la jeunesse, y ont été hostiles.

A la récente proposition d’un chercheur de Pékin de retarder l’âge des départs à la retraite, l’internet est entré en effervescence, ponctué d’insultes et de messages indignés, dont voici deux exemples choisis parmi une longue liste : « A Qinghua les professeurs sont des ordures » ; « Vous avez complètement perdu la tête, la bouche pleine de poison et le cœur débordant de cruauté, comme un animal ».

Il faudra encore beaucoup de temps avant que le système des retraites soit assaini, coordonné, équitable, correctement financé et satisfaisant pour tous. En attendant et pour tenter de tenir sous le boisseau les rancœurs qui montent le pouvoir avait le 1er juillet 2013 promulgué un amendement à la loi qui protège les droits et les intérêts des personnes âgées. La nouvelle disposition, qui avait été adoptée en décembre 2012, est cependant une injonction assez vague, plus morale que légale. Elle stipule que les enfants adultes « devraient soutenir leurs parents, non seulement matériellement, mais également psychologiquement et leur rendre visite ou leur donner des nouvelles régulièrement ».

Lire aussi : Urbanisation, mutations sociales et défaillances du lien filial.


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