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Les armes LASER de l’espace. Projets chinois et peurs américaines

Panneaux solaires géants dans l’espace.

Image de synthèse du Projet chinois de station solaire spatiale

A l’appui de l’hypothèse aux contours apocalyptiques d’une puissante arme LASER chinoise de l’espace menaçant les satellites, il y a une information ouverte suivie d’une extrapolation. Le 30 mars dernier, Xinhua rendait publique l’intention chinoise de lancer un projet de station spatiale au coût estimé de 1000 Mds de $ capable de transférer vers la terre au moyen d’un support LASER l’énergie produite par d’immenses panneaux solaires.

Pour faire bonne mesure, l’agence ajoutait sur le mode d’un film d’anticipation que, s’il était mené à bien, le projet spatial chinois d’un « super vaisseau de l’espace en orbite géostationnaire équipé de panneaux solaires géants serait le plus ambitieux de tous les temps, vaste comme 2 fois Central Park, surpassant le programme Appolo et celui de la station spatiale internationale. »

Extrapolant sur ce qui est une partie du « rêve chinois » mêlé de propagande, à quoi s’ajoutent la vieille obsession chinoise de rattrapage technologique et la longue habitude de voir les choses en très grand qui, il est vrai, n’a pas toujours été vaine, les analystes américains ont aussitôt caractérisé le projet comme étant lié à la mise au point d’une arme LASER de grande puissance.

Il faut dire que les commentaires de Xinhua et des scientifiques chinois ont nourri les craintes du Space Command au moins en ce qui concerne la réalité d’une station solaire. Un rapport de l’Académie des Technologies de l’Espace a en effet récemment dévoilé que les fonds nécessaires avaient été dégagés, tandis que Xinhua, reprenant les commentaires de Wang Xiji porte parole du projet, glosait sur la signification stratégique du contrôle de l’énergie LASER et la puissance future de la station capable de générer 100 MW, « ce qui, en comparaison, réduirait la station spatiale internationale à un projet nain. »

Après quoi les commentaires alarmistes se laissant aller à la surenchère s’en donnèrent à cœur joie. Grâce au LASER, la Chine allait se donner la capacité de battre un ennemi technologiquement supérieur comme les États-Unis. En 2007 déjà la banale destruction par la Chine d’un de ses vieux satellites par un tir de missile balistique avait soulevé un débat tourmenté sur l’imminence d’une guerre des étoiles.

Cette fois encore les déclarations de Xinhua, les extrapolations des analystes et les mises en garde du chef du « Space Command » provoquent un émoi qu’il est cependant nécessaire de remettre en perspective.

Électricité spatiale chinoise et handicaps techniques.

A la base, il y a la vieille idée datant de 1968 d’une station spatiale pourvoyeuse d’électricité, équipée de panneaux solaires dont le rendement qui profite de l’exposition permanente au soleil, est dix fois meilleur que celui des stations terrestres. En 2010, le régime chinois en quête d’énergie décida logiquement d’engager les recherches dans cette direction.

La même année les fonds furent dégagés par le nouveau ministère de l’industrie et des technologies de l’information. Peu après les chercheurs soumirent au pouvoir un projet à long terme dont la première étape d’essais en orbite commencerait en 2020 pour se poursuivre jusqu’en 2025. La mise en œuvre opérationnelle étant prévue en 2035 et son application commerciale en 2050.

Mais ces échéances restent pour l’instant purement théoriques, dépendantes de plusieurs technologies que la Chine ne possède pas : celle des panneaux solaires plus fins et plus légers ; celle d’un lanceur capable de mettre en orbite une charge de 100 tonnes ; celle enfin du transfert rentable par LASER vers la terre d’une énergie solaire collectée depuis l’espace permettant d’éviter au moins 50% de pertes en ligne. Ce que pour l’instant personne ne sait faire.

Le pessimisme doit cependant être tempéré par les progrès rapides de la Chine dans le domaine spatial. En 2009, la plupart des experts considéraient que le programme chinois n’atteindrait la lune qu’en 2020. En 2013, l’alunissage de Chang’e III et de Yutu leur apporta un démenti.

La compétition globale des armes LASER.

Quant aux armes LASER de forte puissance tout le monde y travaille, à commencer par les Américains eux-mêmes, les Chinois et beaucoup d’autres. Sans aller dans trop de détails scientifiques et techniques, chacun sait que les Américains ont dans ce secteur une nette avance technologique. Alors que les armes de forte puissance capables de détruire ou d’endommager un objectif militaire sont partout à l’état expérimental, seule la marine américaine dispose d’une arme montée sur des navires de combat.

Expériences américaines.

Arme LASER installée à bord de l’USS Ponce chargé des expérimentations et des démonstration du LaWS (LASER Weapon System) en mer d’Arabie. photo John F. Williams, US Navy

Durant les années 2000, l’US Air Force a expérimenté le Boeing-YAL-, B. 747 équipé d’un LASER dans le but de détruire un missile en vol. En mars 2009 Northop Grumman annonçait avoir testé avec succès une arme LASER pouvant être installée sur un avion, un navire ou un véhicule terrestre de combat capable de produire un faisceau de 100 KW, assez puissant pour abattre un aéronef. Mais la dimension, le poids de la source électrique capable d’alimenter une telle arme ne furent jamais clairement définis. En 2011, le projet a été arrêté.

Durant cette même période, les États-Unis ont mis au point, en coopération avec Israël, le « Mobile Tactical High-Energy LASER » ou « MTHEL ». L’équipement d’une grande précision était capable de détruire un obus d’artillerie ou une roquette sur sa trajectoire. Mais comprenant un radar, un poste de commande et un système de visée optique, l’équipement avait une dimension considérable interdisant sont installation sur un navire ou un aéronef.

Enfin, en 2014, la marine américaine a testé un système appelé LAWS (Laser Weapon System) monté sur un navire de combat. Il est efficace et précis contre des avions de combat et des drones.

Incertitudes sur les progrès chinois.

S’agissant de la Chine, en novembre 2009 le site IMINT (Image Intelligence) avait créé la polémique en mettant en ligne une série d’images disponibles sur Google Earth, affirmant qu’elles trahissaient la présence d’une arme laser antisatellites, basée dans la chaîne des Tianshan, au nord du Xinjiang.

Consultés par la presse internationale, qui s’est très vite emparé de l’affaire, les meilleurs spécialistes n’ont jamais confirmé les affirmations du site IMINT. Pour eux, les photos pouvaient être soit celles d’un dispositif d’observation de l’espace, soit celle d’un engin de télémétrie. L’hypothèse d’une arme LASER n’avait pas été écartée. Mais il est peu probable qu’à l’époque sa puissance ait pu constituer une menace directe.

En 2012, un rapport public préparé par la Commission américaine du Dialogue sino-américain sur l’économie et la sécurité faisait remonter le programme anti-satellite chinois aux années 60. Mais les progrès techniques significatifs dateraient des années 90, quand le programme est devenu une priorité nationale. Selon le rapport, en 2009, les renseignements militaires américains faisaient déjà état des intentions chinoises de mettre en œuvre des capacités de brouillage et d’attaques contre des satellites par LASER. Pour autant aucune information précise et convaincante n’avait été proposée à l’appui de ces thèses.

En revanche les États-Unis n’ont pas répondu aux demandes chinoises répétées de règlementer l’utilisation militaire de l’espace. Pire encore, le Pentagone a systématiquement considéré que les prises de position du Livre Blanc chinois sur l’espace publié en 2006 affirmant que l’espace ne devait être utilisé que de manière pacifique et que Pékin était opposé aux développements des armes anti-satellite, étaient une manœuvre de déception.

*

Il est probable qu’aujourd’hui les armes spatiales de l’APL n’ont pas atteint le niveau d’efficacité que leur prête le Space Command. Quant à la menace potentielle future qu’elles représentent, son appréciation est handicapée par les tendances alarmistes des services américains et, à l’inverse, l’opacité des programmes chinois.

Mais il serait naïf de croire que les ingénieurs chinois ne chercheront pas à rattraper les Américains qui, jusqu’à présent, n’ont jamais répondu aux requêtes de Pékin pour réguler l’utilisation des armes extra-atmosphériques. Considérant que l’espace est une chasse gardée américaine garant de ses intérêts et de sa sécurité, Washington ne s’est en effet fixé aucune limite dans la militarisation des programmes spatiaux.

En même temps, les services américains ont régulièrement dénoncé les progrès réels ou supposés des Chinois. En 1998, un rapport du Congrès avait déjà évoqué la menace chinoise d’une arme laser pouvant endommager les systèmes optiques des satellites.

En 2006, l’administration Bush avait publié un rapport révélant que la Chine avait utilisé des émissions laser à haute puissance pour aveugler des satellites américains. En 2007, la destruction par des moyens balistiques classiques d’un vieux satellite chinois avait relancé la polémique dans une ambiance de « poker menteur » où les Américains utilisaient eux-mêmes depuis 1985 la technique banale du tir balistique pour détruire leurs propres satellites.

Il reste que si comme c’est probable, aucune réglementation internationale n’est imposée aux différents acteurs, il faut craindre que les rivalités de puissance, la supériorité stratégique conférée par la maîtrise des armes spatiales, l’attrait scientifique et financier des hautes technologies liées aux programmes LASER dont la plupart ont des utilisations duales, ouvriront la voie à de dangereuses initiatives qui pourraient non seulement menacer les armes adverses, mais également et surtout prendre en otage le mode de vie moderne où les satellites tiennent une place essentielle.

Lire aussi :
- Course aux armements dans l’espace
- Guerre de l’espace et poker menteur


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