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Les embarras compliqués de la puissance chinoise

Trois grilles d’analyse

Question Chine examine ici les différentes lectures qui sont faites de cette situation, encombrée par une longue suite d’intentions cachées et de non dits, où ce qui domine malgré tout est, à la fois la rivalité sino-américaine et l’allongement de l’ombre portée de la Chine, avec, en arrière plan, sa quête d’hydrocarbures et d’influence, que certains assimilent à un désir d’empire, dont l’activisme, aujourd’hui sans nuance, menace directement la crédibilité, pour l’heure compromise, de ses stratégies de « puissance douce ».

Trois types de décryptages dont les termes sont tous pertinents à des degrés divers, et ne sont pas exclusifs les uns des autres, peuvent être avancés pour mettre en perspective et expliquer cette nouvelle phase de crispation des rapports de la Chine avec ses voisins proches ou éloignés et avec les Etats-Unis. Washington constituant, aux yeux des stratèges nationalistes chinois, l’obstacle ultime au retour de puissance de Pékin et le principal ferment des résistances antichinoises en Mer de Chine et à Taïwan.

Le premier type d’analyse y voit l’expression d’une mentalité impériale qui légitime par l’histoire les prétentions territoriales de Pékin difficilement acceptables pour les riverains de la Mer de Chine du Sud et par le Japon. Ces dernières reviennent au premier plan avec d’autant plus de force que les capacités de l’APL s’améliorent, tandis que nombre de voix s’élèvent en Chine pour suggérer de mettre un terme à la stratégie de modestie et de discrétion prônée il y a plus de 20 ans par Deng Xiaoping.

Un autre angle de vue attribue les tensions actuelles à l’ingérence américaine, à la présence envahissante de l’US Navy, de ses avions espions, et à son activisme militaire, qui pousse les riverains à la confrontation avec la Chine, facteur de crispations plutôt que d’apaisement.

Défendu par les nationalistes du Parti et par l’APL, ce point de vue est aussi, avec quelques nuances, celui de quelques voix autorisées, comme celle de Malcom Fraser, ancien premier ministre libéral australien de 1975 à 1983, de Kenneth Lieberthal, ancien conseiller du Président Clinton pour les Affaires chinoises, et de Zbigniew Brezinski, auteur du « Grand Echiquier », critique sévère des politiques de Georges Bush en Irak et ancien conseiller stratégique du Président Carter.

Enfin, une dernière analyse explique les crispations actuelles par la politique intérieure chinoise, où l’APL, qui véhicule un fort sentiment nationaliste, tient manifestement le haut du pavé, dans un contexte où, à l’approche du 18e Congrès, le pouvoir civil est affaibli par les tensions entre les clans, à quoi s’ajoutent les flottements et les rivalités face à l’exigence des réformes qui menacent les prébendes.

Le désir d’Empire. La tentation de la force. Le chassé-croisé des provocations.

La tentation de la force n’est pas nouvelle. Elle s’était déjà exprimée lors de précédents sommets de l’ARF à Hanoi en juillet 2010. (Lire notre article « Querelles sino-vietnamiennes. Rivalités des frères ennemis et enjeu global »). Elle a continué en 2011, provoquant la réaction des Etats-Unis, qui en janvier 2012, annoncèrent un basculement du point moyen de leur puissance militaire globale de l’Atlantique vers le Pacifique et vers l’Asie. Même si elle n’en a pas été la seule cause, cette translation des forces armées américaines, à grands renforts de publicité et assortie de manœuvres militaires ostentatoires a favorisé le raidissement des Philippines, du Vietnam et du Japon.

Le 14 juillet 2012, 24 heures après les échauffourées verbales de la conférence de Phnom-Penh, Pékin a dépêché depuis Hainan plus de 30 chalutiers assistés d’un navire logistique de 3000 tonnes appartenant à l’administration des pêches, vers les eaux contestées du récif de Yongshu, au sud des Johnson reef, à 1000 km au sud de Hainan, où Pékin avait établi de vive force, en mars 1988, une station d’observation marine. L’incident qui marqua l’apogée des tensions entre le Vietnam et la Chine, avait donné lieu à une réaction de Hanoi et à des escarmouches entre les 2 marines, ayant provoqué la mort de 64 marins vietnamiens.

L’envoi de la flottille de pêche aux dimensions inhabituelles survient une année après une série d’incidents avec le Vietnam en juin 2011, jalonnées de manifestations antichinoises - redites de celles de 2007 et 2008 -, et marquées par l’organisation par Hanoi de manœuvres navales à tir réel à proximité de ses côtes, en réponse à l’affirmation de plus en plus nette des revendications de Pékin sur la totalité de la Mer de Chine du Sud.

L’initiative de Pékin vers le sud des Spratly qui touche à un point sensible vietnamien, survient tout juste 3 mois après un long face à face ayant eu lieu 400 miles nautiques au nord, entre garde-côtes chinois et philippins dans les parages des récifs de Scarborough, à 130 nautiques à l’ouest de l’ile de Luzon et à 500 nautiques des côtes chinoises, dans un contexte où la présence insistante de la marine de Pékin avait été perçue comme illégitime et provocante.

Dans le même temps, les Etats-Unis et les Philippines organisaient de longues manœuvres terrestres dont le thème était la reprise d’une île occupée de vive force par un hostile qui n’était pas nommé, et auxquelles participaient le Japon, l’Australie et la Corée du Sud.

Depuis trois ans ces types d’incidents se sont multipliés en Mer de Chine du Sud, la plupart impliquant des pêcheurs chinois en conflit avec des Vietnamiens ou des Philippins. S’il est vrai que dans ces échauffourées il est souvent difficile de dégager les responsabilités réelles, aucune des deux parties n’étant complètement de bonne foi sur les causes et le déclenchement d’une crise ponctuelle, le moins qu’on puisse dire est que l’état d’esprit de Pékin n’est pas à la conciliation.

Ces accès d’agressivité sont au demeurant récurrents depuis de longues années, ponctués par le harcèlement contre des pêcheurs vietnamiens fréquemment victimes des tirs des gardes côtes chinois et régulièrement retenus en Chine contre rançon. Récemment pourtant, les affirmations de souveraineté qui sont parfois des provocations ont changé de camp. Pékin avance qu’elles ont été l’œuvre de Manille, Tokyo et Hanoi.

Le 12 avril 2012, la Chine se plaignait des harcèlements de la marine des Philippines contre 12 chalutiers chinois qui cherchaient refuge dans les eaux autour de l’île de Huangyan, située à 140 nautiques à l’ouest des côtes de l’île de Luzon et que Manille avait, en 2009, officiellement déclarée territoire philippin en même temps que les îles Spratly , en dépit des protestations chinoises. Le 15 juin Hanoi envoyait 4 chasseurs Sukhoi 27 survoler les Spratly. Le 2 juillet le président philippin Benito Aquino envisageait publiquement de demander l’assistance des avions espions américains de type Orion P3-C.

Le 7 juillet, Pékin était outragé par le 1er ministre japonais Noda, qui, affaibli en interne, mais proche de la mouvance pro-américaine, déclarait que le Japon envisageait de faire l’acquisition d’une partie de îlots contestés des Senkaku. Il en est résulté une crispation proche de celle de juillet 2010, quand Tokyo avait retenu dans ses geôles un capitaine de pêche chinois accusé d’avoir provoqué une collision avec un garde côtes japonais.

15 jours plus tard, le parlement vietnamien attisait la colère de Pékin en adoptant une loi qui affirmait la souveraineté du Vietnam sur les îles Paracel et Spratly. Dans la foulée, Pékin relevait au niveau d’une préfecture, la juridiction territoriale des archipels des Spratly (Nansha), Paracels (Xisha) et Macclesfield (Zhongsha). Ces derniers étant situés à équidistance presque exacte (300 nautiques) entre l’île chinoise de Hainan, les côtes de l’île philippine de Luzon et la côte est du Vietnam.


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Par de villepin Le 23/07/2012 à 07h44

Les embarras compliqués de la puissance chinoise.

toutes mes felicitations pour cet article xavier de villepin

Par Anonyme Le 3/10/2012 à 20h47

Les embarras compliqués de la puissance chinoise.

Résidant au Vietnam , je suis très frappé par la similitude et la concordance dans le temps des luttes pour le pouvoir dans ces deux pays. C’est à croire que ces luttes sont liées. C’est à croire qu’aux même maux on applique les même recettes (tension nationaliste sur la mer de chine pour amuser la galerie, pendant qu’on règle les choses sérieuses).

Ici , toutes les chancelleries cherchent à savoir qui est pro chinois, qui est pro américain... Je pense ce débat inutile. Pour moi la question est qui est pro bo xilaï , qui est pro Ji Xiping ou Hu Jin Tao

Un peu comme si le Vietnam était déjà une province chinoise.

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