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Les faces cachées de l’ouverture commerciale chinoise

Analysant les discours officiels au sommet de l’APEC à Danang, nombre de commentateurs ont souligné le contraste entre l’ouverture au commerce mondial affichée par Xi Jinping et le retour protectionniste de Donald Trump fermement opposé aux traités de commerce internationaux à vaste spectre tel que le Transpacific Agreement dénoncé par une note de la Maison Blanche du 23 janvier 2017.

Il est vrai que le contraste apparent était flagrant entre les critiques de Trump adressées à l’OMC et à « ceux » – a t-il dit sans nommer personne - « qui n’en respectent pas les règles » et le discours de Xi Jinping le 10 novembre, spéculant sur la portée globale des « nouvelles routes de la soie », une « initiative chinoise, mais appartenant au Monde » comme le Président les a généreusement qualifiées, appelant également de ses vœux « encore plus de libre échange en Asie », pourtant déjà largement articulée à un vaste accord de libre échange entré progressivement en vigueur entre 2002 et 2015 entre Pékin et les 10 pays de l’ASEAN, mais dont les effets ont jusqu’à présent beaucoup profité à la Chine [1].

Plus encore, ajoutant à la dissonance avec le protectionnisme américain, l’architecture commerciale construite par Pékin avec l’Asie du Sud-est offre, toujours en apparence, un contrepoint saisissant au nationalisme économique de Donald Trump et à son retrait du traité transpacifique décidé par la nouvelle Maison Blanche à son avènement.

Le 14 septembre dernier, à l’ouverture du sommet Chine – ASEAN de Nanning, un article du China Daily prenant le contrepied du revirement américain, évoquait, au contraire, la nécessité de supprimer les « quelques rares barrières douanières encore existantes, notamment dans le secteurs des services », en même temps qu’il insistait sur la nécessité d’élargir les accords au commerce en ligne dont les principes déjà actés offriront une formidable marge de manœuvre largement inexplorée aux entreprises chinoises du secteur où le haut du pavé est tenu par Alibaba aux revenus en hausse en 2016 à 5,64 Mds de $, soit +26%.

Comme Washington, Pékin protège ses emplois.

En un mot comme en mille, ceux qui, voulant dénoncer le protectionnisme, citent en exemple l’ouverture chinoise manquent une partie de l’image. La réalité est plus complexe. Le discours chinois se drapant opportunément du manteau de défenseur de la globalisation quand l’Amérique se replie autour d’une vision protectrice de ses emplois, cache en réalité un nationalisme économique tout aussi puissant. Préoccupé en interne par la stabilité sociale, Pékin a, tout autant que Trump, l’intention de protéger les emplois chinois.

Dans un passage de son discours de Danang, critiquant les effets du libéralisme sans contraintes, le Président Xi Jinping, évoquant les préoccupations sociales du régime, a rappelé les efforts à consentir pour que le « développement profite à tous (…), pour réduire la pauvreté autant que les écarts de richesse et adapter la main d’œuvre aux mutations industrielles en cours ».

Dans la foulée du 19e Congrès dominé par la pensée « 思想 » des « caractéristiques chinoises – 中国 特色 », en réalité l’expression d’un puissant nationalisme protégeant les intérêts du pays, l’énergie du régime restera, comme aux États-Unis, concentrée sur la préservation des emplois.

Celle-ci passe en priorité par la compétitivité à l’export des entreprises chinoises et leur montée en gamme technologique, y compris par une stratégie contraire aux règles de l’OMC de captations des secrets industriels. Dénoncée par l’administration américaine et Trump lui-même qui, à l’été dernier, répétait encore que « l’Amérique se dresserait contre tous les pays qui, contre le droit commercial, obligeaient les compagnies américaines à transférer leurs technologies en échange de l’accès à leur marché », la stratégie de sinisation des technologies étrangères est au cœur des différends commerciaux sino-américains.

Lire à ce sujet : Pékin, Washington, Pyongyang. Du tambour de guerre aux conflits commerciaux.

Le nationalisme des « caractéristiques chinoises » outil socio-industriel destiné à protéger le marché du travail à l’intérieur, joue aussi à l’extérieur pour promouvoir la montée en puissance globale des groupes industriels chinois emblèmes de la réussite du Parti sur la scène mondiale. Dans ce domaine, la voie est ouverte par l’industrie chinoise du rail. Nul doute que bientôt l’industrie nucléaire, héritière comme celle du rail des transferts de technologies, suivra sur le même mode.

Note(s) :

[1L’accord de libre échange entre la Chine et l’ASEAN est le plus vaste de la planète si on considère les populations concernées et le 3e en terme de PNB. A la mise en œuvre complète de l’accord en 2015, les droits de douane et les taxes à l’importation ont été pratiquement supprimés pour 90% des exportations chinoises vers les 10 membres de l’association. S’il est vrai que ces mesures ont bénéficié aux exportations de l’ASEAN vers la Chine elles furent aussi un défi pour les industries des secteurs à forte intensité de main d’œuvre (chaussures et textiles) et celles de l’assemblage des produits high-tech implantés dans l’ASEAN.

En Chine, l’accord fut une bouffée d’oxygène pour les mêmes secteurs dont la compétitivité était affaiblie par l’augmentation des salaires. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. S’il est vrai que la somme des échanges et des investissements augmente, le déficit commercial global des 10 pays est aussi en hausse constante et dépasse 20 Mds de $.


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