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›› Politique intérieure

Les hussards de la réforme et leurs adversaires

Les flottements manœuvriers de Xi Jinping.

Que Xi Jinping cherche à asseoir le plus largement possible son audience dans le Parti correspond au moins à une nécessité tactique. Il n’est cependant pas possible de dire si ses messages aux réminiscences maoïstes qui contredisent ses professions de foi constitutionnalistes adeptes d’une justice indépendante correspondent à ses convictions politiques. Mais le fait est qu’en décembre 2010, il avait été le seul membre du Comité Permanent à rendre visite à Bo Xilai à Chongqing, où il avait même fait l’apologie de sa campagne contre les triades.

A cette époque nombre d’observateurs en avaient déduit que le futur n°1 du Parti pouvait avoir un penchant populiste et quelques sympathies pour la voie prônée par Bo Xilai qui proposait une alternative purement chinoise au dilemme réformateur.

Aujourd’hui le n°1 est critiqué pour ces discours qui, disent ses détracteurs, fleurent la campagne de masse, notamment quand il cible les corrompus, les hédonistes et le formalisme bureaucratique. Début juillet, l’historien Li Haiqing, s’exprimant probablement avec le soutien de quelques caciques, écrivait dans le Xuexi Shibao 学习时报 (Study Times), journal académique de l’Ecole Centrale du Parti, que l’appel populiste aux masses était un procédé politique démodé ne pouvant servir de substitut à la démocratie.

L’idée force de l’article était que « seul le renforcement de la démocratie et l’état de droit sont en mesure de créer un environnement institutionnel capable de mettre les cadres du Parti au service du peuple ». Le message envoyé au Président était clair. Sans un cadre institutionnel respecté de tous, d’ailleurs prôné à l’occasion par Xi Jinping lui-même, articulé autour de la force du droit placée au-dessus du Parti, celui-ci ne parviendrait jamais à l’idéal du slogan maoïste « 為人民服務 », inscrit aux portes de Zhongnanhai.

Une semaine plus tard, Yu Keping n°2 du bureau des traductions du Comité Central, intellectuel proche du pouvoir et connu pour son livre publié en 2009, « la démocratie est une bonne chose », signait un article dans les Nouvelles des Pékin, intitulé, « Comment parvenir à une démocratie ordonnée - 如何实现有字的民主。 » S’il est vrai qu’il ne s’agissait pas d’une attaque directe contre Xi Jinping, le raisonnement n’en était pas moins l’exposé serein des bienfaits de la démocratie et de son caractère inéluctable.

Il s’opposait frontalement et sans nuances aux idées maintes fois développées par le régime d’une « démocratie aux caractéristiques chinoises », mise en œuvre en interne et protégeant le Parti des batailles politiques. Il prenait aussi le contrepied de la toute récente « directive n°9 » préparée par le département de la propagande de Liu Yunshan mettant en garde contre le danger des idées occidentales (Lire « 七个不要讲 – qige bu yao jiang – ». L’inquiétante panne des réformes politiques.

Sous la plume de Yu Keping on pouvait lire que la démocratie et l’Etat de Droit étaient la clé du « rêve chinois » et le « flux vital de la République Populaire », dont le sens profond était bien que « le peuple devait disposer du pouvoir de décision ». Il ajoutait que, dans un contexte où « il n’était plus temps de s’interroger si on aimait ou pas la démocratie, devenue une tendance irrépressible du monde moderne, une grande puissance comme la Chine devait s’engager sur la route qui la mènerait de la démocratie intra-parti à la sociale démocratie ».

La longue bataille des réformateurs.

Voilà longtemps que la modernisation de la Chine se heurte au dilemme de la réforme politique glissant insensiblement au dernier rang des priorités. Deng Xiaoping, lui-même n’ignorait pas qu’elle viendrait un jour télescoper les réformes économiques.

N’avait-il pas coup sur coup désigné Hu Yaobang et Zhao Ziyang, deux personnalités convaincues de la nécessaire ouverture politique, avant de poser une chape de plomb sur l’appareil, dont les effets ne sont toujours pas dissipés. Aujourd’hui beaucoup s’interrogent sur la trajectoire de Xi Jinping, dont la parole publique empreinte de fermeté en même temps que d’exigence éthique et morale, oscille entre l’apologie de l’Etat de Droit et les exhortations d’allégeance inconditionnelle au Parti.

Mais, sauf à accepter une dérive à la Gorbatchev un Secrétaire Général soucieux de la pérennité de l’appareil n’a probablement pas d’autre choix que de tenter le grand écart de la cohésion entre les techniciens de la finance et des réformes de structures, les réminiscences populistes et les voltigeurs de l’Etat de Droit. Faisant cela il prend le risque de l’immobilisme que, pour l’instant, on cherche à conjurer par un style plus direct dénonçant sans détours la corruption et l’hédonisme. A moyen terme le grand écart du SG fera poindre le péril du blocage des réformes par les tenants du système des prébendes et le danger des tentations populistes qui font le lit des crises politiques.


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