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Les incertitudes de la reprise économique

Wei Jianing, économiste au centre de recherche du Conseil d’Etat, explique que, depuis le lancement des mesures anticrise, 175 Milliards de dollars ont été illégalement investis par des entreprises d’Etat très en vue bien connectées avec les banques, pour l’achat d’actions et d’actifs immobiliers à des fins spéculatives. Ce constat est confirmé par un analyste de la Morgan Stanley : « les marchés financiers et immobiliers chinois sont surévalués de 50% ». Un autre expert d’une société d’investissement prévient que « cette situation pourrait déraper vers une catastrophe économique, sociale et politique, si l’Etat décidait de corriger trop brutalement ces tendances ».

Face à ce défilé d’appréciations divergentes, on peut risquer une première synthèse. Les optimistes se souviennent de la manière dont la Chine avait déjà surmonté les crises antérieures (y compris les problèmes sociaux liés à la privatisation des entreprises d’Etat dans les années 90) et rappellent la solidité de quelques fondamentaux (réserve de devises importantes, équilibre budgétaire, capacité industrielle, capacité d’intervention de l’Etat, reprise de la production, éveil du marché intérieur, souplesse et faible coût de la main d’œuvre, accroissement régulier des recettes fiscales).

Quant aux tenants de la prudence, ils indiquent tous que l’injection massive de capitaux a renforcé la tendance des planificateurs à privilégier les investissements d’infrastructures (45% du plan de relance était consacré aux infrastructures et au bâtiment), accumulant les projets parfois mal ficelés et à l’utilité contestable. En libérant le crédit à l’automne 2008 (suppression des quotas), le pouvoir a aussi relancé la production de manière parfois désordonnée, reconstituant des stocks invendables dans des secteurs déjà encombrés. Enfin, l’injection de capitaux dans l’économie et dans le système bancaire a aggravé les appétits spéculatifs qui nourrissent presque automatiquement les créances douteuses des banques.

Une fois retombée la poussière de la relance et de la libération massive du crédit, l’économie chinoise risque donc d’apparaître encore moins équilibrée que par le passé, traversée par des tensions spéculatives nourries par les placements financiers massifs des grands groupes d’Etat, et reposant essentiellement, 1.- sur l’export chargé d’écouler une production industrielle moins en phase avec un marché extérieur en fort recul (hausse de la production de 28% à comparer avec une baisse des exportations de 26%), et 2.- sur l’investissement, pas toujours bien ciblé (trop d’infrastructure, pas assez d’investissements sociaux) qui, selon les meilleurs experts représentera, en 2009, au moins 4 points de croissance.

Ce premier bilan laisse entrevoir qu’au lieu de tirer partie de la crise, l’économie chinoise se comporte comme celle du reste de la planète. Elle reprend, parfois en les accentuant, les schémas de ses principales fragilités. L’effet stabilisant et rassurant des plans de relance a en effet partout favorisé le retour des habitudes les plus dangereuses. Si l’on dresse la liste des symptômes néfastes qui resurgissent aux Etats-Unis, en Europe et en Chine, ainsi que dans la planète finance, on obtient en effet un catalogue impressionnant d’errements réapparus aux premiers signes de détente : spéculations financières, utilisation inconsidérée du crédit, déficits budgétaires, emprunts massifs, utilisation de la « planche à billets », séparation dangereuse du capital et du travail, gonflement des bulles spéculatives.

En Chine, ces tendances s’accompagnent d’un renforcement encore plus marqué qu’ailleurs de l’intervention de l’Etat, d’autant plus impliqué que la légitimité du Parti dépend en grande partie des bonnes statistiques de l’économie. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que, dans cette ambiance de crise, les choix du régime se soient portés en urgence vers des investissements aux effets sur la croissance bien plus directs et plus rapides que ceux dont l’incidence à court terme sur les statistiques est plus aléatoire.

Ces tendances à privilégier l’affichage et le court terme dans la répartition des efforts de l’Etat, sont régulièrement dénoncées par le Professeur Zhou Tianyong, Directeur du centre d’analyse politique de l’Ecole Centrale du Parti (cf. article de QC du 19 décembre 2008).
Critiquant la priorité accordée aux travaux d’infrastructure, il écrit notamment : « les dépenses publiques chinoises sont très en deçà de celles des pays développés et leurs priorités sont chaotiques (...). Les investissements dans les secteurs de la santé et de l’éducation sont parmi les plus faibles du monde (...) Le taux de scolarisation décline. Dans certaines régions la situation de la santé et de l’éducation est pire qu’en 1978. Plus de 70% des Chinois sont exclus du système de pensions et les 100 millions qui en bénéficient dépendent d’une caisse en faillite, dont les dettes s’élèvent à 1300 milliards d’euros (...). Le poids de l’administration engloutit 24,7% des dépenses de l’Etat, - un record du monde à comparer avec les Etats-Unis (10%), la France (6,5%)- ». La question n’est donc pas de savoir si l’économie de la Chine va mieux. Elle va mieux. Du moins en apparence. Il reste à savoir si cette embellie est durable.



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