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›› Société

Les inquiétudes sociales du pouvoir

Hausse du salaire minimum et coût du travail.

L’intégration des migrants dans la société, la reconnaissance de leurs droits à pensions et à la sécurité sociale font partie des plus grands défis du régime confronté à une urbanisation rapide dont le coût pour les finances du pays est exorbitant.

En 2013, le pouvoir avait déjà commencé à travailler à la réduction des inégalités en fixant l’objectif d’un salaire minimum à 40% du salaire moyen à l’échéance de 2015. Mais l’essoufflement de la croissance laisse peu d’espoir que ce redressement soit possible cette année. Cité par Bloomberg, Zeng Xiangquan, Directeur de recherche à l’Institut du travail de l’Université du Peuple, rappelle que l’objectif d’un SMIG à 40% du salaire moyen est une politique nationale, mais que les administrations locales sont confrontées à des situations qui changent rapidement et remettent en question les planifications.

Par le passé les pouvoirs locaux avaient bridé les salaires pour réduire le coût du travail et attirer les investisseurs ; récemment, mis sous pression par Pékin, ils ont tenté de réagir au retour des migrants chez eux et autorisé des augmentations substantielles et rapides ; aujourd’hui, ils sont confrontés au risque de la migration hors de Chine des usines à la recherche d’un coût du travail plus avantageux. Quel que soit l’angle de vue, la situation qui met sous tension la compétitivité de l’usine du monde, freinera les projets de réajustement des salaires.

En 2014, 6 régions au moins ont relevé les salaires minima. La palme revient à Shenzhen qui l’a fixé à 2030 RMB (300 €). Il reste que le rythme moyen de croissance à 14% (en baisse de 3% par rapport à 2013 et de 6% par rapport à 2011) est encore 2 fois plus élevé que l’augmentation du PNB. Tout indique qu’il ne pourra pas être maintenu en 2015. Il en résulte que l’objectif d’un SMIG à 40% du salaire moyen est d’ores et déjà hors de portée puisque pour l’atteindre il faudrait une hausse de 20% cette année. A part Canton qui envisage une hausse à 19% pour rattraper l’absence de hausse en 2014, ailleurs les prévisions de relèvement du SMIG varient entre 13 et 10%.

Zhao Yang économiste chez Nomura Holdings Inc., également cité par Bloomberg, voit dans ce recul des promesses la faible capacité de négociation du monde du travail. Alors que l’économie ralentit, que le coût des emprunts ne baisse pas et que les taxes augmentent, les entrepreneurs tentent de préserver leurs marges en freinant la hausse des salaires. Ainsi se dessine la contradiction qui pèse sur le pouvoir : s’il est vrai que la hausse des salaires augmente le niveau de vie des ouvriers et participe à la réduction des inégalités, l’accroissement du coût du travail menace de réduire l’offre d’emploi condition de la stabilité sociale.

Harmoniser les pensions :


une urgence complexe à mettre en œuvre.

En dehors des salaires, l’autre levier d’action du pouvoir est le niveau des pensions et leur harmonisation. Le 5 mars, la promesse de Li Keqiang était d’augmenter de 10% les retraites des ouvriers du secteur industriel, tout en réduisant leurs cotisations. Il s’agit là d’un autre dossier sensible puisque le déficit des caisses de retraite dont les comptes sont grevés par les retards de cotisation, atteignait en 2012 la somme considérable de 86 000 Mds de Yuan (12 000 Mds d’€). Le 22 mars, le ministre des finances Lou Jiwei a mis les pieds dans le plat : les profits des groupes publics devraient en partie servir à renflouer les caisses.

Pour le ministre, en attendant que soit augmentée la durée légale du travail – une mesure également très impopulaire qui sera mise en œuvre progressivement - la seule solution est de mettre à contribution les entreprises d’État. Une décision qui touche aux féodalités et promet de soulever nombre de controverses.

En attendant, l’harmonisation des pensions, elle aussi objet d’importantes résistances, avance lentement, avec plusieurs projets de rééquilibrage pour supprimer, au moins en partie, les inégalités. En décembre, le gouvernement a rendu public un plan d’unification des statuts des ruraux et des urbains. Le 23 décembre, le vice premier ministre Ma Kai a, avec le ministre des ressources humaines, avancé un autre projet destiné à rééquilibrer les pensions du privé et du public. Soutenue par les experts et approuvée par l’ANP, la réforme provoque logiquement la grogne des fonctionnaires qui redoutent de perdre leurs avantages.

Quant au recul de l’âge de la retraite, elle bouscule un vieux tabou héritier de la révolution : les hommes devront travailler jusqu’à 65 ans au lieu de 60 et les femmes jusqu’à 60 ans au lieu de 50. Selon les experts de l’Académie des Sciences Sociales, il s’agit là d’une mesure urgente pour éviter la faillite des caisses. A la fin de 2013, il y avait 202 millions de personnes de plus de 60 ans, soit 15% de la population. En 2020 ils seront 248 millions, soit plus de 17%.

Ce n’est pas la première fois que le pouvoir tente l’harmonisation. En 1997 un essai avait échoué suite à la levée de boucliers des fonctionnaires. En 2006 une autre tentative qui ciblait les agents des hôpitaux et les enseignants avait été bloquée faute de financements. L’année dernière des enseignants du Heilongjiang avaient fait grève pour protester contre une expérience pilote qui les obligeaient à cotiser. Aujourd’hui, payés 3200 RMB (480 €), ils réclament une augmentation pour compenser les cotisations.

Une détermination nouvelle.

Mais cette fois, le gouvernement semble décidé à aller de l’avant. Suivant les déclarations de décembre, un plan qui concerne les 8 millions d’agents de l’État et 32 millions de fonctionnaires assimilés (enseignants, médecins et chercheurs), envisage une retenue sur salaire de 8% pour les fonctionnaires qui jusque là ne cotisaient pas.

La réforme vise aussi à égaliser les pensions entre les fonctionnaires dont la retraite est égale à 80 ou 90% de leurs salaires d’actifs et tous les autres, qui n’en touchent que la moitié. En accompagnement du projet qui ne manquera pas de faire des mécontents, le gouvernement engage les administrations publiques à proposer des plans d’épargne retraite exonérés de taxes.

Simultanément le montant des pensions augmente lentement, mais toujours avec de forts écarts entre le public et le privé. En 2005, la retraite d’un fonctionnaire était en moyenne de 1400 RMB (200 €) ; en 2011, elle avait été réajustée à 2175 RMB (325 €), quand la moyenne des retraites revalorisées du privé n’était encore que de 1500 RMB (225 €). En même temps, les dernières statistiques disponibles (2011) indiquaient que la retraite des travailleurs ruraux et des travailleurs saisonniers des villes plafonnait à 90 RMB mensuels (14 €). Ces écarts dessinent l’ampleur de la tâche sociale du régime. Ils justifient à eux seuls les inquiétudes du pouvoir.

Les avantages de la fonction publique ajoutés aux incertitudes économiques expliquent qu’un nombre important de diplômés continue à être attiré par le statut de fonctionnaire. En dépit des salaires modestes, 38% des jeunes disent vouloir devenir agent de l’État et 23% se disent intéressés par un emploi dans un groupe public, alors que seulement 32% envisagent une carrière dans le privé. En 2014, 900 000 jeunes Chinois ont présenté l’examen des fonctionnaires.


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