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Les malentendus de la relation Chine – Russie – Syrie

NOTE DE CONTEXTE

Les non-dits de la relation sino-russe. Mythes et réalités.

Le 10 juin dernier, Zhang Dejiang, Président de la Conférence Consultative du Peuple chinois, n°3 du régime, était à Kazan en visite à l’usine d’hélicoptère, dans le cadre d’un projet de fabrication en Chine, en coopération avec Moscou, du futur hélicoptère lourd sino-russe.

Les commentateurs de la relation sino-russe notent avec raison que les rapports entre Moscou et Pékin restent troublés par d’intenses arrière-pensées. Il est cependant nécessaire de mettre les différends en perspective. Même s’ils sont encore très vivaces, l’intérêt bien compris des deux contribue à les atténuer.

Les aigreurs rémanentes entre les deux grands voisins s’enracinent d’abord dans le souvenir de la compétition idéologique entre Mao et Staline. Les méfiances ont d’autant moins disparu que la rivalité idéologique qui avait pris en otage le dogme marxiste, créant des chapelles d’allégeance à l’intérieur même du bloc communiste de la guerre froide, avait, en 1969, dégénéré en un bref conflit militaire à la frontière nord de la Chine. La mèche avait été allumée par Mao qui, dès 1964, exaspéra Khrouchtchev en dénonçant les accords territoriaux signés avec la Russie impériale par la dynastie mandchoue (1644 – 1911). La querelle qui couvait depuis les années 50, dura jusqu’en 1989.

Aujourd’hui, les inquiétudes sont encore attisées par la baisse brutale des échanges (énergie et équipements militaires russes contre le flot des produits de consommation courante chinois) due à la contraction de la demande chinoise (1), ce qui brouille l’image d’une relation idyllique que les deux capitales s’efforcent de faire valoir. A quoi s’ajoutent deux sujets de tensions récurrents, répétés à l’envi par nombre d’analystes : l’irritation des ingénieurs russes après les captations par les Chinois de la technologie des Sukhoi dans les années 90 (2) et la vieille crainte née du déséquilibre démographique dans l’Extrême Orient russe où certains, à Moscou, redoutent le développement de colonies chinoises (3).

D’autres tensions sous-jacentes parasitent la relation, enveloppées dans deux séries de non dits. D’abord, les rivalités en Asie Centrale où la Russie constate l’effritement de son influence remplacée par celle des pragmatiques chinois bardés de leurs finances ; ensuite les difficultés des contrats gaziers du siècle (38 Mds de m3 par an pendant 30 ans, à l’Est, signé le 21 mai 2014 et, en négociations, 30 Mds de m3 pendant 30 ans l’ouest). Les deux recèlent des controverses sur le prix, à propos duquel ni Moscou ni Pékin ne communiquent. Les non-dits sur les prix sont encore compliqués par les dissensions sur le financement des « pipes » et le choix de leurs trajectoires venant de Russie. Gazprom privilégiant le trajet Ouest et Pékin les livraisons à l’Est (par bateau ou par gazoducs), proches des centres industriels et des consommateurs.

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Notes.

1.- Selon les chiffres OMC du mois d’août, au premier semestre 2015, le commerce bilatéral était en baisse de 29% par rapport à la même période 2014.

2.- Les aigreurs semblent dépassées puisqu’au printemps 2015 un voyage du vice-premier ministre Dmitri Rogozin à Hangzhou où il a rencontré le vice-premier ministre Wang Yang, a permis de jeter les bases de la construction en Chine d’hélicoptères russes. Un article du China Daily du 10 septembre confirmait l’avancement du projet qui envisage de commencer en 2016 la fabrication d’un hélicoptère lourd dont le premier exemplaire sera pourvu de la turbine à gaz russe Lotarev D-136 qui équipe déjà les MI-26.

Selon Lin Zuoming, PDG d’AVIC, le nouvel hélicoptère lourd chinois pourrait accomplir son premier vol d’essai en 2020. D’une capacité d’emport de 10 tonnes, ou 100 passagers, à une vitesse maximum de 300 km/h et un rayon d’action de 630 km, il sera capable de voler à des altitudes supérieures à 5000 m. C’est à dire au Tibet dans le cadre d’une opération de répression contre une insurrection, ou pour réagir à des catastrophes naturelles en haute altitude comme le tremblement de terre du Sichuan en 2008. Selon les concepteurs, le nouvel hélicoptère viserait 25% du marché mondial.

L’appareil sera une concurrence pour les autres types d’hélicoptères lourds en service, parmi lesquels : Le MI-26 russe (capacité d’emport 20 tonnes, vitesse 265 km/h, rayon d’action 590 km) ; le CH-53E américain de Sikorsky (capacité d’emport 15 tonnes, vitesse 300 km/h, rayon d’action 1000 km ; le CH-47 Chinook de Boeing, (capacité d’emport 10 tonnes, vitesse 300 km/h, rayon d’action 2000 km) ; le NH 90, européen (capacité d’emport 4 tonnes, vitesse 260 km, rayon d’action 900 km). Aucun des concurrents du futur hélicoptère chinois n’a la capacité de voler à plus de 3500 m.

3.- La crainte exprimée par les conservateurs russes ne se vérifie pas. S’il est vrai que les mouvements de population sont nombreux, les colonies de peuplement chinoises restent marginales. Au lieu de la colonisation sauvage redoutée, le partenariat sino-russe favorise plutôt un développement concerté de la Sibérie orientale.


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