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Les très anciennes relations entre la Chine et la Perse

Les relations entre Pékin et Téhéran se nouent aujourd’hui de plus en plus autour de gros contrats de pétrole et de gaz, qui assurent une partie de la formidable consommation en énergie de la Chine. Dans le sens Chine - Iran ce sont les ventes d’équipements et de technologies sensibles (technologies missiles dont des missiles anti-navires et technologies nucléaires) soit directement, soit par un pays tiers (Corée du Nord ou Pakistan), avec de probables détournement vers le Hezbollah, qui attirent l’attention des observateurs.

Ces sujets, qui font les gros titres de l’actualité, laissent parfois dans l’ombre la longue histoire commune entre l’empire Perse et la Chine qui remonte à plus de quatorze siècles. Un recul historique exceptionnel qui explique peut-être autant que les échanges sensibles et la boulimie de pétrole du XXe siècle l’étonnante proximité stratégique entre Pékin et Téhéran. Celle-ci se traduit aujourd’hui par la cohérence des attitudes sur la question du nucléaire iranien, dessinant une convergence qui fait suite à une longue période de rapprochement commencée en 1971 avec la reconnaissance de la Chine par le Shah.

Un prince perse à la tête des armées chinoises

Pour illustrer cet aspect trop rarement évoqué des relations entre la Chine et l’Iran, voici l’histoire de Pirooz, un prince perse devenu général de l’armée des Tang et dont toute la descendance a fait souche dans l’Empire chinois.

La proximité entre la Chine et la Perse date de l’empire Tang (618 - 900 ap JC). Certaines annales chinoises sur cette question ont été écrites par le fils d’un Prince Perse du nom de Pirooz, le Prince Nah Shieh, devenu général chinois et dont les armées étaient stationnées dans des régions devenues aujourd’hui l’Afghanistan, le Tadjikistan et l’Uzbekistan.

Dans son journal Nah Shieh raconte qu’en 660 ap JC son père, le jeune Prince Pirooz encore enfant échappa aux Arabes qui avaient assassiné sa famille et décapité son père. L’enfant fut protégé par la nombreuse suite de notables et de soldats perses qui se réfugièrent en Chine après avoir franchi les monts Pamir.

Xian accueille la cour impériale perse en exil

A Xian la capitale de l’Empire Tang, la troupe prit contact avec des marchands Perses venus d’Asie centrale (Bactriane, Sogdiane) installés depuis longtemps en Chine. Ces derniers l’introduisirent au palais et présentèrent le Prince à l’Empereur.La chronique insiste sur la chaleur de l’accueil que leur réserva le souverain.

C’est ainsi que cette nouvelle colonie perse rescapée de la conquête arabe fut autorisée à faire souche dans 28 villages autour de la capitale, où elle recréa, avec l’accord de l’Empereur, une mini-cour impériale perse en exil.

Initié aux arts martiaux, Pirooz devint à son âge d’homme un général de l’armée impériale chinoise. Après un temps il obtint l’autorisation de tenir garnison sur les marches occidentales de l’Empire et il ne fallut pas longtemps avant que jeune Perse de sang royal, devenu un soldat de l’Empire du Milieu ne se mette à harceler les Arabes Omeyades avec l’ aide des tribus turques.

A sa mort en 700 il fut enterré face à l’Ouest. Dans son journal son fils Nah Shieh écrit que, sur son lit de mort, son père, après s’être réjoui d’avoir pu se battre pour sa patrie Perse contre les Arabes, remercia la Chine, sa patrie d’adoption de l’avoir accueilli, et dit à son clan rassemblé autour de lui : « Nous ne sommes plus Perses. Nous sommes devenus Chinois ».

Ses descendants, fils et filles de Nah Hsieh, épousèrent tous des Chinois de sang royal. Le Prince Pirooz et sa nombreuse descendance vécurent à une époque où la Chine médiévale fut confrontée à l’influence de nouvelles doctrines religieuses venues d’Occident et du Moyen Orient, principalement de la Perse sassanide et d’Asie centrale : Le Christianisme Nestorien, le Manichéisme et le Mazdéisme.

Recul des armées Tang

En 751 les armées chinoises, commandées par le général coréen Gao Xianzhi furent vaincues par les Arabes près d’Alma Ata sur la rivière Talas. Alors commença le long repli des Tang vers la Chine qui s’acheva en 790, date à laquelle l’empire chinois avait perdu le contrôle de tous les territoires situés à l’Ouest de la porte de Yumen (Gansu Occidental).

Pendant cette période les garnisons Tang fermèrent les unes après les autres et leurs occupants chinois, suivis de nombreuses populations perses d’Asie centrale qui fuyaient les invasions arabes, rentrèrent en Chine. Beaucoup y firent souche. Il existe des traces de cette présence perse en Chine, au Xinjiang dans la région de Turfan, dans la région de Dunhuang (stèles et manuscrits bilingues, inscriptions funéraires bilingues et de nombreux documents faisant référence à l’existence de cultes iraniens en Chine).

Dans la région de Xian une tombe datant du IXe siècle à été mise à jour abritant la dépouille d’une jeune femme, fille d’un général chinois d’origine perse, portant des inscriptions en Chinois et en vieux Persan. Beaucoup d’habitants de la région de Xian ont des allures moyen orientales, avec des nez bien plus fort que ceux des Chinois Han et un village de cette région, qui fut le théâtre de nombreux brassages de populations, s’appelle Xi Wang Chuan ce qui signifie village du Roi de l’Ouest.

Mais la période des Tang ne fut pas la seule à donner lieu à des migrations entre la Chine et le Moyen Orient. Les invasions mongoles initièrent également des transferts de populations, quoique sur une période moins longue et de manière bien plus plus brutale.

Les armées mongoles en Perse.

Quelques six siècles plus tard, en effet Kubilai Khan ayant conquis la Chine se débarrassa des anciens membres de la cour impériale des Song, fonctionnaires, artistes, ingénieurs, collecteurs d’impôts, qui furent envoyés en Perse où régnait alors le frère de Kubilai, Hualagu Khan.

En même temps, Kubilai intégra à l’empire chinois des soldats et des marchands turcs et juifs d’Asie Centrale. En Perse, des Chinois Song exilés comme le Général Kuo Kan, dont la tombe a récemment été retrouvée en Azerbaïdjan, se dévouèrent au service de leurs maîtres mongols et leur enseignèrent la technique pour venir à bout des villes fortifiées.

Ces chroniques révèlent d’abord l’extraordinaire ouverture de l’Empire chinois des Tang, dont l’influence s’est étendue jusqu’en Perse et au-delà. En 661, l’administration chinoise était en effet présente dans les confins de l’Iran oriental. Lors du déclin de la dynastie, le retrait des armées impériales eut pour effet d’entraîner derrière elles des cohortes de peuples fuyant les invasions arabes.

On aurait tort de sous estimer les liens historiques entre la Chine et la Perse. La connivence actuelle entre Pékin et Téhéran se nourrit bien sûr de cette proximité historique qui s’ajoute aux relations commerciales et industrielles modernes ; elle se nourrit également de la conscience que, jadis, l’un et l’autre avaient joué un rôle central, et débouche naturellement sur la volonté partagée à Téhéran et à Pékin de recréer le passé.

Du coup, Téhéran et Pékin également animés par le désir d effacer les humiliations de l’histoire se retrouvent sur un terrain où les sentiments politiques qui dominent sont le nationalisme, la volonté d’indépendance et les questions de souveraineté.


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