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Li Keqiang à Belgrade : les affaires chinoises au milieu des tensions entre la Russie, l’Europe et l’OTAN

Pékin condamne les ingérences, mais « comprend » Moscou.

A la mi-mai 2014, après 10 ans de négociations la Chine et la Russie ont signé un accord gazier pour la fourniture annuelle de 38 Mds de m3 par la Russie. Conclu sous la pression des tensions avec Bruxelles, il est probable que la Russie a accepté un compromis de prix en-dessous de ses espérances. Les premières livraisons prévues pour 2018 - 2019 modifieront la situation du marché de l’énergie.

La Chine - dont chacun voit bien que les intérêts sont à cheval entre Moscou, pourvoyeur d’hydrocarbures et l’Union européenne cible des exportations et du jeu d’influence chinois -, répugne à prendre trop clairement partie dans une querelle qui gène ses stratégies articulées autour des bénéfices mutuels de coopérations économiques « équilibrées à l’avantage de tous ». Certes la Chine est sensible aux discours et aux actions du Kremlin qui réaffirment le nationalisme russe et rejettent les ingérences extérieures.

En juin dernier, Wang Jisi, expert des relations avec les États-Unis à l’université de Pékin disait dans une interview au magazine Caijing que Poutine était un des chefs d’États étrangers que les Chinois admiraient le plus pour sa « diplomatie de fer ». En juillet, dans un article d’une revue militaire, le Colonel Fang Bing, professeur à l’université de la défense nationale relevait que, pour la Russie, l’Ukraine avait une importance historique et culturelle supérieure à celle qu’avait Taïwan pour la Chine. Historiquement et culturellement, elle était assimilable aux provinces centrales du Shaanxi et à la vallée du Fleuve Jaune.

Surtout, il soulignait que l’expansion de l’OTAN dans la région était vue par Moscou comme une dangereuse contraction de son espace stratégique. Une observation qui renvoyait aux reproches que la Chine fait aux stratégies américaines dans le Pacifique occidental. Même si, fidèle au principe chinois de non ingérence, il n’approuvait pas l’annexion de la Crimée, il disait pouvoir la comprendre, compte tenu de la manière illégale dont l’opposition avait pris le pouvoir à Kiev.

L’OTAN reste la bête noire des Chinois…

D’un colloque à l’Institut International des Études Stratégiques de l’Université de Pékin (en Anglais : IISS ; en Chinois 北京大学国际关系学院), organisé à la mi-octobre, il ressort que la Chine voit l’affaire ukrainienne dans la perspective longue des pressions récurrentes exercées par l’Occident et l’OTAN aux approches stratégiques de la Russie et de la Chine en Europe de l’Est et dans l’ex-Asie Centrale soviétique.

Dans ce contexte où les agacements se sont accumulés au fil du temps depuis la fin des années 90, Pékin estime comme Moscou que l’humiliation subie par le gouvernement de Yanukovitch dont la souveraineté n’a pas été respectée, a constitué l’élément déclencheur d’un crise qui couvait depuis longtemps.

…en partie responsable de l’escalade.

Pour autant, la Chine, opposée aux pressions contre Moscou, est mal à l’aise dans cette atmosphère d’escalade. Pour déployer sa stratégie tous azimuts de constructions d’infrastructures, d’investissements et de prêts bancaires, Pékin doit en effet pouvoir compter sur un environnement normalisé. C’est pourquoi elle souhaite que l’Europe la Russie et l’OTAN s’engagent dans des négociations sans conditions accompagnées d’une réduction graduelle des sanctions.

Mais selon les chercheurs chinois de l’IISS eux-mêmes, la perspective d’apaisement est peu probable à court terme. Tout indique en effet que les États-Unis et leurs alliés européens attendent que les sanctions fassent leur effet sur l’économie russe déjà affaiblie par la chute du prix du pétrole. Selon Mikhail Korchemkin fondateur et animateur de la société de consulting « East European Gas Analysis », l’annulation du projet Southstream était inscrite dans l’annexion de la Crimée, tandis que les sanctions occidentales ont détruit la capacité de Gazprom de rassembler les capitaux.

Au milieu des tensions, l’apaisement des affaires.

Le siège de la Bank of China à Budapest.

Tel est le contexte de la visite de Li Keqiang en Serbie dans un pays qui n’est pas sujet aux strictes règlementations de Bruxelles et où il a rencontré les représentants de 16 pays d’Europe centrale et orientale.

Accompagné d’une forte délégations d’hommes d’affaires il a présenté une stratégie orientée autour de prêts à longs termes à quoi s’ajoutent des projets d’investissements dans l’industrie, l’énergie, les transports et l’agriculture. La construction de voies ferrées proposées à plusieurs partenaires est destinée à améliorer la connectivité Est – Ouest et vers le port du Pirée dont deux terminaux sont aujourd’hui gérés par la société chinoise COSCO.

Au profit des économies en mal de « cash »…

En arrivant, Li a annoncé la création d’un fond d’investissements de 3 Mds de $ destinés à soutenir les économies de la région en mal de cash. La promesse fait suite à celle déjà faite en 2012 de 10 Mds de $, dont une partie seulement a été débloquée. Elle s’accompagne de l’intention du gouvernement d’inciter les entrepreneurs chinois à ouvrir des usines dans des parcs industriels dont la multiplication devrait, a dit Li Keqiang, à la fois créer des emplois en Europe, améliorer les savoir-faire chinois et faciliter le rééquilibrage des économies entre l’Est et l’Ouest de l’Europe.

Concrètement, un certain nombre de réalisations sont déjà dans les tiroirs, en cours ou terminées. En 2013, au deuxième sommet des PECO avec la Chine à Bucarest, 80% des 38 projets ont été mis en route. Cette année en marge du sommet, le premier ministre a inauguré en Serbie le premier grand projet d’infrastructure construit par la Chine en Europe : un pont d’1,5 km sur le Danube à Belgrade dont la valeur est de 136 millions d’€.

En même temps, la Serbie et la Chine ont signé un contrat d’1 milliard d’€ pour la reconstruction de la principale centrale thermique du pays à Obrenovac et la mise en chantier d’une nouvelle unité à Kostolac. La réalisation d’un réseau ferré de trains rapides entre la Grèce et la Hongrie et vers le port du Pirée ainsi que la construction de centrales nucléaires chinoises font également partie des projets annoncés par Li Keqiang.

…et dans l’intérêt de la Chine.

Les cibles est-européennes sont le terrain idéal de l’approche circulaire des marchés de l’Union Européenne pour les entreprises chinoises encore sans expérience ou inquiètes des coûts trop élevés du travail à l’Ouest de l’Europe. La démarche vise aussi à investir les réserves de devises chinoises à l’extérieur, une tendance qui ne fera que s’amplifier. Pour l’heure, le commerce entre les 16 et la Chine augmente de 7 à 8% par an, mais avec un net excédent au profit de la Chine.

Dans ce contexte, des pays comme la Pologne qui souffrent des contre-sanctions russes appliquées aux exportations de fruits et légumes européens, espèrent remplacer leurs exportations effondrées vers la Russie par des parts de marché en Chine.


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