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Li Keqiang en Europe et en France. Bilan, grandes promesses et quelques non dits

Pékin – Paris : l’embellie sur fond de frustrations et de non dits.

Aux Invalides, Li Keqiang a reçu un accueil de chef d’État.

En France la visite du premier ministre a une fois encore baigné dans l’idée française que les fastes de l’apparat et la dithyrambe de « l’amitié éternelle » seraient les adjuvants nécessaires à la richesse d’une relation pourtant régulièrement secouée par des crises, handicapée par d’incessants malentendus et chahutée par des aigreurs d’importance diverse, sur la question des visas, celle des droits de l’homme et du Tibet et la tendance chinoise à considérer la France comme le maillon faible plus facile à malmener que l’Allemagne.

Quand l’ancien Commissaire européen au commerce Karel De Gucht avait lancé des investigations contre le « dumping » des panneaux solaires chinois ou accusé les géants des télécoms chinois Huawei et ZTE de bénéficier de subsides publics, Pékin riposta en s’attaquant aux exportations européennes de vin en Chine, en grande majorité françaises. La querelle ne fut résolue qu’après la promesse des viticulteurs européens d’apporter une assistance technique à l’industrie du vin chinoise qui elle-même s’était engagée à mieux assurer la promotion des vins européens sur le marché chinois.

Les points de friction systématiquement écartés.

Mais, dans la succession des relations en dents de scie entre Paris et Pékin, l’épisode de la visite de Li Keqiang constitue sans doute un point haut où les motifs de fâcheries avaient été volontairement mis de côté. Lors de la visite de Li Keqiang à Toulouse, même la démission de Mike Poon, accusé de corruption, de son poste de PDG de Friedmann Pacific Investment Holdings Limited, l’acteur financier les plus impliqué dans la reprise de Blagnac à 49,9% par le groupe chinois « Symbiose » n’a pas fait débat (lire notre article Des Chinois à Blagnac : une faillite française).

Lire le discours du Premier ministre Li Keqiang à la cérémonie de clôture du Sommet économique sino-français

Un important jalon de la relation France-Chine :

Coopérations industrielles et synergies à l’export.

Le sommet économique franco-chinois de Toulouse a tracé la route des coopérations futures avec en exergue les partenariats industriels nucléaires et aéronautiques, les gestion de l’eau par le groupe Suez, la part de CMA - CGM dans les projets logistiques chinois des « nouvelles routes de la soie » et la synergie des produits franco-chinois à l’export.

L’embellie bilatérale a été confirmée par le discours du premier ministre chinois le 2 juillet, lors de la clôture du sommet économique tenu dans la « ville rose » après les étapes de Paris, Marseille et Arles. S’il est revenu sur l’ampleur historique des deux pays glosant sur la formule de Charles De Gaulle d’une France ne « pouvant être elle-même sans la grandeur », symétrique de la grandeur chinoise, Li Keqiang a surtout tracé le bilan de son voyage non seulement dans les secteurs traditionnels de la coopération (Nucléaire, aéronautique, transports), mais également dans les nouvelles directions de l’aménagement urbain, de la modernisation agricole, de la sécurité alimentaire et de la protection de l’environnement.

Surtout, et peut-être est-ce là la principale avancée du voyage, la France et la Chine ont décidé de s’engager dans une coopération pour promouvoir des produits franco-chinois sur des marchés tiers, dont l’épine dorsale sera formée du large éventail de coopérations possibles dans la filière nucléaire. Lancé lors de la visite de Manuel Vals à Pékin en janvier 2015, le projet vise à permettre à l’industrie nucléaire française de rebondir en Chine après le passage à l’âge adulte du partenaire chinois, aujourd’hui plus indépendant, dans un contexte d’une féroce offensive de l’Américain Westinghouse.

Lire aussi Coopération nucléaire franco-chinoise : une page se tourne

La liste va de la construction en cours de 2 EPR sur le site Taishan à la sureté nucléaire et à la recherche, avec en ligne de mire la possibilité d’une coopération industrielle capable d’exporter des réacteurs franco-chinois, en passant par la coopération directe en cours pour la construction de deux réacteurs EPR opérés par EDF sur le site de Hinkley Point en Grande Bretagne et le projet d’une usine de retraitement – recyclage.
- Les tribulations nucléaires franco-chinoises à l’export
- Déclaration conjointe sur l’approfondissement de la coopération franco-chinoise sur l’énergie nucléaire civile (document PDF).

Promesse d’équité commerciale en Chine.

Contre assurance de réciprocité en France.

A la fin de son discours, Li Keqiang, qui a aussi tenu à rassurer Manuel Vals et Emmanuel Macron sur l’état de l’économie chinoise et des réformes d’ouverture, a tenté d’effacer les mauvais effets des récentes campagnes menées en Chine contre les entreprises étrangères accusées d’enfreindre la loi sur les monopoles et dont la vigueur avait en partie pour but de protéger les entreprises chinoises de la concurrence étrangère.

L’ampleur des accusations plus ou moins motivées avait fini par susciter une réaction de la chambre de commerce européenne. La dernière phrase du discours de Li Keqiang était à la fois une promesse et une attente de réciprocité : « Vos entreprises enregistrées en Chine seront traitées comme des entreprises chinoises et jouiront d’un climat d’affaires équitable et ouvert. Nous encourageons également les entreprises chinoises à s’implanter en France et espérons qu’elles bénéficieront de bonnes conditions de développement dans notre pays. »

Lire notre article La chambre de commerce de l’UE en Chine proteste contre la campagne anti-trust

Une cascade d’accords

Airbus a accepté d’ouvrir une usine d’assemblage de l’A330 à Tianjin en échange de la commande ferme de 45 appareils et de 30 engagements d’achat.

Concrètement le voyage a donné lieu à la commande ferme de 45 Airbus A 330 (long courrier à fort potentiel de modèles dérivés dont 150 exemplaires volent déjà en Chine) pour 16 Mds d’€ assorti d’un accord industriel réclamé par les Chinois pour la création d’une chaîne de finition de l’appareil à Tianjin mais que le PDG d’Airbus avait subordonné à une commande substantielle chinoise.

A côté, les deux parties ont rendu public un accord de partenariat conclu entre Suez Environnement associé à New World Services (新世界服务) et la municipalité de Chongqing (représentée par Chongqing Water Assets (重庆市水务资产) pour la création d’une JV de gestion de l’eau à vocation nationale chinoise.

Les autres accords importants ont été des lettres d’intention entre Alstom et la compagnie des Trois Gorges pour la fourniture de turbines et entre Areva – EDF et l’autorité nucléaire chinoise pour une usine de retraitement. De son côté CMA – CGM s’introduit dans le méga-projet chinois des nouvelles routes de la soie grâce à la signature avec le géant public China Merchants (招商局集团) d’un partenariat destiné à exploiter les opportunités créées par le projet chinois dans le secteur des infrastructures portuaires et logistiques.

Le premier pas, qui a consisté à l’ouverture d’une ligne de crédit à CMA – CGM par l’Exim Bank, bras armé financier des projections extérieures chinoises, a cependant été à l’avantage de la Chine, puisque les fonds transférés au géant français du transport maritime financeront l’achat de navires logistiques construits par les chantiers navals chinois.


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