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›› Editorial

Main basse sur le cinéma chinois à Qingdao

Sévère compétition interne.

Si Wang Jianlin n’est pas le seul en lice dans le secteur du cinéma il a au moins gagné une première bataille contre un longue liste de concurrents dont les plus connus sont Polybona film group, à cheval sur la Chine Continentale et Hong Kong et Huayi Brothers, société de productions créée en 1994 par les frères Wang Zhongjun et Wang Zhonglei. En février 2011 ces derniers avaient annoncé, dans un style emphatique camparable à celui de Wang Jianlin qu’ils s’apprêtaient à mettre sur pied le plus grand complexe de studios cinéma et TV en Asie de l’Est, avec à la clé un profit estimé à 10 Mds de Yuan en 2016 (1,6 Mds de $).

Pour illustrer la compétition impitoyable que se livrent les investisseurs chinois, surveillés de près par la bureaucratie qui entend bien prendre sa part du gâteau dans ce nouveau secteur lucratif alors que la manne financière de la Chine usine du monde est en train de se tarir, il suffit de consulter un article publié le 30 mai 2012 dans le China Daily.

Publié quelques jours avant le rachat de AMC par Wanda, une initiative qui a provisoirement modifié les rapports de forces dans la profession et promptement rallié l’attention des administrations, l’article qui présentait un autre projet situé à Wuxi, du même calibre que celui de Qingdao, ne parlait certes pas de qualité artistique ou d’innovation, mais, comme aujourd’hui, il donnait au lecteur le vertige des chiffres.

On y parlait d’abord de l’explosion du marché chinois, le sempiternel et presque unique argument de la bureaucratie qui soulignait que le nombre de salles à projection digitale qui n’était que de 80 en 2008 avait atteint 7000 aujourd’hui, chevauchant un « tsunami » de recettes passées de 1 Mds de Yuan 2002 à 13,1 Mds en 2011. Surtout à l’époque, l’administration et la télévision officielle CCTV semblaient avoir jeté leur dévolu sur le projet de Wuxi dont la description ressemblait à s’y méprendre à celle qu’on lit aujourd’hui à propos de Qingdao.

L’auteur citait notamment Zhu Weiping le Secrétaire du Parti du district de Wuxi où s’installeront les studios. Il expliquait que « dans 3 à 5 ans le complexe produirait 30 à 40 films chinois et étrangers chaque année et que l’Etat et la province du Jiangsu y investiraient 1,58 Mds de $ ». Dans ce contexte, ajoutait Zhu, « les studios de Wuxi attireront 30 000 à 50 000 professionnels du cinéma d’ici 2017 et deviendront une plateforme pour les réalisateurs chinois et étrangers ».

Là aussi l’argent, nerf de la guerre et le marché, son adjuvant, devaient attirer les talents étrangers et dynamiser la création cinématographique chinoise. Le schéma rappelle celui qui fut si longtemps à l’œuvre dans l’industrie, d’abord pour attirer les investissements, puis les technologies de pointe.

Dans cette bataille pour l’argent, le pouvoir et l’influence où la création artistique n’a qu’une place marginale, on voit bien qu’aujourd’hui le coup d’éclat de Wang Jianlin vient de le propulser en tête de course. Le Parti Communiste qui appuie ces initiatives ne s’y est pas trompé. Li Qiangkuan président de l’Association des cinéastes contrôlée par le gouvernement estimait que le projet de Qingdao « inédit par la puissance des investissements et par sa dimension », était « historique », et que « situé au meilleur niveau, il symbolisait le développement à venir ». On ne pouvait pas mieux dire.

La bureaucratie est sur les rangs.

La municipalité de Qingdao, présente au grand complet lors du coup d’éclat médiatique du 22 septembre a suivi le mouvement puisque dans une des villes les plus chères de Chine, les 6000 hectares nécessaires au projet ont été attribués en un temps record, à des prix défiants toute concurrence. Pour le groupe Wanda il s’agit de créer de toutes pièces une vingtaine de studios, dont un sous-marin, un parc à thème copié sur celui d’Orlando, des cinémas, des hôtels de luxe, un club nautique, qui transformeront Qingdao en une cité mondiale de la télévision et du cinéma. Le premier festival s’y tiendrait en 2016.

Preuve que les temps changent, il y a seulement quelques années la meilleure solution pour obtenir un terrain à bas prix à Qingdao était de présenter un projet d’assemblage industriel, dont récemment la mode était à l’automobile. L’épidémie s’était étendue à toute la Chine provoquant la naissance de plus d’une centaine de marques automobiles vite engagées dans une compétition chaotique impitoyable et destructrice.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n’est pas difficile de prévoir que les rivalités mortifères seront bientôt à l’œuvre dans le secteur du cinéma. Déjà Wang Zhongjun expliquait il y a quelques semaines qu’il croyait fermement que son groupe dont il détient 26% des parts dépasserait en 2013 le niveau de ses bénéfices de 2012 évalués à 342 millions de $, soit 20 % des profits que le groupe projette de faire en 2016.


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