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Mer de Chine du Sud : Le G.7 accuse la Chine qui se cabre

Le paradoxe de Manille.

Pour autant, les apparences des discours à l’emporte-pièce et d’une volte-face radicale cachent quelques réalités dont l’analyse incite à nuancer le radicalisme définitif de Rodrigo Duterte, pris dans un dilemme complexe.

Le premier angle de la contradiction est la quête d’énergie de l’archipel en développement rapide plaçant les Philippines presque sans aucune marge de manœuvre sous la coupe des exigences de souveraineté de Pékin dont le cœur est le gisement d’hydrocarbures encore inexploité du haut-fond de Reed réclamé par la Chine, mais dont la partie orientale se trouve à l’intérieur de la Z.E.E philippine.

Questionchine avait analysé en détail cet aspect de la question : lire Mer de Chine du sud. La carte sauvage des hydrocarbures. Le dilemme de Duterte.

Ecartelé entre ses pressants besoins en énergie et l’activisme chinois, Duterte semble aujourd’hui pencher vers la solution chinoise, pourtant très impopulaire aux Philippines, de l’exploitation partagée des ressources du haut-fond. A la mi-mai, il était à nouveau en Chine invité au séminaire sur les nouvelles routes de la soie. Coïncidence, la réunion avait lieu durant le créneau de la 33e édition de l’exercice militaire annuel conjoint entre Manille et Washington, baptisé « Balikatan ».

L’autre aspect du paradoxe des déclarations très antiaméricaines de Durterte est en effet que Manille est toujours un allié militaire de Washington, dont l’expression la plus emblématique fut la tenue du 8 au 19 mai 2017 d’un des grands exercices militaires américains en Asie. il est vrai que pour tenir compte de la sensibilité de plus en plus pointilleuse de Pékin, les organisateurs avaient mis de l’eau dans leur vin.

Contrastant avec le thème de 2016 qui était de s’exercer à une riposte après une tentative d’invasion de l’archipel, ceux de cette année, moins polémiques, furent les réactions aux catastrophes naturelles et le contre terrorisme.

Ce dernier thème tombait à point nommé, compte tenu de la persistance de la menace des Islamistes d’Abu Sayyaf à Mindanao où Duterte a déclaré la loi martiale, craignant que l’île, grande comme la Corée du sud, peuplée de 21 millions d’habitants ne devienne le point de ralliement des Islamistes malaisiens et indonésiens. Le 23 mai, à Marawi qui s’était déclaré « ville islamique » en 1980, des groupes se réclamant du Dhihad et de l’Etat Islamiqueont ont brûlé une église tout en prenant contrôle de l’hôpital et d’un poste de police.

Ajoutant à l’ambiguïté de Manille, expression de ce qui est peut-être une stratégie à deux faces du président philippin, le maintien des exercices annuels ménage l’allié américain, seule marge de manœuvre contre la stratégie invasive de Pékin, visant, au prix de concessions de façade, à s’approprier les ressources, puis sous le masque de l’apaisement, à concéder le partage de leur exploitation.

Enfin, carte sauvage pouvant limiter la portée de la bascule stratégique de Manille vers Pékin et Moscou contre Washington, aux Philippines, l’opinion est loin d’être dans les mêmes dispositions que Duterte à l’égard des États-Unis et de la Chine. Selon une enquête de Pew Research Center de 2015, les Philippines sont le pays au monde où l’adhésion à l’Amérique est la plus marquée.

Alors que seulement 54% considèrent la Chine avec amitié, ils sont 92% à avoir une opinion favorable des américains, en dépit des réminiscences néfastes renvoyant à la règle impériale du colonisateur et, aujourd’hui, à l’entrisme insistant du Pentagone. Cette sensibilité du public aux arrières plans nationalistes constitue le plus grand obstacle à la mise en œuvre de la solution chinoise d’exploitation partagée des ressources

L’arbitrage de La Haye. Un trompe l’œil.

Dix mois après l’arbitrage de La Haye il est possible de tirer un premier bilan des stratégies chinoises. Alors que pas plus que le G.7, la Cour internationale n’a les moyens d’obliger la direction chinoise à se conformer à ses injonctions, la Chine, guidée à la fois par le recul commercial de la nouvelle Maison Blanche laissant libre cours à l’influence économique chinoise et l’arrivée au pouvoir de Duterte à Manille en froid avec Washington, a habilement manœuvré pour diffuser le sentiment qu’elle prônait l’apaisement, tout en continuant à accuser les États-Unis et le Japon, d’être des fauteurs de guerre.

En réalité, la concession accordée à Manille sur le récif des Scarborough débarrassé des garde-côtes chinois, cache la détermination de Pékin, non seulement à s’approprier les ressources, mais également à continuer à réclamer la totalité de la mer de Chine du Sud à l’intérieur de « la ligne en 9 traits » dont le tracé remonte à 1947.

Souplesse tactique et inflexibilité stratégique.

Ayant accepté un compromis tactique autour des Scarborough, le Politburo chinois a, brisant la cohésion de l’ASEAN sur le sujet, obtenu en échange une négociation directe avec Manille sans renoncer à ses prétentions sur les ressources en hydrocarbures du haut-fond de Reed et, encore moins, sur sa revendication de souveraineté sur les îlots élargis et l’espace à l’intérieur de la ligne en 9 traits.

Cette position, appuyée sur des arguments historiques, remontant parfois à la dynastie des Han (25 – 220 ap. JC) a été officiellement confirmée par un livre blanc du Conseil des Affaires d’État du 13 juillet 2016. Elle reste inflexible, quand bien même, selon la convention sur le droit de la mer, certains des îlots submergés à marée haute comme les récifs des Mischief, Johson, Cuarteron, Fiery Cross, ne peuvent, avec ou sans travaux d’élargissement, générer des eaux territoriales.

L’ambiguïté des stratégies chinoises a encore été confirmée le 18 mai à Guiyang dans la province du Guizhou quand Pékin a affiché sa détermination à parvenir avec les dix pays de l’ASEAN à la mise au point d’un code de conduite en mer de Chine du sud que, pourtant, elle freine depuis 15 ans.

En dépit des bonnes paroles, l’apaisement ou au contraire les tensions, resteront tributaires des positions chinoises à propos de la souveraineté dont la sensibilité nationaliste est explosive chez tous les pays riverains. Or rien ne dit que, sur ce sujet, Pékin soit décidé à transiger. Au contraire.

La souveraineté toujours au cœur des tensions.

Après qu’en août 2016, la Cour Suprême Chinoise ait étendu sa juridiction à toutes les zones maritimes sur lesquelles elle affirme sa souveraineté, incluant les eaux territoriales, les zones contigües, les ZEE, et les plateaux continentaux, l’activité de la chasse chinoise pour affirmer les droits chinois au-dessus des îlots a notablement augmenté en mer de Chine de l’Est et du sud. A plusieurs reprises, l’activisme de l’armée de l’air chinoise a donné lieu à des réactions du Pentagone accusant les pilotes de l’APL de se livrer à des manœuvres dangereuses.

Le dernier en date a eu lieu le 24 mai à 240 km au sud de Hong-Kong dans l’espace aérien international, entre un appareil de surveillance américain P-3 Orion et 2 chasseurs chinois J-10 ayant évolué à moins de 200 m de l’appareil américain. L’incident fait suite à un autre en mer Jaune, le 17 mai, quand 2 chasseurs SU-30 se sont approchés d’un quadriréacteur de l’US Air-force de type WC-135, effectuant une mission de surveillance radiologique. Selon l’équipage américain l’un des deux chasseurs aurait survolé leur appareil à faible distance en volant sur le dos.

A ces accusations, le porte parole du MAE chinois répond que les États-Unis ont récemment dépêché de nombreuses missions navales et aérienne dans les eaux et l’espace aérien chinois, empiétant sur la souveraienté chinoise et mettant en danger les équipages américains et chinois. Il ajoute que l’APL continuera ses missions de protection de la souveraienté et de la sécurité de la Chine, et demande instamment aux États-Unis de « prendre des mesures concrètes pour corriger leurs erreurs ».

Dix mois après le jugement de La Haye réfutant toutes les revendications chinoises, Pékin persiste et signe. La mer de Chine du sud est partie du Vieil Empire depuis les Han et les îlots élargis font non seulement partie de son territoire chinois, mais ils génèrent des eaux territoriales et un espace aérien que la marine et l’armée de l’air chinoise défendront contre toutes les intrusions.

*

Ayant entamé un dialogue avec Manille qui modifie les rapports de force dans l’ASEAN ; ayant aussi relancé les négociations sur le code de conduite, la Chine qui refuse d’aborder les questions fondamentales de la souveraineté, est même parvenue à articuler un discours où elle se présente comme un facteur d’apaisement, tandis que Washington et Tokyo sont accusés d’être des fauteurs de guerre.


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