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Mer de Chine du sud. Plongée dans la pensée paradoxale chinoise

Les suggestions alarmantes des « radicaux ».

La mouvance des radicaux majoritaire dans l’APL et très populaire dans l’opinion publique prône l’affirmation sans réserve de la souveraineté chinoise sur toute la mer de Chine du sud.

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Si les « réalistes » hésitent, ce n’est pas le cas des « radicaux » qui proposent des réponses que Zhang juge alarmantes aux questions que se pose le politburo sur le niveau de la puissance nécessaire. Non seulement, ils estiment que les îlots élargis des Fiery Cross, des Mischief ou de Subi doivent être réclamés sur la scène internationale comme des faits accomplis non négociables, mais ils exigent de surcroit que Pékin élargisse ses annexions territoriales et son emprise militaire.

Il s’agirait de transformer les nouvelles îles en mini-bases militaires opérationnelles en augmentant encore les constructions ; de procéder à l’annexion forcée des îlots encore contrôlés par d’autres riverains et, enfin, d’établir sans équivoque que la « ligne en 9 traits » est bel et bien une limite territoriale chinoise. Par ses propositions, les radicaux expriment leur volonté d’affirmer de manière univoque les seuls intérêts chinois et de les pousser à leur maximum sans aucune attention portée aux réactions adverses des riverains et de l’opinion internationale.

Mais Zhang affirme que cette vision selon laquelle la Chine réclame 90% de la mer de Chine du sud, presque la seule commentée par les médias occidentaux, n’est en réalité pas celle du politburo et de l’exécutif. Il ajoute cependant que, même si au sommet de l’État, les « radicaux » se retrouvent en majorité seulement chez les militaires et dans l’appareil de la sécurité d’État, leur pensée est largement répandue dans le public dont la vision de la question est superficielle, émotionnelle et nationaliste, sans considération pour les intérêts rationnels à long terme de la Chine.

Ce courant de pensée, avançant sans états d’âme des arguments de puissance, attise l’hyper-nationalisme des foules et présente deux graves écueils. Il rend impossible ou, à tout le moins, très difficile toute négociation avec des tiers ; il attise le chauvinisme de l’opinion que le pouvoir ne peut négliger sous peine de provoquer un dérapage émotionnel aux conséquences difficilement prévisibles.

Les « modérés » exigent de clarifier les intentions.

Le troisième courant identifié par Zhang est celui des « modérés ». Ceux-là croient qu’il est temps pour la Chine d’ajuster et de clarifier, au moins progressivement, ses objectifs en mer de Chine du sud. Leur conviction s’appuie sur l’évidence que l’ambiguïté des revendications chinoises et le flou de ses intentions nourrissent les peurs et la méfiance du monde.

Ils accusent l’exécutif de ne pas avoir construit une narration stratégique capable de favoriser un échange efficace avec ses interlocuteurs et dénoncent les tactiques de grignotage désinvolte sur les îlots génératrices de méfiance contraire aux intérêts même de la Chine.

Dans cette optique, les « modérés » estiment que l’urgence pour Pékin est de progressivement clarifier le sens de la « ligne en 9 traits », tandis que la persistance du flou ne ferait que favoriser les réactions adverses et multiplier les obstacles à un compromis diplomatique. Continuer à laisser croire que « la ligne » serait une frontière chinoise placerait la plupart des pays de l’ASEAN et les États-Unis dans le camp des adversaires de la Chine dont les ambitions stratégiques démesurées constitueraient une menace.

C’est dans la reconnaissance de l’urgence d’une clarification que se situe la plus grande différence entre la pensée des « modérés » et celle des deux autres courants. Mais les trois sont d’accord sur un point : la nécessité de bétonner les îlots. Zhang explique en effet que ses conversations avec des chercheurs chinois et des membres de la direction du régime, il ressort que personne en Chine ne considère que l’extension territoriale des archipels et l’aménagement des installations serait une erreur. Les raisons avancées de cette assurance sont multiples en dépit des effets contraires.

Elles vont de l’amélioration des conditions de vie des personnels qui y sont stationnés à l’affirmation nécessaire d’une présence stratégique homothétique de la montée en puissance de la Chine sur un théâtre où d’autres riverains ne se sont pas privés et d’aménager les îlots et continuent à le faire aujourd’hui.

Du coup Zhang en arrive à la conclusion que les querelles autour des bétonnages au demeurant autorisés par la convention du droit de la mer et déjà effectués par d’autres manquent la partie la plus importante de l’image. L’essentiel est en effet plutôt que Pékin clarifie ses intentions et désamorce les soupçons d’une volonté hégémonique sur toute la mer de chine créés par la « ligne en 9 traits ».

Le politburo encore hésitant.

L’Amiral Dennis Blair, photographié en avril dernier à Tokyo, critique les réponses du « tac au tac » de la marine américaine autour des îlots bétonnés par Pékin. La photo du bas montre le destroyer lance missiles Lassen de l’US Navy croisant à proximité des Spratly occupés par la marine chinoise. [2]

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Pour l’auteur, l’existence même de plusieurs courants de pensée suggère que la position du politburo n’est pas arrêtée et qu’elle pourrait s’ajuster. Mais pour ce faire, dit-il, il faudrait que cessent les démonstrations de force de l’US Navy contribuant en Chine à conforter la position des radicaux qui y voient une stratégie visant à bloquer la montée en puissance de la Chine. En somme, explique Zhang, les réponses américaines du « tac au tac » isolent en Chine les modérés et installent un face à face avec ceux qui sont les moins disposés à négocier.

A cet égard, notons que la suggestion de prendre de la hauteur par rapport à la question des archipels est également présente dans certains cercles aux États-Unis. Au printemps 2015, l’Amiral Blair, ancien commandant en Chef dans le Pacifique au début des années 2000 jugeait irrationnelles les ripostes américaines consistant à systématiquement survoler les îlots des Spratly ou à croiser dans les espaces maritimes adjacents à mesure que Pékin modifie la structure des archipels. Lire notre article Mer de Chine du sud : au jeu de « Tape la taupe », la tension monte

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Enfin l’analyse de Zhang prendra toute sa pertinence quand, probablement avant la fin de l’été, le tribunal sur le droit de la mer aura répondu aux demandes d’arbitrages de Hanoi et de Manille que le politburo, faisant jouer le droit de réserve autorisé par la convention de Montego Bay, dit vouloir ignorer.

Il n’empêche que la Chine s’est mise en porte-à-faux sur trois points précis de la convention : 1) Sa réclamation sur toute la mer de Chine du sud ; 2) Son affirmation que des constructions artificielles peuvent générer des eaux territoriales ; 3) Son occupation de force du récif des Scarborough situé dans la ZEE des Philippines.

Enfin, les intrusions fréquentes des chalutiers chinois dans les eaux indonésiennes ont récemment provoqué un raidissement de Djakarta qui n’a pourtant aucun contentieux territorial avec la Chine.

Lire aussi : Mer de chine du sud. Mythes et réalités

Note(s) :

[2Depuis octobre 2015 l’US Navy a conduit 2 missions visant à affirmer la liberté de navigation dans des eaux revendiquées par les Chinois autour des îlots artificiellement élargis. Sur la photo le lance missiles USS Lassen a, le 27 octobre 2015, effectué une mission à l’intérieur des 12 nautiques des récifs de Mischief et Subi bétonnés par la Chine.

Une autre mission du même type a été conduite le 10 mai 2016, à l’intérieur des 12 nautiques des récifs de Fiery cross dans les Spratlys, par l’USS Wiliam Lawrence. En riposte la Chine avait fait décoller 2 chasseurs de combat, tandis que 3 bâtiments de la marine chinoise suivaient la trajectoire du Lawrence.

Pour l’Amiral Blair ancien Commandant en Chef dans le Pacifique, la réponse aux avancées chinoises qui contreviennent au droit de la mer en s’appropriant des eaux territoriales autour de constructions artificielles ne devrait pas être militaire, mais s’appuyer sur une action diplomatique concertée avec les pays de la zone.


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