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Obama à Hanoi. Colère froide de la Chine. Incertitudes asiatiques

Obama dans l’arrière cour de la Chine.

Lors d’une causerie avec la jeunesse vietnamienne à la mairie de Ho Chi Minh ville le 25 mai, le président américain échange avec une jeune vietnamienne qui, à la demande du Président, a chanté du « rap » en vietnamien.

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Passant outre les critiques des organisations des droits de l’homme stigmatisant les manquements aux libertés du régime de Hanoi, Obama a, pour justifier son geste dont la portée vise directement Pékin, fait l’éloge des progrès vibrants de l’économie, de l’explosion du nombre d’abonnés au net et de la confiance dans l’avenir exprimée par la jeunesse. (Voir la note de contexte sur l’état des libertés au Vietnam).

Selon la version officielle de la Maison Blanche la question des droits humains a directement été évoquée par Obama avec le régime de Hanoi, dans une réunion à huis clos, mais chacun voit bien que le relâchement complet de l’interdiction d’exporter des armes létales au Vietnam est un coup porté à la Chine.

Si les réactions officielles de Pékin furent étonnement mesurées, feignant de se féliciter de la levée d’un embargo devenu obsolète, l’agacement s’est en revanche exprimé dans les médias proches du pouvoir. Rappelant les errements américains en Afghanistan et au Proche Orient, un éditorial du China Daily du 24 mai mettait en garde Washington contre la tentation de « mettre le feu à la poudrière de région », tandis que le Global Times relevait avec justesse que pour contrer la Chine, Washington était prêt à transgresser ses propres principes de défense des droits.

Le 26 mai, un autre article du Global Times, relayé par le site du Quotidien du Peuple exprimait à la fois les frustrations et les accusations chinoises, dénonçant l’intrusion de Washington dans une relation où, dit l’auteur, avec une bonne dose de mauvaise foi, Pékin et Hanoi avaient, en dépit des rivalités en mer de Chine, réussi à maintenir une relation de confiance grâce à laquelle les contentieux avaient été réglés de gré à gré [1]. Après cette aigreur un peu surfaite, la suite de l’article dénonçait le jeu de Washington ancien ennemi mortel du Vietnam manipulant le nationalisme vietnamien contre la Chine.

L’auteur mettait enfin en garde Hanoi contre les conséquences d’un rapprochement avec les États-Unis articulé à la vision militariste de Washington, attisant une course aux armements dans la région. Pour l’auteur le rapprochement portait au Vietnam un sérieux risque de crise économique et sociale favorisée par le déséquilibre budgétaire né des sommes consacrées à l’achat d’équipements aux vendeurs d’armes américains.

Le deuxième effet néfaste de la proximité avec Washington serait d’ordre économique et commercial, lié au piège du Transpacific Partnership dont la rigueur juridique empêcherait à l’avenir les usines textiles vietnamiennes à s’approvisionner en Chine.

Guerre de postures. Doutes sur l’engagement américain.

Alors que Moscou qui, comme les 40 pays supporters recrutés par la Chine, s’oppose au règlement juridique du conflit en mer de Chine du sud par la Cour de La Haye, Washington et Pékin sont engagés dans une guerre de mots et de postures, d’où ne surgit aucun espoir de règlement des différends. Dans ce contexte tendu où la probabilité d’un dérapage militaire augmente, chacun évalue ses chances et les risques encourus.

Le fait est que malgré les protestations de 4 pays riverains et l’affirmation de la liberté de navigation par des bâtiments de guerre de la marine américaine, en dépit de l’extrême raidissement de Hanoi, les positions de Pékin autour des îlots élargis et bétonnés abritant deux pistes d’aviation, se consolident progressivement sans que la marine chinoise n’ai jamais tiré un seul coup de feu.

A plus long terme, les pays de l’ASEAN doutent de l’implication militaire de Washington. L’inquiétude a été exprimée en 2015 à David Feith pour le Wall Street Journal (rapportée dans un article du 17 mai 2016) par le président philippin récemment élu, Rodrigo Duterte : « Les Américains ne viendront pas mourir pour nous. Si Washington avait vraiment voulu s’impliquer, le Pentagone aurait engagé ses porte–avions et ses frégates lance-missiles dès le moment où Pékin a commencé à réclamer les îlots. Mais rien n’est arrivé. L’Amérique a peur de la guerre. Mieux vaut pour nous que soyons amis avec la Chine ». (Voir la note de contexte p.4 qui met en perspective les déclarations de Rodrigo Duterte maire de Davao - Mindanao pendant 22 ans)

La déclaration est dans toutes les têtes et au cœur du dilemme de Washington dans la région. Elle soulève aussi des controverses à Taïwan. Jusqu’où les Américains sont-ils prêts à aller pour défendre leurs alliés contre les pressions chinoises ?

L’aéronavale américaine. Une puissance inefficace.

Le porte-avions Nimitz en mer de Chine du sud. Parmi les alliés des États-Unis dans l’ASEAN certains doutent de la sincérité de l’engagement américain et constatent à la fois l’impressionnante projection de puissance et son inefficacité face aux grignotages chinois.

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La pertinence de la question augmente à mesure que la Chine se donne les moyens de tenir à distance la menace militaire américaine. Celle-ci, portée par une armada aéronavale sans équivalent dans le monde, à la fois impressionnante mais de plus en plus vulnérable aux missiles modernes, n’est à l’évidence plus assez dissuasive pour gêner les grignotages territoriaux de Pékin autour des atolls consolidés.

Ainsi, aux Etats-Unis et dans l’ASEAN monte une perplexité face à une puissance qui refuse l’arbitrage des lois internationales, rallie à sa cause son allié russe en même temps que des pays sans liberté de manœuvre prêts à cautionner le rejet des instances internationales, du même coup discréditées, reflet d’un ordre mondial que la Chine rejette.

Par dessus tout, l’impression s’installe chez tous les alliés de Washington que dans ce jeu de dupes et de postures, la formidable machine de guerre américaine pourrait bien être inopérante, d’abord parce que la Maison Blanche hésite à l’engager face à la Chine puissance nucléaire de premier rang, membre permanent du conseil de sécurité, partenaire commercial majeur de Washington et interlocuteur stratégique incontournable ; ensuite parce que la deuxième artillerie de l’APL s’est donnée les moyens de tenir à distance la puissance des groupes de porte-avions qui, jusque il y a peu, exprimaient le volet « hard » et sans rival de la diplomatie américaine.

Note(s) :

[1Le journal fait référence à une période faste de la relation aujourd’hui révolue qui date de l’automne 2011 où Pékin, à l’époque représentée par Xi Jinping encore vice-président et Hanoi avaient accepté d’accélérer la délimitation des eaux territoriales et de négocier leur exploitation conjointe dans la zone des Paracels. Prise au pied de la lettre, la déclaration indiquait que, dans cette zone au moins, les négociateurs chinois agissant avec la caution de Hu Jintao et de son homologue vietnamien le président d’alors Truong Tan San, pourraient abandonner la revendication sur 80% de la mer de Chine.

La déclaration précisait aussi que « les deux pays rechercheraient des solutions durables, acceptables par les deux parties sur la base de la Convention des NU sur le droit de la mer (…) En attendant un accord global sur la question de souveraineté, Pékin et Hanoi négocieraient activement une coopération pour un développement conjoint. »

Il reste qu’après l’explosion de violences anti-chinoises en mai 2014 et la décision de Hanoi de porter les contentieux territoriaux au tribunal du droit de la mer, signes flagrants de la dégradation des relations, la confiance s’est pour l’instant évaporée. Lire Explosion de violences anti-chinoises au Vietnam


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