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Pékin, Moscou, New-Delhi : Grandes querelles et rapprochements. Le poids de l’Amérique

Chine – Inde : bonnes intentions, prudences et arrière-pensées.

Narendra Modi a commencé son voyage en Chine par Xian où il a, entre autres, visité le tombeau du 1er empereur.

Le 14 mai en accueillant le premier ministre indien Narendra Modi à Xian, dans le Shaanxi, berceau de sa famille, Xi Jinping répondait d’abord à l’intention de convivialité familiale exprimée par son invité qui, en septembre 2014, lui avait fait découvrir son fief de Gujarat.

Le lieu du tombeau du premier empereur des Qin était aussi le symbole de la profondeur historique en même temps qu’il renvoyait à la très ancienne image de la Chine connectée à l’Eurasie par la route de la soie dont le concept est aujourd’hui revivifié par les vastes projets tous azimuts d’infrastructures appuyés par la nouvelle Banque Asiatique, véritable pompe à finance dont le succès depuis sa création ne faiblit pas.

La part sentimentale, culturelle et religieuse attachée à l’étape de Xian, avec notamment la visite de l’armée enterrée et d’un temple bouddhiste, avait aussi pour but de compenser les tensions militaires dans l’Himalaya qui avaient terni la visite de Xi Jinping en Inde à l’automne dernier, tandis que lors de la visite d’Obama fin janvier, New-Delhi et Washington avaient conjointement exprimé leurs inquiétudes face aux prétentions chinoises en mer de Chine du sud.

Lire notre article Les crispations territoriales ternissent la visite de Xi Jinping en Inde

Promesses commerciales, industrielles et financières.

Même si elles ne représentent que 50% des promesses d’investissements au Pakisan, les intentions chinoises en Inde sont remarquables.

Au total 26 projets pour l’instant au stade de l’intention ont été examinés pour une valeur de 22 Mds de $. Ils touchent au secteur de l’acier financé par la banque industrielle et commerciale chinoise ; aux panneaux solaires entre le Chinois Trina Solar et l’Indien Welspun ; aux logiciels informatiques avec l’Indien Wipro ; à la finance et aux services informatiques avec l’ouverture à Shanghai de succursales de la banque ICICI et du géant Infosys ; aux installations portuaires, aux télécoms avec Huawei déjà très présent, à la construction de 50 millions d’appartements, de métros et de voies ferrées et même au secteur des loisirs (cinéma, écoles de Yoga), le tout assorti d’une série de projets d’infrastructures ferroviaires de grande ampleur (lignes de TGV New-Delhi Chennai et Kunming – Calcutta), dont les études de faisabilité ont commencé, à quoi s’ajoutent la création parcs industriels chinois à l’est de Bombay et dans l’État de Gujarat.

Persistance des méfiances.

Mais l’examen de la presse chinoise et des déclarations de Modi suggère que l’arrière plan des méfiances reste puissant, sur au moins trois sujets : les questions de frontières ; la rivalité stratégique dans l’océan indien ; les divergences à propos du Pakistan en qui New-Delhi voit un sérieux risque de déstabilisation.

Le Global Times, par exemple souligna d’un ton un peu trop condescendant que « la nouvelle approche pragmatique de l’Inde » résultait d’une prise de conscience par New-Delhi de la « sensibilité de Pékin » et de « la nécessité de s’associer avec la Chine dont la puissance se renforçait ». A l’arrivée du PM indien, au milieu des articles de bienvenue, le Quotidien du Peuple publia aussi en première page une analyse réaffirmant l’unité nationale entre la Chine et le Tibet où le Dalai Lama n’était pas mentionné.

Trois jours avant l’arrivée de Modi, Hu Zhiyong chercheur associé à l’Université de Boston accusait dans un article du Global Times le PM indien d’user de « petites tactiques à propos des questions de sécurité et de frontières », alors que, de son côté, la Chine lançait les vastes projets des nouvelles routes de la soie. Interrogé par le New-York Times, il enfonçait le clou en affirmant que le régime chinois ne pouvait nourrir le moindre espoir que l’Inde ferait des concessions sur les questions politiques et de sécurité.

Question des frontières ; ambiguïtés pakistanaises ; rivalités stratégiques régionales…

De fait, répondant à la télévision indienne, Modi a en effet marqué qu’il avait exprimé aux dirigeants chinois la nécessité de nuancer leur vision des « controverses ayant longtemps freiné le développement des échanges », ajoutant que Pékin « devrait considérer la longue portée stratégique de leur relation. »

S’adressant aux étudiants de Qinghua, il développa un long plaidoyer pour la coopération bilatérale, mais sans oublier de mentionner les menaces terroristes qui pèsent sur la Chine et l’Inde venant du Pakistan, allié privilégié de Pékin, ni les risques sur les lignes de communication prises en otage par les tensions maritimes avec Washington et ses alliés.

En Inde, la mouvance conservatrice qui voit la Chine comme un concurrent stratégique dans l’océan indien, notamment au Sri Lanka, à l’Île Maurice et aux Seychelles, considère avec méfiance les projets de Pékin visant connecter par le rail la Chine aux pays de la région et à l’Europe. Mais Subrahmanyam Jaishankar, ancien ambassadeur aux Etats-Unis et ministre des AE depuis janvier reconnaît un nouvel enthousiasme des investisseurs chinois.

…écarts de développement, déséquilibre commercial et réticences de l’opinion.

Il reste que la route du rattrapage est longue. Non seulement les échanges commerciaux plafonnent à des niveaux très en-deçà du potentiel d’aussi vastes marchés à 80 Mds de $ à moins de 15% du volume des échanges sino-américains, mais encore les statistiques indiennes et chinoises montrent que les stock des investissements chinois en Inde est négligeable et ne représente que 0,4% du total, très loin derrière le Royaume Uni (21,5%), le Japon (17,1%), les États-Unis (12,2%), l’Allemagne (6,8%).

Alors que la croissance indienne a rattrapé celle de la Chine aux 3e et 4e trimestres 2014, que le PNB indien qui en 2014 a dépassé celui de la Russie, se situe au 9e rang mondial, mais seulement à 20% du PNB chinois, le PNB/habitant chinois restant 4 fois supérieur à celui de l’Inde, un autre sujet de tensions reste le déséquilibre de la balance commerciale avec un déficit de près de 40 Mds de $ qui s’aggrave sérieusement depuis 2012.

La raison en est qu’à la faveur des progrès économiques, la consommation des particuliers et les besoins des entreprises ont augmenté en cohérence avec l’offre chinoise d’équipements de télécoms, d’ordinateurs et d’équipements industriels, tandis que l’Inde n’exporte que des matières premières et des produits agricoles (coton, minerai de fer, cuivre et produits pétroliers).

Enfin une enquête de 2014 du Pews Research Center révèle que les Indiens qui sont profondément inquiets de leur voisin pakistanais restent divisés sur la Chine que plus du tiers des sondés considèrent comme un ennemi (dans la catégorie des hauts revenus, plus de 50% se méfient de la Chine) alors que seulement 21% la voient comme un partenaire. La méfiance est réciproque puisque 62% des Chinois interrogés ont une opinion négative de l’Inde.

*

Par ses rapprochements avec Moscou et New-Delhi qui, on le voit, ne s’affichent pas sur le même ton, la Chine répond à l’exigence rationnelle d’apaisement de ses relations avec ses grands voisins.

Mais dans les deux cas le Parti est contraint d’inviter à sa manœuvre la carte américaine qui reste un partenaire commercial majeur (plus de 550 Mds de $ d’échanges commerciaux et 1620 Mds de $ de bons du trésor américains détenus par la Chine), en même temps que le principal creuset des technologies et des innovations nécessaires sa modernisation.

Alors que le resserrement des liens avec Moscou dont on a vu les ambiguïtés, débouche sur une ambiance de guerre froide aux allures très militaires pointant directement la menace américaine, la manœuvre sino-indienne, elle aussi gênée par des rivalités territoriales et de puissance, est moins manichéenne.

Ménageant à la fois Pékin, Washington et Tokyo dans un contexte où New-Delhi mesure cependant le surgissement de la puissance chinoise dans l’océan indien et les dangers de revendications de Pékin en mer de Chine du Sud, elle s’inscrit plus naturellement dans le paysage stratégique de la région.

Ancienne alliée de Moscou, ouverte aux influences américaines et disposée à tirer profit de l’émergence chinoise pour son propre développement, New-Delhi recèle une solide capacité de compromis et de médiation.


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