Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Economie

Point sur les réformes récentes. Essai d’analyse de la méthode

L’APEC : une étape de l’ouverture

Le rêve chinois de Xi Jinping a une forte incidence nationaliste dont l’impact pourrait handicaper l’ouverture réformiste, non seulement politique, comme on l’observe déjà, mais également économique.

Au sommet de l’APEC en novembre où les probabilités de conflit direct avec le Japon se sont éloignées et où Washington et Pékin ont signé un accord sur le climat et un autre pour la réduction des droits de douane des technologies de l’information, Xi Jinping a répété que « l’ouverture apportait le progrès et la fermeture, la stagnation ». Ayant ainsi donné le ton, la Chine ajoutait à la liste des accords signés 2 traités de libre échange avec Séoul et Canberra.

Un accord avec l’Australie qui fera date.

Si le premier est bridé par une longue liste de produits encore règlementés dont certains ne seront libérés que dans 20 ans – ce qui, au passage, traduit les craintes coréennes de l’invasion des exportations chinoises -, celui avec l’Australie est d’une envergure autre, avec des procédures de règlement de conflits, un accès plus grand au secteur des services chinois et, surtout, l’octroi à Canberra du statut de la nation la plus favorisée.

Ce qui signifie que toutes les concessions tarifaires faites par la Chine à d’autres pays seront automatiquement accordées à l’Australie. Dans ce contexte, les secteurs chinois des finances et de l’agriculture seront confrontés à une compétion accrue à laquelle ils sont peu habitués. L’élan d’ouverture a été confirmé par le ministre du commerce le 7 mars à l’ANP quand il a annoncé la poursuite des négociations de libre échange avec l’APEC et surtout avec la Corée et le Japon, bloquées par les tensions avec Tokyo.

La lente libéralisation du marché des capitaux.

Immédiatement après l’APEC, le 17 novembre les bourses de Shanghai et de Hong-Kong étaient connectées, autorisant les investissements croisés de la R.AS et du Continent par le truchement de sociétés enregistrées. L’absence de restrictions nationales à Hong Kong autorise désormais les investissements de sociétés étrangères dans la bourse de Shanghai. Et, pour la première fois dans l’histoire de la RPC, un investisseur privé peut acheter des actions et des produits financiers dans une bourse chinoise. Il s’agit là d’une étape importante dans l’ouverture lente mais réelle du marché des capitaux chinois.

Nouvelles zones de libre échange.

La mesure fut suivie par l’extension des zones sous douane désormais au nombre de 5 dont l’emprise a été étendue et les conditions d’investissements étrangers harmonisées et allégées : Canton, Qianhai (Shenzhen), Hengqin (Zhuhai), Fujian (dont les liens vers Taïwan accéléreront la mise en œuvre des accords de commerce avec l’Île), Tianjin (qui jouera un rôle essentiel dans l’intégration économique et le développement de la vaste conurbation avec Pékin et dans le développement des liens avec la Corée du Sud).

En dépit des retards, marches-arrières, incohérences et dysfonctionnements amplement signalés dans la presse chinoise et étrangère, ces initiatives confirment la volonté d’ouverture du pays. Surtout elles débloquent le marché des services et donnent aux opérateurs chinois l’habitude des compétions internationales, dans un contexte où l’initiative américaine du Trans Pacific Partnership exerce une pression sur l’ensemble de la zone.

Contradictions de l’accord sur les Technologies de l’Information.

L’élargissement de l’expérience des zones sous douane a été suivie par l’accord sino-américain sur les technologies de l’information (TI) dans un secteur où, pourtant, les groupes chinois en compétition avec les groupes américains ont, jusqu’à présent, été protégés par des considérations de sécurité nationale. L’initiative de l’accord sur les TI renvoie cependant à une contradiction puisqu’elle a été décidée dans l’ambiance très conflictuelle où les sociétés américaines du secteur, accusées d’enfreindre la loi sur les monopoles, étaient soumises à des harcèlements continus des régulateurs chinois.

En août la chambre de commerce européenne, habituellement plus arrangeante, avait joint ses protestations à celles des États-Unis. Une chose est certaine, l’accord de l’APEC n’a pas amélioré la situation des groupes américains du secteur et les suspicions de la cyberguerre n’ont pas cessé. Rien n’illustre mieux les difficultés de l’ouverture et des réformes que les contradictions du secteur des technologies de l’information, où transparaissent à la fois les résistances des grands groupes opposés à l’ouverture et les efforts de la Chine pour promouvoir ses groupes nationaux contre la prévalence technologique étrangère.

Lire notre article La chambre de commerce de l’UE en Chine proteste contre la campagne anti-trust

Y a t-il un modèle Xi Jinping ? »

Naughton identifie 5 caractéristiques du modèle réformiste du Secrétaire Général.

1) La méthode est verticale, initiée et conduite depuis la tête du régime. Ce déterminant transparaît nettement dans les efforts de concentration des commandes réformistes au sommet de la hiérarchie du Parti. Les réajustements économiques s’inscrivent d’ailleurs dans une volonté plus large de consolider la machine politique dont il est illusoire de croire qu’elle évoluera vers plus d’ouverture politique.

Le dirigisme se perçoit dans les réformes financières où le ministre Lou Jiwei a entrepris de réduire le pouvoir des administrations locales et probablement leurs ressources. La manœuvre implique la condition collatérale que le Centre devra prendre à son compte les dépenses supplémentaires de l’urbanisation et des réformes sociales (pensions, hôpitaux, intégration des migrants) qui, pour l’heure ne sont que partiellement ou pas du tout financées. Le schéma très centralisé a transformé les anciens acteurs provinciaux en sujets passifs d’autant moins portés aux initiatives que la campagne anti-corruption a un effet paralysant.

2) Il n’y pas de schéma ou « feuille de route » claire des réformes, mais seulement la mise en place de structures centralisées de pilotage dont la plus emblématique est « le groupe dirigeant pour l’approfondissement des réformes » sous la férule du Secrétaire Général :中央全面深化改革领导小组 – Zhongyang Quanmian Shenhua Gaige Lingdao Xiaozu. Ce dernier offre un mécanisme institutionnel garantissant la dynamique politique contre les freinages de toutes sortes. Mais il ne semble pas avoir de vision précise des objectifs généraux à atteindre.

En tous cas il n’en fait pas état. La raison en est qu’une bonne partie des réformes – comme la refonte des groupes publics ou la réforme de la propriété rurale - ont des implications politiques. La dialectique « dynamique des réformes et obstacles politiques » explique la méthode expérimentale qui ne généralise l’application que quand les esprits y sont en majorité acquis.

3) Dans ce contexte où l’opportunisme politique semble prévaloir et où les choix parfois cruciaux remontent presque tous à la tête à un rythme accéléré, certaines décisions réformistes peuvent apparaître inégales ou injustes et brutales, quelques fois hâtives ou imprévisibles. Le mouvement s’accélère dès lors qu’un consensus se fait, comme c’est le cas des réformes financières. Un autre facteur d’accélération est l’accord au sommet autour de critères patriotiques ou de prestige national. A l’inverse la complexité des choix économiques et de leurs conséquences sur l’avenir et sur la sécurité du Parti est un facteur de blocage.

Plus encore, le caractère imprévisible des réformes se nourrit aussi de leur connexion avec le projet nationaliste global de Xi Jinping, lui-même imbriqué dans l’exigence de protéger la prévalence et la pérennité du Parti. Il ne fait pas de doute que la vision du long terme implique de vastes ajustements socio-économiques ; mais à court et moyen termes, Xi Jinping a d’autres objectifs et il est probable que ces derniers dont les plus essentiels sont l’unité, la santé et le rôle dirigeant du Parti, prévaudront si nécessaire sur les réformes économiques.

4) Les éléments politiquement les plus controversés des réformes resteront « sous le radar ». Parmi les trois initiatives présentées dans cet essai, deux – concernant le pouvoir des administrations locales et la propriété rurale - n’ont pas fait l’objet de communications insistantes du régime, ni lors du 3e plenum, ni dans les médias. N’exigeant pas de soutien populaire, elles sont mises en œuvre de manière dirigiste et discrète par des technocrates, ce qui tient les critiques à distance.

5) La réforme selon Xi Jinping s’inscrit dans son projet global de « rêve chinois » qui incorpore une forte dose de fierté nationale. Dès lors, l’affirmation nationaliste pourrait dans certains cas entrer en collision avec le projet d’ouverture économique. Ainsi, des événements extérieurs ou intérieurs mettant en jeu la sécurité du Parti que le régime associe à celle de la Chine, pourraient bloquer l’élan réformiste. A l’inverse, un apaisement international serait de nature à lui insuffler un nouvel élan.

La conclusion de l’essai renvoie aux contradictions politiques du régime.

Il est vrai que des réformes dirigistes initiées par un régime autoritaire ayant conscience de la nécessité des changements valent mieux que l’inertie d’une dictature hostile à toute évolution. Mais Naughton considère qu’au bout du compte le volontarisme dirigiste qui pilote les réformes de haut en bas a certes la capacité de bousculer les résistances ; il pourrait cependant lui manquer le consensus dynamique et les initiatives des acteurs de terrain pour pérenniser le changement.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Restaurer la confiance des Occidentaux, l’insistante priorité du régime

La reprise est difficile et le chemin du réajustement socio-économique laborieux

Dans l’urgence d’un branle-bas, He Lifeng prend la tête de la Commission Centrale des finances

Freinage. Causes structurelles ou effets de mauvais choix politiques. Doutes sur la stratégie de rupture avec la Chine

Essoufflement de la reprise. Coagulation des vulnérabilités systémiques. Baisse durable de la confiance