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Présidentielles à Taiwan : nervosités à Pékin et ambiguïtés indépendantistes

Les trois candidats déclarés aux présidentielles de janvier 2016 : de gauche à droite Tsai Ing-wen (DPP), au centre Hung Hsiu-chu (KMT), à droite James Soong (1er parti du peuple). Les derniers sondages d’opinion de la fin août donnent Tsai largement en tête avec 43% des intentions de vote contre 23% à Hung et 16% à James Soong.

L’approche des présidentielles de janvier portant la perspective de plus en plus crédible d’un retour au pouvoir du Min Jin Dang contribue à la résurgence des nervosités dans le Détroit, alors que les grands médias occidentaux ajoutent à l’agacement du Continent. Le 19 juin, la photo en gros plan du visage de Tsai Ing-wen en couverture du Times of Asia était assortie du commentaire à coup sûr très irritant pour Pékin : « elle pourrait être à la tête de la seule démocratie chinoise ».

Même si les réactions officielles de la Chine saupoudrent de discrètes bonnes volontés les menaces directes ou voilées et les humiliations infligées à Taïwan, au politburo, le malaise gagne à mesure que Tsai caracole largement en tête des sondages, avec 40% des intentions de vote contre 23% en faveur de Hung Hsiu-chu du KMT et 16% pour James Soong du 1er Parti du Peuple – People’s first Party - (sondage TVBS du 28 août 2015). Plus encore, même en recul, les intentions de vote pour la présidente du DPP excèdent la somme des opinions en faveur des deux autres candidats, ce qui, à 18 semaines du scrutin, laisse peu de doute sur un changement de majorité à Taïwan, le 16 janvier prochain.

Habiletés ambigües de Tsai Ing-wen

Cherchant à amadouer Pékin en escamotant le projet d’indépendance et, par un discours habile et ambigu éludant soigneusement les questions sur le « consensus de 1992 » et celles sur son adhésion au « principe d’une seule Chine », la présidente du parti indépendantiste rassure du même coup ceux qui, dans l’Île, craignent un retour des tensions dans le Détroit. Ayant retenu les leçons de son échec de 2012, Tsai manœuvre pour insuffler l’idée qu’elle incarne à la fois l’identité taïwanaise face au Continent, le changement de paradigme politique dans l’Île pour plus de transparence et une meilleure participation des citoyens à la gouvernance, à quoi elle ajoute plus d’attention accordée à l’innovation technologique, aux questions sociales, à la jeunesse et à l’environnement.

Plus encore, tout en exprimant une prudence tactique qui met en garde ses adhérents contre un excès de confiance, elle se donne les moyens de conquérir la majorité absolue des 113 sièges au scrutin législatif qui se tiendra le même jour par un vote séparé des présidentielles. La manœuvre s’articule autour d’accords électoraux très souples avec ses partenaires de l’alliance informelle des verts (DDP, Taïwan Solidarity Union, Taïwan Indépendance Party, Taïwan Constitution Association).

En plus d’un programme capable de séduire l’électorat, orienté vers les problèmes socio-économiques et vers ceux de la gouvernance de l’Île, Tsai négocie avec ses partenaires de l’alliance pour laisser la prééminence au candidat local ayant la meilleure chance de battre celui du KMT.

Cette stratégie issue de l’expérience tient compte de quelques réalités pouvant encore réserver des surprises : 1) dans les sondages, la proportion des indécis est presque toujours supérieure à 20% ; 2) au scrutin local du 29 novembre 2014, près de 12% des votes se sont prononcés en faveur de candidats ne se réclamant ni du KMT, ni du DPP ; 3) la force de l’enracinement local du parti nationaliste exprimée par le nombre de conseillers de communes et de district encore proches des commandes à l’est, au centre et au sud-est de l’Île.

Alors que le DPP a fait savoir qu’il ne désignerait pas de candidat dans 11 des 73 circonscriptions géographiques afin de laisser un espace électoral aux prétendants de l’alliance les plus à même de battre le KMT, l’ambition de Tsai est d’installer au Yuan Législatif une majorité absolue stable de parlementaires ayant, dit-elle, « des idées et des ambitions identiques ».

Les faux pas de Hung Hsiu-chu et l’opportunisme de James Soong

Dans cette course, la tâche de Tsai est facilitée par les bévues de la candidate du KMT ayant à plusieurs reprises pris des positions à contre courant de son Parti et de la société. Après avoir envisagé des négociations politiques avec Pékin, elle a proposé une « avancée » du consensus de 1992 reformulé par elle en « une seule Chine, avec la même interprétation », radicalement opposée à la doctrine centrale du KMT. Autant d’initiatives qui rendront très difficiles sa remontée dans les sondages.

Quant à James Soong, l’autre adversaire de Tsai, en lice depuis le 6 août, le moins qu’on puisse dire est que sa participation affaiblit l’alliance « bleue » et conforte la perspective d’une victoire significative de la coalition des « verts » au Yuan Législatif en janvier prochain. S’inscrivant lui-même dans l’héritage de Tchang Kai-chek, à la fois fidèle à ses racines chinoises et soucieux du peuple taïwanais, il chasse en même temps sur le terrain socio-économique du DPP et sur les plates-bandes politiques du KMT. Rappelant l’appartenance des deux rives à l’ethnie chinoise, il promet lui aussi plus de transparence et une meilleure supervision de l’exécutif par le Yuan législatif.

Avec la promesse la plus consensuelle dans l’île de maintenir le statu-quo dans le Détroit et de respecter le « consensus de 1992 - “une seule Chine, 2 interprétations“- il affirme qu’une fois au pouvoir il poursuivra les échanges économiques, culturels, universitaires et sociaux avec le Continent. Ses chances de succès au scrutin de janvier restent faibles, mais sa stratégie pourrait lui permettre de se placer en arbitre de la scène politique.

Face à cette situation devenue extrêmement fluide, annonçant le retour au pouvoir d’une formation politique fondamentalement hostile à la réunification, le Bureau Politique chinois a alterné les signes de durcissement et quelques gestes assez ténus de conciliation.


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