›› Editorial
Avec Pyongyang, la connivence est encore plus étroite. Malgré les provocations nord-coréennes, Pékin, qui a parfois joué le jeu des sanctions onusiennes, n’a pourtant jamais fermé le robinet de ses aides qui assurent la survie du régime. Tout en reconnaissant les risques de contagion nucléaire au Japon et en Corée du Sud posés par la prolifération nucléaire nord-coréenne, le Bureau Politique, qui craint par-dessus tout un effondrement du régime de Kim Jong Il aux conséquences imprévisibles, continue sans relâche à prôner le dialogue.
La liste est longue en effet des circonstances qui incitent le Parti Communiste Chinois à ne jamais aller au bout de ses considérables moyens de pression qui pourraient entraîner la chute du régime ou un dérapage militaire. Elles vont de la proximité géographique et économique avec le régime carcéral de Pyongyang, à l’implication de la Chine, maître d’œuvre du dialogue à six, aujourd’hui en panne, en passant par la connivence historique avec le régime de la famille Kim, réminiscence de la guerre de Corée, la crainte d’une déstabilisation brutale de la péninsule et l’importante présence des troupes américaines immédiatement au sud de la ligne de démarcation.
Face à cette hypothèque militaire américaine, Pékin n’envisage toujours pas de renoncer au levier d’influence que lui procure l’alliance avec son embarrassant voisin. La Maison Blanche en a pris son parti et laisse la Chine tenter de démêler l’inextricable, marqué par les incertitudes de la fin de règne de Kim Jong Il et une nouvelle crise humanitaire, sur fond de nucléarisation rampante. Le tout encore aggravé par les tensions entre Séoul, à nouveau sur la défensive, et Pyongyang, tour à tour menaçant ou conciliant, mais dont l’objectif reste toujours d’obtenir une garantie de sécurité accordée directement par Washington.
Coïncidence qui perturbe sérieusement les efforts chinois pour relancer le dialogue à six sur la dénucléarisation de la Péninsule, le 4 mai dernier, jour même de l’arrivée à Pékin du dirigeant malade de la Corée du Nord. Le Président sud-coréen Lee Myung Bak évoquait l’hypothèse de la responsabilité de Pyongyang dans la mort de 46 marins sud-coréens, suite au naufrage de la corvette Cheonan, coulée le 26 mars dernier par une explosion à l’origine obscure et que les experts à Séoul attribuent à une torpille nord-coréenne.
En Corée du Sud, l’émotion des responsables politiques et des familles des victimes fait planer le risque de représailles militaires et pèse lourdement sur les perspectives de relance du dialogue. Mais en Chine, Pékin a déroulé le tapis rouge à Kim Jong Il. « Le cher dirigeant » qui, comme à son habitude, voyageait en train, dans une étrange ambiance de guerre froide, nie toute responsabilité dans la catastrophe et tente de convaincre son allié chinois d’augmenter son aide économique et logistique.