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Réforme des campagnes. Le pouvoir hésite

Ces nouvelles libertés accordées aux paysans auraient pu, à la suite des perspectives de regroupement qu’elles induisent, conduire à la constitution de coopératives modernes, modifiant sensiblement le fonctionnement des entreprises agricoles encore éclatées en une myriade de petites exploitations familiales plus ou moins légales, dont la survie précaire, souvent menacée par la cupidité des fonctionnaires locaux, génère les frustrations, les angoisses et les fréquentes révoltes du monde paysan (la surface moyenne des exploitations agricoles est en Chine de 6000 m2 ; en France elle est de 78 ha ; et de 170 ha aux Etats-Unis).

Selon les experts de l’Académie des Sciences Sociales la réforme devait conduire à de larges remembrements permettant de mécaniser l’agriculture, de réaliser de fortes économies d’échelle (un argument repris par le Président lui-même) et d’orienter encore plus la production des campagnes vers l’exportation. En arrière plan flottait également l’idée d’un redressement radical du niveau de vie des paysans permettant d’activer un marché intérieur, capable de pallier aux déficiences des marchés internationaux affaiblis par la crise financière mondiale.

On le voit la réforme, analysée par les experts chinois eux-mêmes et de nombreux observateurs de la Chine, était ambitieuse. Elle prétendait sortir la paysannerie de sa misère (doubler le revenu des paysans d’ici 2020 selon l’agence Xinhua), transformer radicalement l’image des campagnes en modifiant de fond en comble la gestion et l’exploitation des terres remembrées, protéger les droits de paysans et les terres agricoles contre les cadres locaux et, in fine, réduire l’écart entre le monde rural et urbain, une des conditions de l’harmonie sociale et de l’équilibre politique du pays.

Mais voilà : le communiqué final du Plénum qui a maintenu l’objectif de doubler le revenu des paysans d’ici 2020, n’a cependant pas soufflé mot de la réforme. A l’évidence le Comité Central, inquiet des conséquences politiques des bouleversements envisagés, n’est pas parvenu à un consensus, en dépit des efforts de Hu Jintao en personne. Ce dernier, imitant le style de Deng, qui aimait les symboles, s’était même rendu dans le village de Xiaogang dans l’Anhui, le 30 septembre dernier, où il y a trente ans, une vingtaine de paysans avaient montré la voie du système de responsabilité dans les campagnes, installant les prémices des marchés libres qui allaient bientôt s’étendre à toute la Chine.

Il est vrai que les perspectives de regroupement de terres, sont au cœur des difficultés qui handicapent la réorganisation les campagnes encore très peuplées. Les remembrements, inscrits en filigrane dans la réforme, auront en effet deux conséquences lourdes pour le pays : Il accéléreront l’exode rural et l’urbanisation déjà problématique et donneront naissance à de grandes exploitations, dont le fonctionnement s’éloignera du système des fermes collectives. Une perspective qui heurte de front l’idéologie des plus conservateurs qui y voient la résurgence des grands propriétaires terriens, principales cibles de la révolution maoïste.

On le voit les obstacles tiennent à la fois à la lourdeur des idéologies, encore marquées par de solides méfiances à l’égard de ce que certains considèrent comme un premier pas vers la privatisation et le possible retour des grands domaines, bête noire des conservateurs. Ils tirent aussi leur origine des réticences des cadres locaux hostiles à une réforme qui pourrait entamer leur pouvoir et leurs revenus. Enfin, beaucoup de dirigeants craignent les conséquences néfastes de l’exode rural massif qui serait généré par de tels bouleversements.

On comprend les hésitations du système politique chinois tiraillé entre sa volonté de rehausser le niveau de vie des campagnes, dont les frustrations constituent une bombe à retardement, et sa crainte de déclencher des réactions en chaîne qui, à terme, fragiliseraient son pouvoir. Les experts chinois qui avaient tenté de promouvoir la réforme sont déçus. L’un d’eux s’insurge : « le gouvernement et les élites accordent une telle importance à l’harmonie qu’à la moindre opposition le pouvoir recule. Ce dernier doit se montrer plus déterminé ».

Il est probable que Hu Jintao n’abandonnera pas la réforme. Il devra cependant composer et garantir que le Parti restera présent au cœur même du processus qui donnera aux paysans des capacités de regroupement et de protestations que jusqu’à présent tout l’appareil politique du pays s’était précisément efforcé d’encadrer et de contrôler.


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