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Réformes : impulsions et résistances

Les groupes étrangers sur la sellette.

Mais depuis le 3e Plenum, les observateurs constatent des tendances inverses de harcèlement des entreprises étrangères. En décembre, Jaguar Landrover, Fuji heavy Industries, Subaru, Audi AG, sont, après les groupes pharmaceutiques et agroalimentaires, devenus les dernières cibles des médias chinois qui les accusent de pratiquer des prix abusifs pour leurs pièces de rechange.

L’offensive est menée par l’un des bastions des prébendes : la Commisson pour la Réforme et Développement qui vise aussi les groupes Starbuck, Burberry Qualcomm Inc et Apple. Tous ces étrangers expriment leur déception et craignent une contraction de leurs affaires et de leurs bénéfices, dans un contexte où le coût du travail augmente, avec des salaires en hausse de 49 % depuis trois ans.

L’impression générale qui s’installe chez les investisseurs étrangers est qu’ils sont victimes d’une politique injuste visant à favoriser leurs concurrents chinois, avec des accusations de corruption, de politiques monopolistiques, de manquements aux lois du copyright, à quoi s’ajoutent des freins à leurs importations, le tout relayé par des campagnes de presse.

La Chambre de commerce de l’UE qui regroupe 1700 sociétés révèle que ses membres ont en 2012 perdu 24 Mds de $ de revenus potentiels, du fait de l’alourdissement des procédures administratives et des freins à l’accès au marché chinois, aggravés par des différences de traitement par rapport aux concurrents chinois, notamment sur les questions de brevets.

La Chine et SUNTECH tournent le dos au marché.

Alors que le 3e Plenum mettait sans ambiguïté l’accent sur le marché, la manière dont l’État chinois a, au dernier trimestre 2013, géré la faillite de SUNTECH survenue au printemps, indique que la Chine est, si nécessaire, capable d’adapter ses choix et ses promesses économiques pour satisfaire à des critères sociaux et politiques plus importants, tournant le dos à la loi du marché.

Jean-François Dufour, directeur de la société de conseil stratégique DCA, éditeur du site Chine-analyse.com, auteur de plusieurs ouvrages sur la géopolitique et l’économie de l’Asie, explique qu’à la mi-novembre, en même temps que se déroulait le 3e Plenum, le pouvoir prenait la décision de sauver la société de panneaux solaires, selon un schéma plus proche de l’économie dirigée que celui de l’économie ouverte.

L’approbation par le pouvoir politique du plan de reprise de 490 millions de $ proposé par Shunfeng dont le siège social est à Changzhou à 60 km de celui de SUNTECH à Wuxi, dans le Jiangsu, supposait d’obliger les banques chinoises à renoncer au remboursement de 70% des crédits accordés à Suntech et à restructurer la dette du groupe évaluée à 1,625 Mds de $. L’opération était facilitée par le fait que les deux plus gros créditeurs étaient China Development Bank et la filiale de la Banque de Chine de Wuxi à hauteur, pour ces deux prêteurs, de 720 millions de $.

Fin novembre les actions new-yorkaises de Suntech ont été placées sur le marché hors-cote, la capitalisation boursière de la société étant aujourd’hui évaluée à 100 millions de $, contre 10 Mds de $ du temps de sa splendeur. L’opération SUNTECH illustre clairement l’étroite imbrication entre les affaires et le pouvoir, présente à tous les niveaux. Elle donne la mesure des obstacles sur la route d’une authentique économie de marché.

Le soutien public à l’industrie des panneaux solaires a été confirmé le 4 janvier par une déclaration du MIIT qui garantissait « le développement harmonieux des fabricants de cellules photovoltaïques », dans un contexte où plusieurs sociétés dont LDK Solar Co.ltd, et JA Solar Holdings Co.Ltd sont au bord de la faillite. C’est bien cette politique aujourd’hui consolidée, à rebours des promesses du 3e plenum qui avait initié les accusations de dumping contre la Chine lancées aux États-Unis et en Europe.

Offensive générale anti-trust. Attaque contre le Groupe Qualcomm.

Utilisant sa loi anti trust, Pékin continue son offensive contre les groupes étrangers. Après les groupes pharmaceutiques et certains groupes agroalimentaires, la Commission Nationale pour la Réforme et Développement (CNRD) a annoncé en novembre qu’elle viserait également les compagnies aériennes, les véhicules automobiles, les télécoms et les équipements ménagers.

Mais la dernière cible en date est le groupe Qualcomm géant de la technologie mobile, parmi les premiers mondiaux des microprocesseurs pour téléphones portables et de facto en position de monopole en Chine grâce à la technologie CDMA (Code Division Multiple Access) dont il est l’inventeur et qui permet à plusieurs liaisons numériques d’utiliser simultanément la même fréquence porteuse.

Grâce aux royalties, (5% sur chaque portable vendu) les revenus en Chine du groupe atteignent près de 15 Mds de $ par an dans un contexte où les grands de l’électronique chinoise comme Huawei, Lenovo ou ZTE sont ses clients obligés. Les pressions de la CNRD tombent au moment où tout le secteur prépare sont entrée dans la gamme des 4G et négocie avec Qualcomm le prix des microprocesseurs et le montant des royalties.

La longue route des réformes.

Au bilan, les orientations officielles du gouvernement pointent toutes du doigt l’ouverture au marché, la rationalisation, la lutte contre les doublons et les surcapacités, les défis technologiques, l’exigence qualitative, les réformes financières, la part plus grande faite au privé, la libre compétition, la séparation entre les finances publiques, les banques et les grands groupes d’État. A ce titre on ne peut nier l’intention réformiste du pouvoir. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

L’observation des faits depuis le 3e plenum de novembre montre que la route de ces réformes, dont certaines comme « l’économie socialiste de marché » avaient déjà été annoncées au 3e plenum de 1993, est longue et complexe. Les difficultés sont d’abord liées à la dimension des problèmes, dont celui de l’urbanisation en partie attachée à la suppression du passeport intérieur, n’est qu’un exemple.

Un autre exemple des écueils qui jonchent la route des réformes se trouve dans le désengagement annoncé de la puissance publique du secteur productif industriel, encore aujourd’hui fief des familles et des clans, qui fut l’épine dorsale du développement de la Chine pendant 30 ans. On peut sans risque de se tromper beaucoup anticiper que cette révolution donnera lieu à de féroces batailles internes.

C’est bien parce que le système a conscience qu’une bonne partie de ces réformes ne verront pas le jour sans ajustement du système politique, que le communiqué du 3e Plenum évoque, à côté de la suppression attendue du laojiao 劳教, la nécessité « d’explorer la mise en place de tribunaux séparés de l’administration ». Ce qui, en d’autres termes, dénonce la collusion des juges et des administrations qui les financent.

Par cette incidence le régime énonce une nouvelle fois les contradictions qui le taraudent : la viabilité d’un système de parti unique et de la « démocratie intraparti » qu’il prône repose sur la qualité de la « méritocratie », elle-même préalable à la « bonne gouvernance », condition nécessaire à la paix sociale. Mais les dérives du clientélisme et du népotisme ont gravement sapé l’efficacité de la sélection des cadres. Redresser ces dérives constitue un des plus urgent défis du régime s’il veut continuer à gouverner la Chine selon la dogme du rôle dirigeant du Parti.


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