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›› Taiwan

Relations dans le Détroit. Situation et perspectives. Le dilemme de Tsai Ing-wen

Alors que le 17 septembre Wang Yi était à Panama pour inaugurer l’ambassade de Chine après la rupture des liens avec Taipei, il y a trois mois, le moment est venu de faire le point des relations dans le Détroit.

Tandis que dans l’Île, l’amertume est encore vive après la défection du pays d’Amérique Centrale avec lequel les liens datant de 1922 étaient les plus anciens et au moment où l’exécutif à Taipei accuse Pékin de chantage politique après la fermeture de tous les liens officiels un mois à peine après l’investiture de Tsai Ing-wen, Jane Rickards, universitaire britannique domiciliée à Taipei, a, le 13 septembre dernier, publié dans le journal de la chambre de commerce américaine à Taïwan, une synthèse de l’état des échanges économiques entre Taïwan et la Chine.

Après avoir noté que les tensions n’avaient pas encore affecté les flux commerciaux et industriels, elle anticipe des difficultés à venir, concluant son travail par une revue plutôt pessimiste des options restant à Tsai Ing-wen dans le bras de fer qui l’oppose au Continent.

En apparence, la puissance des relations est intacte.

S’il est vrai que l’Accord Cadre promu par Ma Ying-jeou a perdu son élan, handicapé par la fermeture des liens officiels, tandis que les négociations sur les services qui intéressaient beaucoup les milieux bancaires taïwanais, ont été tuées dans l’œuf par le « mouvement du tournesol » , trois ans et-demi après la secousse qui ébranla le Yuan législatif et jeta plus de 200 000 personnes dans la rue inquiètes de la tournure que prenaient les relations dans le Détroit qui connaît le refroidissement politique le plus grave depuis 10 ans provoqué par le refus de Tsai Ing-wen d’endosser le « principe d’une seule Chine », la densité des liens économiques entre les deux rives ne paraît pas avoir souffert.
Lire notre article : Taïwan : Craquements politiques dans l’accord cadre. Les stratégies chinoises en question.

Le Continent demeure le premier partenaire économique de l’Île dont les exportations vers la Chine ont augmenté de 21,3% au cours de 7 premiers mois de 2017, pour atteindre 47,2 Mds de $, tandis que les importations venant de Chine, elles aussi en hausse de 10,6% par rapport à 2016, ont atteint 28,3 Mds de $. Pour autant que les chiffres soient fiables, car ils diffèrent d’un côté à l’autre du Détroit, avec Hong Kong, le Continent accueille près de 40% des exportations de l’Île.

La majorité des exportations de l’Île étant constituée par des composants électroniques, fabriqués à Taïwan et assemblés en Chine par des groupes taïwanais dont le plus connu est Foxconn, qui vient de faire les gros titres des journaux économiques après sa décision, motivée par les avantages fiscaux accordés par Donald Trump, d’ouvrir une usine aux États-Unis, la promesse d’investir 10 Mds de $ et la perspective de créer 3000 emplois.

Crée en 1974, le groupe, de son nom chinois Hon Hai (鸿海) qui emploie près de 1,5 millions de personnes en Chine et assemble des composants pour toutes les grandes marques de la planète depuis les Américains Apple, Microsoft, Motorola, Blackberry, Amazon, Dell et Hewlett-Packard, jusqu’aux Chinois Lenovo, Huawei et ZTE et deux Taïwanais Acer et Asus, en passant par les Japonais Sony et Nintendo, le Finlandais Nokia et les géants coréens Samsung et LG, sort d’un période noire durant laquelle de 2007 à 2012, 25 employés se sont suicidés – dont 14 en 2010 -.

FOXCONN, symbole d’une fin de cycle.

Sur la sellette, dénoncés par les autorités chinoises elles-mêmes, les conditions et la durée journalière du travail, l’emploi des enfants mineurs, les salaires et les conditions de vie des migrants, ont été analysés en 2013 par le sociologue Taïwanais Thung-Hong Lin de l’Academia Sinica qui introduisit le concept de « despotisme global fragmenté », symptôme de la perversion de l’utopie globalisante où l’universalité des droits est facilement bafouée, précisément du fait des contrastes de développement et de l’écart des cultures.

Le dilemme caricatural de Foxconn est au cœur même de l’évolution des situations dans le Détroit qui, suite à la naissance d’une conscience sociale et politique en Chine, surveillée comme l’huile sur le feu par le pouvoir qui l’accompagne par des augmentations de salaires, conduit à la fragilisation sur le Continent des anciens schémas très lucratifs de sous-traitance taïwanais.

Même si la proximité linguistique et culturelle, incomparable sésame sur le marché chinois, incite à changer le moins possible les conditions de leur engagement en Chine, les sociétés taïwanaises n’auront pas d’autre choix que de monter en gamme ou de délocaliser vers « des gisements de salaires » pesant moins lourd sur les coût de production.

Aujourd’hui le groupe Hon Hai sous le coup d’accusations d’esclavagisme industriel, explore deux directions : 1) la mécanisation remplaçant le travail humain par des robots et 2) la délocalisation vers les États-Unis solution de la montée en gamme qualitative, mais où ses méthodes de « gouvernance » seront mises au défi par le droit du travail américain.

Ainsi, au-delà d’une image encore rassurante du marché chinois devenu le principal terrain de chasse des hommes d’affaires taïwanais avec, au bas mot, un stock de 167,4 Mds de $ d’investissement [1], se produit aujourd’hui un reflux de l’élan d’investissements avec, en 2016, un recul de 11,9% (9,67 Mds de $ pour 2016) et une nouvelle chute de plus de 22% au cours des 5 premiers mois de 2017.

Note(s) :

[1La majorité des investissements cible toujours le secteur de la production industrielle, mais la part projets dans la grande distribution et les services, notamment dans l’assurance, augmente, atteignant aujourd’hui respectivement 6 et 7%.

Au stock officiel de près de 170 Mds d’investissements, il faut ajouter les investissements occultes ou « obliques » par les paradis fiscaux et Hong Kong -, arrière plan de la présence sur le Continent de près de 2 millions de Taïwanais et leurs familles désignés sur le Continent par le vocable Taishang (台商) surtout présents dans les provinces du Jiangsu (région de Shanghai) 31%, à Canton, 19% dans le Fujian 8% et le Zhejiang 6%.


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