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La Chine : Une stratégie de long terme. Une marge de manœuvre étroite.
Quant à la Chine, qui s’efforce d’affirmer son magistère en Asie contre la présence envahissante des Etats-Unis, elle tente le difficile pari de rester dans la course dans un exercice où Pyongyang, qui réclame un traité de paix et des garanties de sécurité, recherche avant tout une relation directe avec Washington. A cet effet, Pékin joue de ses liens privilégiés avec son vieil allié, tout en résistant aux pressions américaines et sud-coréennes qui l’incitent à peser sur une situation qui parfois lui échappe.
Avant tout inquiète d’un dérapage militaire ou de la déstabilisation du régime de la dynastie Kim, Pékin avance à pas comptés entre d’une part ses ambitions de puissance tutélaire en Asie face à Washington, et d’autre part, les risques posés par la fragilité structurelle de son turbulent voisin, aggravée par son aventurisme nucléaire.
Mais la variable américaine et son corollaire de compétition stratégique pour le magistère en Asie ne se sont manifestés que récemment. En effet à l’aube des années 90 et jusqu’en 2008, ce qui prévalait était le profil bas préconisé par Deng Xiaoping - 韬光养晦 - Tao Guang Yang Hui, littéralement « cachez vos talents et cultivez la discrétion », que les stratèges américains ont souvent traduit par « gagnons du temps pour renforcer nos capacités ». Mais cette interprétation induit une notion temporelle absente de la formule.
Pékin donnait alors l’impression qu’à l’heure de la modernisation rapide, de la conquête de l’espace et des innovations high-tech, dont se glorifie le vieil Empire du Milieu, la survivance, dans sa proximité immédiate de cet allié historique insolite, discrédité mais dangereux, économiquement ruiné, tenant d’une idéologie moribonde qui affame sa population, était devenue pour la Chine moderne un anachronisme encombrant. A cette époque, les visites de Kim Jong Il en Chine étaient, contrairement à aujourd’hui, tenues secrètes.
Il y avait bien des conservateurs qui entendaient continuer à utiliser la connivence avec Pyongyang comme un élément de négociation stratégique. Mais la jeune génération chinoise pensait qu’au fond le jeu n’en valait plus la chandelle et que les risques posés par les chantages de Pyongyang étaient une menace pour la sécurité et l’équilibre de la zone. De surcroît, ils justifiaient les changements de posture militaire du Japon, consolidaient les alliances militaires entre Washington, Tokyo et Séoul et perturbaient la stratégie régionale de la Chine.